L’idéal d’Élisabeth Borne, c’est Parcoursup dès la maternelle

« Qu’est-ce que tu veux faire, plus tard ? » La question bateau, détestée par tous les enfants, qu’elle soit posée par les amis des parents, l’oncle qu’on voit tous les 36 du mois ou la boulangère du lieu de vacances en échange d’une chouquette, va-t-elle désormais frapper dès trois ou quatre ans ? C’est, en tout cas, le souhait d’Élisabeth Borne.
Invitée sur LCP, le 7 avril, dans Lundi, c’est politique, l’ex-Premier ministre et désormais ministre de l’Éducation nationale a défini le problème phare, aujourd’hui. Ce n’est pas que le niveau scolaire baisse, non ; sur ce point, le fatalisme pédagogique règne. « Notre problème, aujourd’hui, c’est la question globale de l’orientation, qu’on ne doit pas définir au moment où on remplit ses choix Parcoursup mais pour lesquels […] il faut se préparer très jeune - dès le départ, presque depuis la maternelle - à réfléchir à la façon dont on se projette dans une formation et dans un métier. »
FLASH - Les élèves doivent "se préparer très jeunes, presque depuis la maternelle, à réflechir à la façon dont ils se projettent dans une formation et un métier", affirme la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne. (LCP) pic.twitter.com/h2UU1oy8wy
— Mediavenir (@Mediavenir) April 8, 2025
Que celui qui a déjà essayé de discuter d’une formation avec un ado peu inspiré par le monde du travail essaye d’imaginer ce que cela donnera avec un enfant de quatre ans. Oui, « qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? » Sondage fait auprès de quelques rédacteurs de BV, les uns et les autres ont voulu être agriculteur, archéologue, princesse, podologue, chevalier, marchand de crêpes, boulanger, écrivain… Si le certificat technique des métiers (CTM) existe pour former un crêpier, le métier de princesse n’existe pas (nous sommes en République). La fantaisie de l’enfance risque de faire buguer Parcoursup.
Vouloir mettre des gens sur rails dès la maternelle, quelle vision de technocrate ! Rarement la déconnexion avec la réalité aura frappé aussi fort. De 3 à 5 ans, écrit un spécialiste, l’enfant reste dans « une dépendance étroite vis-à-vis de l'entourage immédiat ». « Il ne sait pas se distinguer du sort qui lui échoit dans la constellation domestique »… et devrait exprimer des choix d'avenir, aussi charmants qu’infantiles ? C’est méconnaître le développement de l’enfant et les goûts qui changent jusqu’à l’âge adulte, méconnaître la vie, avec les découvertes d’univers professionnels, les réalités du monde du travail, les éventuelles désillusions et les reconversions… Pour une vocation affirmée, combien de tâtonnements ?
Rétropédalage direct
Devant les railleries qu’ont suscitées ses propos, Élisabeth Borne a fait celle qui n’a pas été comprise : « Non ! On ne va pas orienter les élèves dès la maternelle ! Au contraire, on doit veiller à ne pas conditionner leurs choix d’orientation. » Ouf ! Nous avions interprété tout de travers. Son entourage précise : « C’est plutôt de dire que l’accompagnement dès le plus jeune âge permet, par la suite, d’avoir une orientation plus éclairée. » Est-ce plus clair et plus rassurant ? Pas sûr.
Cet intérêt des politiques pour les tout jeunes enfants n’est pas nouveau. En 2005, Nicolas Sarkozy avait choqué en voulant « détecter chez les plus jeunes les problèmes de violence. Dès la maternelle, dès le primaire, il faut mettre des équipes pour prendre en charge ces problèmes. » Sur un mode plus flicard que technocratique, c’était déjà une façon d’envisager l’« orientation » des petits.
Avec les lois Ferry de 1880-1881, la scolarisation était obligatoire à partir de 6 ans. Elle l’est aujourd’hui dès 3 ans. Les enfants étant sous la responsabilité de l’État, celui-ci s’interroge : qu’est-ce qu’ils vont faire plus tard ? Et la petite Élisabeth, que voulait-elle faire, plus tard ? Nous avons posé la question au ministère — sans réponse. Espérons qu’elle ait eu d’autres rêves que d’être Madame 49.3.

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60 commentaires
Si maintenant les ministres de mettent à faire des poissons d’avril … alors comment trier le vrai du faux ?
Pauvres petits: il faut déjà qu’ils choisissent s’ils veulent devenir un homme ou une femme!