L’infirmière du pont de Bir-Hakeim se confie à BV

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Sa voix est calme et posée, au téléphone. Pourtant, Claire*, infirmière, 22 ans, a traversé l'enfer, ce samedi soir, pont de Bir-Hakeim à Paris lors de l'attaque au couteau de trois personnes par le terroriste Armand (Iman) Rajabpour-Miyandoab. Comme Thomas (16 ans, Crépol), Claire et Nathalie Jardin (23 ans et 31 ans, le Bataclan), Laura et Mauranne (20 ans et 22 ans, gare Saint-Charles à Marseille) et tant d'autres, jeunes et moins jeunes, victimes du terrorisme islamique, Claire s'est trouvée « présente au mauvais endroit au mauvais moment » et a tout tenté, en vain, pour réanimer Collin, 23 ans, à force de massages cardiaques. Tout le week-end, à longueur d'ondes elle a raconté : le bruit, les coups, l'arrivée de la police, le sang, les plaies...

« J'étais avec une amie, nous avons frôlé l'agresseur, j'ai appelé la police [...] j'ai vu par terre cet homme, j'ai dit que j'étais infirmière, que je pouvais aider, j'ai commencé le massage cardiaque en lien avec les pompiers, on est rentrées chez nous sous le choc. »

« Faire son devoir d'État, c'est ça, l'héroïsme »

À la question de savoir si elle se considère comme une héroïne, Claire répond simplement : « Je vous avoue que cela ne m'a pas traversé l'esprit. Ce sont des réflexes rapides, on ne maîtrise pas forcément nos réactions dans ce genre de cas. Mais pour moi, l'héroïsme, ce n'est pas cela. L'héroïsme se rapproche plutôt de la pratique des vertus chrétiennes au quotidien. Faire son devoir d'État, c'est ça, l'héroïsme. ». Des paroles qui dénotent avec ce monde violent, assoiffé de sensationnalisme, et nous rappellent Henri, cet autre jeune, croisé il y a peu, sur les bords du lac d'Annecy dans des conditions lamentablement similaires. Celui qui a trouvé le ressort de s'interposer entre le couteau d'Abdalmasih H. et ses six victimes déclarait, quelques jours après : « Je ne cesse de le répéter : je ne suis pas un héros, je n’ai fait que mon devoir en respectant l’article trois de la loi scoute et la parole de l’Évangile » (L'Homme nouveau, le 14 juin 2023).

Un sens du devoir qui semble chevillé au corps de Claire, lorsqu'on l'interroge sur son choix de carrière : « Ce métier d'infirmière, je l'ai embrassé comme une évidence car je ne me voyais pas faire autre chose. Avec cette conviction profonde que j'aime les gens et que ce métier est gratifiant car il permet d'allier les vertus chrétiennes et le devoir d'État en faisant de son mieux pour pouvoir les aider. »

C'est limpide : tout comme Henri, Claire ne fait pas mystère de sa foi transmise par sa famille catholique pratiquante, entretenue dans les murs de son école hors contrat si honnie de nos gouvernants mais qui, décidément, forge des cœurs aptes à réparer ce que d'autres s'acharnent à détruire : le sens du sacrifice et l'oubli de soi. Claire se dit choquée, d'ailleurs, pas cet individualisme qu'elle a vu à l'œuvre, ce samedi soir : « Autour du corps, il y avait du monde mais personne ne faisait rien, les gens regardaient... Cela m'a même fait hésiter ; j'ai pensé que c'était trop tard. Seule une aide-soignante essayait de stopper l'hémorragie [de la plaie de Collin]. »

La sœur de Thaïs d'Escufon, cette figure de Génération identitaire

Il est, dans cette histoire, une ironie du sort, et pas des moindres : Claire est aussi la propre sœur de Thaïs d'Escufon, figure du mouvement Génération identitaire, à la pointe du combat contre l'immigration illégale et l'insécurité, dissous pour sa prétendue dangerosité, il y a à peine quelque mois. Plus qu'un détail fortuit, c'est un signe, extra visible, de l'immense fourvoiement d'une République empêtrée dans un combat qui n'a aucun sens, obsédée par un ennemi toujours de droite, toujours ultra, toujours extrême et dont on peine décidément à compter les victimes.

Pour quelques jours, Claire a décidé de s'évader de Paris, histoire de reprendre souffle et tenter de faire le vide. Mais elle a un message à faire passer : « Je suis choquée, nous dit-elle, par cette remarque des collègues d'une de mes amies pour qui, après l'effet scoop, ce genre de drame rentrera dans la case "faits divers". Ces gens s'habituent... J'espère que ce drame pourra changer quelque chose dans les mentalités, qu'au moins les gens réaliseront la gravité de la situation et les drames que peut entraîner l'immigration. Cela peut arriver à n'importe qui, n'importe quand, n'importe où. » Pragmatique, l'infirmière forme aussi le vœu que « tout le monde connaisse les gestes de premiers secours ».

Espérer que les autres comprennent et qu'ils se tiennent prêts… Voilà à quoi rêvent les jeunes filles de cette France de 2023. Celles, en tout cas, sur qui on peut compter.

*Claire : le prénom a été changé

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 07/12/2023 à 10:58.
Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Une remarque de forme qui apparaîtra peut-être hors sol mais qui me parait devoir être faite car cette faute de sens se répand : dénoter, ce n’est pas détonner.

  2. Je ne serais pas sur pris que quelques « journalistes » du Monde, trouve pour le moins curieux, que ce soit la sœur de Thaïs d’Escufon, qui se trouvait sur place. Ne serait-ce pas, l’ultra droite qui aurait fomenté le coup pour nuire à la réputation des chances pour la France ?

  3. Les sœurs d’Escuffon honorent la France de leur courage. Ces femmes là sont des modèles pour notre jeunesse en mal de repères. Mais encore faudrait-il qu’elles soient misent en avant, tant à l’école que dans les médias dominants . Quant à Henri, vous auriez tout aussi bien pu écrire  » Henri, cet autre jeune, croisé il y a peu sur les bords du lac d’Annecy, doté de de la foi et du courage d’un Croisé….
    Merci Sabine pour tous les hommages que vous rendez aux plus valeureuse femmes de notre pays.

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