L’inexorable progression des talibans vers Kaboul
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Près de la moitié de la population afghane est déjà passée sous le contrôle des talibans. Plusieurs postes-frontières sont tombés entre leurs mains, certains sans combat. C’est le cas à l’ouest, le long des frontières iranienne et turkmène, et au nord, vers l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Inutile de parler de l’est, où le Pakistan constitue la base arrière des islamistes depuis toujours.
La progression des talibans n’est toutefois pas partout une promenade de santé. Les combats font rage aux portes de plusieurs villes de province où l’armée résiste. De nombreux soldats savent trop le sort qui les attend en cas de défaite pour se rendre sans combattre. C’est ainsi que l’armée syrienne ne s’était pas effondrée face à Daech ou al-Nosra, déjouant tous les pronostics. Mais il y a une différence de taille : ses alliés russes et iraniens ne l’avait pas lâchée. Ce n’est pas le cas en Afghanistan d’où les Américains se sont presque totalement retirés, et l’on sait que la décision est prise par Joe Biden, confirmant d’ailleurs celle de Donald Trump, de passer par pertes et profits (plutôt pertes, d’ailleurs) le très coûteux dossier afghan. Les Afghans qui ont fait confiance à l’Amérique sont donc abandonnés à leur triste sort.
En plus de cette vaste offensive islamiste, qui se passe sur à peu près tout le territoire, les violences se multiplient. Assassinats ciblés et enlèvements se multiplient et visent prioritairement des cadres du régime et, bien sûr, la minorité chiite à qui le pire est promis (les talibans étant d’obédience sunnite).
La géopolitique ayant horreur du vide, Erdoğan n’a pas raté l’occasion de s’immiscer dans l’espace piteusement laissé libre par les États-Unis. L’armée turque a ainsi pris le contrôle de l’aéroport de Kaboul avec la bénédiction des Américains. Ce savoureux transfert de compétences a donné lieu à une transaction financière dont on ne connaît pas la teneur mais, comme chacun sait, le néo-sultan est passé maître dans l’art de ce type de négociation : rappelons-nous comment il a soutiré des milliards à l’Europe en gardant (ou ne gardant pas, selon la conjoncture) sur son territoire quelques millions de migrants venus du monde entier et qui lui servent ainsi de monnaie d’échange.
Des rumeurs font état d’un possible transfert, en Afghanistan, de mercenaires islamistes, généralement syriens, venus de Libye ou de Syrie, précisément de la poche d’Idleb occupée conjointement par les Turcs et les islamistes d’al-Nosra. Ce ne sont que des rumeurs, mais ce scénario est tout à fait vraisemblable et serait ainsi la répétition de l’implantation turque en Libye.
Les Russes, bien sûr, suivent tout cela de très près. Ils redoutent une contagion islamiste dans les pays du Caucase et renforcent leur présence auprès de leurs alliés ouzbeks et tadjikes. Tout ceci donnera à nouveau l’occasion de discussions serrées entre Erdoğan et Poutine. Ils ont l’habitude et seront au moins d’accord sur un point : une fois de plus, les Occidentaux nous laissent le champ libre après une guerre inutile ou ratée, voire les deux.
Les Chinois ne sont pas en reste et ont récemment accueilli des dirigeants talibans en Chine tout en continuant à entretenir de bonnes relations avec le gouvernement afghan d’Ashraf Ghani. C’est la démonstration permanente du pragmatisme chinois : peu importe qui est au pouvoir, la seule chose qui compte, c’est de commercer.
La victoire des talibans semble inéluctable et tout le monde l’anticipe. Certes, les bombardements américains des derniers jours ont freiné leur progression, mais on ne voit tout de même pas l’armée afghane inverser le rapport de force. Les Afghans se préparent au pire : l’instauration d’une république islamique qui scellera un nouveau fiasco américain.
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