L’Italie étend l’interdiction de la GPA à l’étranger : que fait la France ?

Capture écran Euronews
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Ce mercredi 16 octobre restera marqué comme une « journée noire » pour « le Parlement […] les droits et les libertés », si l’on en croit Riccardo Magi, ce député de gauche en Italie qui ne décolère pas sur les réseaux sociaux. Quelle pourrait être la cause d’un si grand désarroi ? Encore un attentat ? Un professeur décapité ? Une jeune fille violée et assassinée ? Une église profanée et incendiée ? Non, simplement cette décision courageuse de Georgia Meloni de renforcer l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) en la rendant illégale, même à l’étranger.

Vers un bras de fer avec l'Europe ?

Si, comme en France, la pratique reste interdite par la loi, elle était jusque-là contournable en allant acheter son enfant dans des pays où cela est possible (Russie, Ukraine, Canada, certains États des États-Unis...). Avec l’adoption de cette loi par les sénateurs, ce 16 octobre, déjà approuvée par les députés en juillet 2023, elle peut entrer en vigueur et expose donc les Italiens qui auraient recours à la GPA à l’étranger à des amendes et des poursuites judiciaires.

Sans surprise, donc, la gauche italienne martèle que « le corps des femmes, leur utérus et leur liberté leur appartiennent. Pas à Georgia Meloni. Pas à ce gouvernement. À aucun gouvernement ». Et promet de porter cette loi devant la Cour constitutionnelle. Mais le Premier ministre italien, qui n’a jamais rougi de se présenter comme une « mère chrétienne », sera-t-elle longtemps souveraine en son pays ?

Rappelons cette déclaration d’Ursula von der Leyen, en 2020 : « Si vous êtes parent dans un pays, vous êtes parent dans tous les pays ». Et le 7 décembre 2022, la Commission européenne adoptait une proposition de règlement visant à harmoniser au niveau de l'UE les règles de droit international privé relatives à la filiation. Une proposition qui avait alerté médecins, psychologues, juristes, philosophes et sociologues. Au point qu'une centaine d’experts de 75 nationalités s’était réunie à Casablanca, en mars 2023, pour signer officiellement une Déclaration d’abolition de la GPA, proposant aux États de s’engager à abolir la gestation pour autrui en signant une « Convention internationale pour l’abolition de la GPA ».

Et en France ?

Si pour l'heure, « ce règlement  européen n’a donc aucune chance d’être adopté  à l'unanimité par le Conseil, il devrait donc  être retiré mais il y a fort à parier que son inspiration même était de faire pression sur des gouvernements conservateurs à l'instar de l'Italie et de resurgir régulièrement comme outil de pression » détaille Charles de Meyer, coordinateur du travail parlementaire des élus français du groupe Conservateurs et Réformistes européens. Le député européen Guillaume Peltier, qui a rejoint le parti Identité-Libertés (IDL) fondé par Marion Maréchal, nous précise : « Nous mettrons tout en œuvre, avec notre puissant groupe parlementaire européen des Conservateurs, pour que cette loi italienne puisse s'imposer à l'Europe entière et Ursula von der Leyen au nom d'un principe universel : "les enfants ne s'achètent pas". Ce principe n'est pas négociable ».

Pourra-t-on espérer que notre pays suive la même trajectoire et sorte de cette hypocrisie consistant à interdire, d’une main, cet acte portant une grave atteinte à la dignité humaine et aux droits fondamentaux des femmes et des enfants et, de l’autre, reconnaître parfois la filiation de l’enfant né par GPA à l’étranger ? Directrice générale adjointe d’Alliance VITA et experte des questions bioéthiques, Caroline Roux est intervenue à plusieurs reprises auprès des instances européennes pour faire interdire cette pratique qui relève « du trafic d'êtres humains ». Elle nous confie qu'« en France, la pratique est interdite, mais cet engagement n’est pas à la hauteur de ce que sont en train de faire les Italiens, qui en font un crime. La loi adoptée par l’Italie est un premier pas vers cette interdiction universelle de la GPA pour laquelle nous sommes engagés depuis de nombreuses années ». Sur le terrain, elle observe « une prise de conscience de ce que représente la GPA en matière de marchandisation du corps des femmes et d’atteintes aux droits de l’enfant ».

Mercredi, devant un parterre de journalistes, le ministre de la Famille italien Eugenia Roccella a rappelé ce principe si évident mais gangrené par le relativisme ambiant : « Les gens ne sont pas des objets, les enfants ne s’achètent pas et on ne peut pas vendre ou louer des parties du corps humain. Cette simple vérité, qui figure déjà dans notre système juridique où la pratique aberrante de la GPA est un délit, ne peut plus être contournée ». Cette prise de position assumée est-elle partagée par Agnès Canayer, son homologue française ? Nous lui avons posé cette question et sommes, pour l’heure, sans réponse, mais nous ne manquerons pas de réactualiser notre papier le cas échéant. Quoi qu'il en soit, l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) n'avait pas manqué de dénoncer la nomination de notre nouveau ministre de la Famille. Son indignation sera-t-elle fondée ?

Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

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