[Livre] Beaux et damnés, la malédiction des Kennnedy

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Stéphanie des Horts campe scène après scène avec l’impudeur d’un magazine people, mais au style rythmé du galop d’un hussard. On tourne la page suivante, mais ce n’est pas un page turner. On ne sait pas comment on y va, mais on sait où on va. On voudrait presque ralentir en posant les 274 pages sur la table de chevet ; et se repasser les images des jours heureux parce qu’on connaît la fin tragique de ce livre dès la lecture du titre Carolyn et John, un signifiant qui rappelle la chanson de Vanessa Paradis, Marilyn et John, mais surtout une mise en garde sur le bandeau rouge : « La malédiction des Kennedy ». Le name dropping, dès lors, a toute sa place. Son grand-père, « celui qui ressemblait à Clark Gable, courait la gueuse et se noyait dans le bloody mary ». Une ancienne amie lycéenne « Christina Haag, une liane aux longs cheveux noirs, au regard limpide et aux faux airs d’Ali MacGraw dans Love Story ». « Et lui, il ressemble à qui ? Il est magnifique, presque trop beau pour être vrai. On cherche la faille, on la cherche longtemps, on ne la trouve pas. Ce garçon est sensationnel à tous égards. […] Sa mère, il a tout pris d’elle. Son côté aquilin, ses couleurs, son regard perçant. Oui, il a tout pris de sa mère et le meilleur de son père. La légende. » « Un peu de Brando et beaucoup de Nicholson, tu as un don. Persévère », dira son professeur de théâtre.

La photographie a poussé les peintres vers l’impressionnisme, le cinéma nous donne à voir dans les romans, les lecteurs ont bien souvent une plus grande culture filmique que littéraire et la persistance rétinienne des images de cinéma nous imprègne de portraits géants de stars comme ceux des people à la une des magazines.
Beaux et damnés à la fois, le sujet idéal pour cet écrivain français tellement fitzgéraldien qu’est Stéphanie des Horts. Comme dans les tragédies grecques, bien qu’on en connaisse la fin, le fatum, « la malédiction des Kennedy » renforce le suspense.

Que connaît-on de la vie de John-John ? Nous savons juste ce dont lui-même n’a aucun souvenir. « Il n’a aucun souvenir de John Kennedy, pas plus du Resolute Desk, ni du salut militaire le plus célèbre de l’histoire et encore moins des culottes courtes que sa gouvernante l’obligeait à porter. » Il a juste le souvenir du bruit de l’hélicoptère qui annonce le retour de son père. Le roman nous apprend tout le reste, parfois on se remémore des bribes d’échos lus dans la presse people. On ne compte plus ses aventures. Daryl Hannah, Madonna, Julia Roberts. Jamais mufle, il se dépense sans compter pour les complimenter.

« Ils voient tous en toi le futur président des États-Unis », dit son ami.
Mais celui qui le fascine, c’est Reagan, le républicain, avec son éloquence, sa stature, cette manière qu’il a de tout mettre en scène ; pas Carter, le marchand de cacahuètes, ni les démocrates avec leurs transports en commun. Au métro, il préfère la bicyclette, le taxi ou l’avion personnel.

« À St Mary’s High School, refuge de la jeunesse dorée de Boston, les sœurs Bessette ne passent pas inaperçues dans leur uniforme en flanelle grise. Au beau milieu des bâtiments blancs aux toits d’ardoise, des terrains de sport nichés dans la forêt, Lisa et Lauren brillent par leur travail, Carolyn par son indiscipline. On dit qu’elle s’amuse beaucoup trop, surtout avec les garçons, on dit tellement de choses. »
Finalement, elle part à New York !
- Tu vas rencontrer de beaux garçons, s’enthousiasme Lauren.
- John Kennedy, au moins, et je te parie que je le mettrai dans mon lit !
- Tu vas en tomber folle amoureuse, estime Lisa.

« Toute vie est bien entendu un long processus de démolition », écrivait Francis Scott Fitzgerald. John Kennedy va rencontrer sa Zelda et ils mettront un bel enthousiasme à tout démolir. Carolyn Bessette le traite avec dédain. C’est une garce, mais il en est fou. Drogue, cocaïne, crises d’hystérie, virées adultérines, New York est donc bien comme nous l’a montré Brett Easton Ellis. Mais pour John, Carolyn et sa sœur Lauren, le pire les attend au large de Martha’s Vineyard. Alors, on savoure l’éphémère. On repose le livre pour ne pas le dévorer trop vite. Mais on le reprend.

Thierry Martin
Thierry Martin
Auteur, dirigeant d’entreprise, sociologue de formation

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