Little Richard : tour à tour drag queen et pasteur !
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Little Richard n’est plus, parti à 87 ans en un ultime scintillement de rimmel. Ses faux cils fermés à jamais, c’est Jerry Lee Lewis (« Great Balls of Fire ») qui doit, aujourd’hui, se sentir bien seul. Car c’est lui, désormais, le « dernier » des pionniers, seul survivant de cette photo mythique des studios Sun, fondés par le légendaire Sam Phillips, l’homme par qui tout est arrivé, où on le voit en compagnie d’Elvis Presley (« Heartbreak Hotel »), Carl Perkins (« Blue Suede Shoes ») et Johnny Cash (« I Walk the Line »).
Little Richard, Richard Wayne Penniman à l’état civil, voit le jour à Macon, en Georgie, en 1932, dans une famille dévote de douze enfants. À l’époque, et dans le sud des USA, où vit la majorité de la population noire, le gospel est tenu pour musique divine alors que le blues est considéré comme celle du diable parce que s’adressant plus au présent du slip qu’au futur des âmes.
À treize ans, il est chassé par son père au motif qu’il est homosexuel et pas mécontent de l’être. Le paternel est, certes, porté sur les Saintes Écritures, mais également sur cet alcool banni au temple mais dont il fait le trafic clandestin ; il mourra, d’ailleurs, à l’entrée d’un bar pour un différend commercial s’étant réglé à coups de fusil. Dès lors, celui qui se fait désormais appeler Little Richard part sur les routes. Au début, il sert d’assistant à un charlatan de grand chemin vendant de la poudre de perlimpinpin censée guérir tous les maux ; puis, se met au piano. Sans faire figure de virtuose, il tape fort sur le clavier et ça s’entend. Ce qui se voit, surtout, ce sont ses extravagantes tenues : costumes bigarrés, permanentes de près de vingt centimètres de haut, tant de bijoux qu’il commence à ressembler à un sapin de Noël. Pour tout arranger, le nain sautillant est maquillé tel un camion volé qui voudrait prendre des allures de gazelle.
Dans la prude Amérique, certains s’étranglent et d’autres jubilent. Chacun de ses concerts devient un numéro de cirque, mais quoi de plus populaire que le cirque, au pays de Barnum ? Surtout celui d’un rock and roll naissant dont il invente les codes. Un exemple ? L’un de ses premiers tubes, « Tutti Frutti », dont l’introduction se résume à ces quelques mots : « Awopbopaloobop-alopbamboom », néologisme qui ne veut à peu près rien dire, si ce n’est que la légende prétend qu’il est la traduction phonétique d’un roulement de batterie. Et le tout suivi d’un hurlement de joie dont on sait qu’il concerne des mœurs sexuelles pas tout à fait hétérosexuelles.
Cela n’a, finalement, rien de nouveau, tant les paroles des bluesmen d’alors étaient souvent lourdes – parfois très lourdes, tel le « Back Door Man » de Willie Dixon – de double sens. Après, les tubes s’enchaînent. Il repère, tôt, un jeune guitariste prometteur qu’il embauche dans son orchestre, un certain… Jimi Hendrix. Ses chansons sont reprises par les Beatles et c’est lui qui apprend à un jeune Paul McCartney à pousser sa voix au-delà du raisonnable. Puis, effrayé par ses propres audaces, il décide de revenir dans le droit chemin, allant jusqu’à jeter, dans un fleuve et du haut d’un pont, pour vingt-mille dollars de bijoux et se faire pasteur ; puis revenir ensuite à son propre évangile, fait de paillettes et de stupre, avant d’autres allers et retours vers la foi de sa jeunesse. Un peu comme le survivant Jerry Lee Lewis plus haut cité et, lui aussi, tiraillé entre des aspirations spirituelles et d’autres plus terrestres, devant supporter, dans son cas, un frère pasteur des plus rigoristes.
Finalement, Little Richard fut la première drag queen, avant même que ce mot ne voie le jour, et sans lui, ni Prince ni Michael Jackson n’auraient connu les carrières qu’on sait, même si le défunt ne versa jamais dans le militantisme niais et la pudibonderie homosexuelle.
On peut juger ou non, mais qui sommes-nous pour le faire, comme dirait le pape François ? En attendant, qu’elle était bonne, sa musique…
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