L’indépendance du parquet n’est pas une question prioritaire

Faut-il rompre le lien hiérarchique entre le gouvernement et les parquets ? En d’autres termes, les procureurs doivent-ils être indépendants du pouvoir politique, à l’image des juges ? Le débat n’est pas nouveau et Emmanuel Macron y a répondu clairement lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation. Par la négative.

La question n’est pas réservée aux spécialistes. En réalité, elle concerne les citoyens dans leur vie quotidienne, parce que la politique pénale concerne chacun d’entre nous, que nous soyons d’honnêtes citoyens ou des délinquants chevronnés.

Le parquet, autrement appelé le ministère public, est composé des procureurs et de leurs substituts près les tribunaux de grande instance, et des procureurs généraux près les cours d’appel. En matière pénale principalement, il a pour mission de diriger l’action des services de police judiciaire et de poursuivre les infractions en faisant citer devant les tribunaux les personnes soupçonnées d’avoir commis contraventions, délits ou crimes. À l’audience, le procureur tente de démontrer la culpabilité du prévenu et requiert une peine. Libre ensuite au tribunal, qui a écouté la défense, de juger.

Les juges sont statutairement indépendants. Ils ne peuvent pas être sanctionnés ou déplacés, sauf faute disciplinaire, et ne sont soumis à aucune directive du gouvernement. En théorie, du moins. Les procureurs ne sont pas des juges. Et ils sont nommés, déplacés, dirigés par le garde des Sceaux. Si ce dernier ne peut plus leur donner de directives individuelles, il détermine et fait appliquer la politique pénale du gouvernement. À titre d’exemple, s’il décide de mettre le paquet sur le trafic de stupéfiants, les parquets sont tenus d’appliquer cette politique et de privilégier les enquêtes et les poursuites en la matière. On voit ce que cela peut donner en matière de répression routière, quoi qu’en pensent les intéressés…

Il n’est pas scandaleux que le pouvoir détermine la politique pénale générale, plutôt que de laisser chaque procureur (il y en a 174) faire sa cuisine dans son coin, en fonction de ses préférences ou de ses affinités politiques. Mais les magistrats concernés, qui avaient saisi – en vain - le Conseil constitutionnel de la question, sont d’un avis différent : selon Laurence Blisson (Union syndicale des magistrats), "le Conseil constitutionnel refuse de voir que derrière les questions de nomination et de discipline des magistrats du parquet se nichent des formes d'intervention déguisées dans des affaires individuelles […] Il refuse aussi de répondre aux exigences du corps social qui n'accepte plus les immixtions de l'exécutif dans le cours de la justice."

« Qui pourrait assurer la politique pénale en autonomie complète ? À la fin tout doit procéder quelque part de la légitimité du peuple », lui a indirectement répondu M. Macron. Il entend donc maintenir le lien hiérarchique entre le pouvoir et le ministère public, tout en proposant des modifications relatives à la nomination des procureurs en alignant leurs conditions de nomination sur celles des juges du siège, c'est-à-dire après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Jusqu'ici, le gouvernement n'était pas tenu de suivre l'avis du CSM.

La question est donc tranchée, en apparence. Les procureurs, dans la tradition française, resteront les exécutants de la politique pénale du gouvernement. Modifier cela constituerait une révolution judiciaire qui nécessiterait d’inventer un nouveau système étranger à notre culture. L’élection, pratiquée aux États-Unis, a laissé de mauvais souvenirs en France. Pendant la Révolution, elle a abouti à la nomination de magistrats à l’intégrité douteuse, soumis à la pression populaire et d’une compétence discutée. Est-ce à cela que nous voulons revenir ? Une véritable indépendance des juges du siège serait préférable. Et c’est un vœu pieux.

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