[Livre] Le management totalitaire qui gangrène nos entreprises

Burn out 2019-05-31 à 10.30.26
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 31/03/2023.

L'été : l'occasion pour beaucoup de se plonger enfin dans ce livre dévoré des yeux toute l'année sans pour autant avoir eu le temps de s'y plonger. À cette occasion, BV vous propose une sélection de ses meilleures recensions. Aujourd'hui, avec le Management totalitaire, Violaine des Courières, journaliste de Marianne, a enquêté sur le management anglo-saxon qui gangrène nos entreprises.

Pourquoi parler aujourd’hui du Management totalitaire (Albin Michel), enquête inédite très fournie de la journaliste de Marianne Violaine des Courières ? D’abord parce qu’il apparaît clairement que ce sujet n’est pas étranger au mur de méfiance qui s’est construit entre les entreprises et les salariés français, aujourd’hui vent debout contre la réforme de retraites. Ensuite parce que la façon dont notre Président traite la start-up nation France relève pour une grande partie de ce management totalitaire dont a accouché le capitalisme anglo-saxon qui, peu à peu, chez nous, a pris le pas sur la « culture capitaliste sociale qui, jusqu’à présent, faisait l’honneur des grandes société du CAC 40 ». La désindustrialisation, en faisant la part belle au secteur tertiaire, en a été le catalyseur : « On n’évalue plus le salarié selon son savoir-faire, ses compétences et ses actes, mais selon son comportement et ses particularités cognitives. » C’est le wokisme managerial : le salarié vaut moins par ce qu'il fait - qui, dans une économie financiarisée, ne peut être aussi objectivement évalué que dans une économie à forte dominante industrielle - que par ce qu'il est. Il n’est pas étonnant que ces techniques aient mis plus de temps à éclore dans nos pays latins catholiques, car elle s’inspirent de l’éthique protestante : la prédestination et la foi avant les œuvres. Tout cela se traduit « par une implacable sélection entre les forts et les faibles, entre les charismatiques et les timides, entre les empathiques et les asociaux » : « Les évaluations comportementales, les méthodes de management psychologisantes et l’infantilisation des personnes réduisent le libre-arbitre des employés. Au point de ne plus savoir penser par eux-mêmes. Au point d’accepter d’être des exécutants au service d’une institution qui pourrait les évincer à leur tour, au moindre faux pas. »

Et c’est bien sur ce terrain qu’est allé le gouvernement pendant la crise du Covid. Avec la technique managériale du nudge, le gouvernement a créé une obligation vaccinale de fait, dégagée de toute responsabilité, en modelant les comportements. De même, pour « emmerder » (sic), comme Emmanuel Macron l'a dit, les non-vaccinés, il a usé du mobbing, pratique permettant de se débarrasser d'un collaborateur sans les tracasseries juridiques d'un licenciement : on le met au placard et même au ban de l'entreprise, le dénigre, l'évince des réunions et des missions jusqu'à ce qu'il craque et démissionne (avec une rancœur tenace : ce n'est pas un instrument de paix pour la société…).

Pour que le tableau de ce « management totalitaire » soit complet, il faut rajouter une bonne dose d’hypocrisie. Les entreprises d’aujourd’hui ressemblent aux douairières d’autrefois, que se plaisait à décrire François Mauriac : au premier rang à la messe, donnant mille gages ostensibles de leurs vertus aux notables et au clergé, présidant les jurys de rosières, mais traitant par derrière avec mépris leur bonne, leur jardinier et leur bru. Il y avait le green washing - démonstration bruyante d’’éco-responsabilité -, voici le woke washing, pour le versant sociétal : LGBT, antiracisme, etc. Félicitées pour leur éthique par les agences de notation grâce à leurs ostensibles génuflexions devant le politiquement correct, les entreprises peuvent ensuite en toute bonne conscience malmener, pressuriser, jeter à la hussarde leurs salariés. On ne s’étonne plus, comme Violaine des Courières le souligne, que nombre de jeunes diplômés fuient aujourd’hui comme la peste ces grands groupes à l'atmosphère éminemment toxique. 

