L’incident du 18 juin à Nantes montre le recul des libertés des femmes

terrasse bar de nuit

Résumons d’abord l’affaire : selon le quotidien Ouest-France, deux jeunes femmes prennent des verres (d’alcool !) à la terrasse d’un café. Elles sont en robe. Arrive un groupe de jeunes qui se mettent à siffler et à les injurier. Elles répliquent. Le ton montant, elles s’enfuient ; l’une, ne courant pas assez vite, est rattrapée et reçoit des coups. Elle tombe par terre. Un des agresseurs lève alors une bouteille pour s’en servir comme massue, ce qui aurait causé de graves blessures. Heureusement, des passants s’interposent et les assaillants s’éclipsent. La victime est amenée à l’hôpital. Là, une aide-soignante lui fait la leçon : elle n’aurait pas dû boire de l’alcool à une terrasse et s’exhiber la nuit en robe. Ses assaillants auraient donc des excuses : ils auraient été provoqués. La victime encaisse la remontrance mais reste indulgente : pour elle, l’aide-soignante qui l’a prise en charge ne pensait pas à mal en faisant cette remarque. Elle avait simplement intégré les tabous masculins qui ont cours dans certains quartiers. Les hommes font la police des mœurs, disent comment les femmes doivent s’habiller, comment elles doivent se comporter et imposent un couvre-feu à la moitié de l’humanité.

Cet incident consternant a eu lieu en France en juin 2019, dans une nation occidentale qui promeut à longueur de médias l’égalité hommes-femmes et non dans un pays aux mœurs moins évoluées selon les critères progressistes. Or, il n’a provoqué aucune réaction, comme si ces faits étaient banals, acceptables et sans grande importance. Qu’auraient dit les médias si un couple homosexuel avait été victime d’une agression similaire ? Aurait-on toléré qu’un personnel de santé justifie les coups reçus en affirmant que deux hommes ont provoqué leurs tortionnaires en se tenant la main ou en s’embrassant et qu’ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes ? Bien sûr que non ! Et heureusement. Les médias se seraient sans doute enflammés ; ils auraient fustigé l’aide-soignant indélicat avant de faire le procès de notre société si intolérante. La faute serait devenue collective, tous les Français auraient été impliqués et non une poignée d’abrutis.

La jeune victime de Nantes ne recevra aucun soutien. Probablement, elles et ses amies se montreront à l’avenir plus prudentes. Les agresseurs ont gagné : ils ont imposé leur loi. Car, bien entendu, ils ne seront pas interpellés. Même s’ils l’étaient, ils ne seraient condamnés qu’à une peine de principe, une amende ou quelques mois de sursis, car on n’a pas prescrit à la victime de jours d’ITT. Pour ma part, je les enverrais effectuer un séjour derrière les barreaux, car vouloir limiter drastiquement la liberté des femmes est un acte d’une gravité extrême dont on ne mesure pas toujours la portée ; il est assimilable en tout point au racisme : celui-ci est l’hostilité violente envers un groupe humain. Nous sommes dans cette problématique : le racisme dans des violences physiques est une circonstance aggravante. Mais y aura-t-il un juge pour appliquer cette législation ? L’absence de réaction à l’incident de Nantes est inquiétante.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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