Des pistes de solution ? La réindustrialisation de la France car, comme le note avec humour l’auteur, « on ne recrute pas un ingénieur en fonction de son quotient émotionnel ou de son profil de leader inspirant, mais bien pour sa capacité à construire un pont ou à développer des innovations », mais aussi la « préservation des sociétés à l’actionnariat familial, la valorisation des PME en région et du made in France ». Convenons que, pour le moment, ce n’est pas gagné. 

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:21.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Dans le domaine professionnel, la valeur d’une personne s’estime à ce qu’il fait.
    Dans le domaine sentimental et affectif, la valeur d’une personne s’estime à ce qu’il est.
    C’est aussi pourquoi l’amour au travail est une dérive néfaste!

  2. « Le tutoiement ne garanti en aucun cas que l’on entretient de bons rapports avec autrui. » C’est souvent une façon secrète de vouloir dominer l’autre ou accepter d’être dominé, enfermé….
    Le Protestantisme a mis l’Europe à feu et à sang, mais surtout la France Catholique, et cela pour seulement 2 croyances non acceptées par les Protestants, ça a duré 30 ans….Et même si ce n’est plus la St Barthélémy, je dis que l’on est encore en guerre de Religions ; mais maintenant c’est contre le WOKISME, pour remplacer les monothéistes, et l’ arrimer au Pouvoir de cette Loge en réseaux pour leur Gouvernance mondiale….et ils ont bien tissés leur Toile en hauts lieux même jq Japon….

  3. Je suis un ancien directeur de site industriel américain établi en France. Des recettes et méthodes de management à la sauce US, j’en ai reçu pas mal, des bonnes comme des douteuses.
    A chaque manager de savoir « adapter » et se rappeler qu’il est en France et qu’il a affaire à des salariés français, qu’ils soient opérateurs, employés, techniciens ou cadres. A lui de les « manager » à la française, dans le cadre des lois, conventions, us et coutumes français. Dans une enteprise américaine, en définitive, seuls les résultats comptent. Je le sait, je l’ai fait, en m’asseyant parfois (ou souvent ?) sur ces méthodes new-look qui se succèdent.

  4. Et nos administrations , qui ont copié avec application ces méthodes venues du privé (c’est forcément mieux)) et du monde anglo saxon (c’est très chic).
    Au fait si on faisait le rapprochement avec ces sondages qui démontrent que les Français en majorité , détestent leur travail, entrent dans le monde du travail le plus tard possible (un bac automatique et des universités largement ouvertes facilitent la chose) , et veulent partir à la retraite le plus tôt possible.
    l’Espagne vient de voter la retraite à 67 ans , sans révolution dans les rues , en toute paix démocratique , il faudra m’expliquer.

    • Oui, ça faisait très « chic » , « in » dans les années 90 dans nos administrations.. On voit le résultat !

  5. Cela a commencé à partir en sucette dans les entreprises à partir du moment où l’on a enlevé la cravates et que l’on s’est tutoyé.

  6. Quel article plein de vérité, pour avoir vécu ce qui y est dénoncé non pas dans une entreprise du CAC40, mais tout simplement dans un administration régalienne de l’état gangrénée par les « beaux parleurs », mais « petits faiseurs ». La lecture du J.O d’hier m’a encore conforté dans mon analyse, pays perdu !

  7. Cela fait plusieurs décennies que le système « d’évaluation » d’IBM et consorts a gangréné nos entreprises…et nos administrations !
    Avènement de grilles de notation absurde, en même temps que l’apparition d’une nouvelle dénomination du salarié, analysée avec brio dans les années 80 par Michel Crozier dans un article décapant: « comment je suis devenue une ressource humaine ». 40 ans après, avec la disparition du « personnel » et du « directeur du personnel », devenu DRH, la ressource humaine s’est transformée en ETP dans les administrations, c’est à dire en « un équivalent temps plein »….avec l’aboutissement que l’on voit dans les hôpitaux par exemple, où la gestion sans états d’âme de l’ARS supprime les ETP, et maintenant les intérimaires…
    De même que le consommateur est devenu…un outil de consommation !

  8. J’ai dirigé des filiales de groupes multinationaux dont le siège de l’un est à Milwaukee et le siège de l’autre à Paris. J’ai constaté que si le management du groupe de Milwaukee était odieux, celui du groupe parisien l’était presque autant . L’atmosphère est, en effet, insupportable dans ces organisations tentaculaires qui sont clairement tyranniques. Elles ne posent pas seulement des problèmes du point de vue économique et moral mais aussi du point de vue politique puisque la république est le régime qui combat l’arbitraire, et donc la tyrannie, et que notre régime politique est, paraît-il, une république.
    Certes l’industrialisation est absolument nécessaire mais la solution qui permettrait d’améliorer considérablement la vie des travailleurs en général (tous ceux qui travaillent, sans exception) ce serait la solution pancapitaliste, proposée par M. Loichot, dont René Capitant disait :  »Ce n’est pas une solution, c’est la solution).

  9. Considérer les gens non pas par leurs actes mais par les préjugés qu’on pose sur eux, est une marque caractéristique de l’extrême-droite. C’est un racisme, un racisme d’opinion, de préjugé. Notre gouvernement (et largement aussi, ceux qui l’ont précédé) en font partie. Je rappelle « ceux qui ne sont rien », « les sans dent », et autres mépris… —Notre politique, mondialiste c’est-à-dire remettant tous les pouvoirs et toutes les richesses à une élite d’hyper-milliardaires internationaux, tandis que les peuples sont soit des producteurs, soit des consommateurs (quels que soient les pays, on n’en tient plus compte) est typiquement d’extrême-droite. Or les pays, les frontières, protègent les peuples et permettent la démocratie (= le pouvoir du peuple). C’est pour cela que le mondialisme est autant imposé aujourd’hui.

    • vous trouvez que le gouvernement actuel et ceux qui les ont précédés sont d’extrême droite ? Il me semblait que l’auteur des « sansdent » était premier secrétaire du PS, et que son successeur a été son ministre des finances ! Me serais-je trompé ?

  10. C’est ce genre de méthode, « nuddge » et « mobbing » qui font que des entreprises phares se cassent la figure. Exemple : Disney. L’adoption par cette entreprise des théories wokes et l’élimination de tous ceux qui n’y adheraient en a fait une structure vide, où le personnel, plutôt que « d’apporter » à l’entreprise » ne se bat plus que pour devenir transparent… S’il devait y être embauché aujourd’hui, un Walt Disney, par sa fantaisie et son originalité, ne rentrerait pas dans le moule et serait vite éjecté…

  11. « L’art le plus difficile n’est pas de choisir les hommes mais de donner aux hommes qu’on a choisis toute la valeur qu’ils peuvent avoir » Napoléon Bonaparte qui savait être un manager.

    • Là, je ne vous suit pas, napoléon a surtout sacrifié son peuple au bénéfice d’une ambition personnelle, relisez la « campagne de Russie »

    • Dixit un ex-« manager » qui s’est cassé la gueule faute d’avoir sû faire ce qu’il cite ! Ah : des regrets ou des remords ?

  12. Encore un signe que la France va mal. Existe-t-il un vaccin (un vrai qui soigne et empêche la transmission ) contre le macronisme. Le 49.3 va-t-il entrer dans le code du travail.

  13. Tout détruire et quand ils n’ont plus d’idées pour le faire ils vont chercher chez nos voisins . Et l’on s’étonne que de plus en plus de nos jeunes diplômés partent à l’étranger .

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