Livre / « Ces chrétiens qui ont résisté à Hitler », Dominique Lormier
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Le souvenir précis de la Seconde Guerre mondiale, avec toutes ses nuances, déjà largement caricaturé par les récits officiels, tend à s’estomper avec la mort de ses acteurs. Ainsi tombent, ces derniers temps, les derniers compagnons de la Libération, précisément au moment où nous aurions besoin des conseils de ceux qui ont su résister à l’invasion.
Dans ces circonstances, l’ouvrage de Dominique Lormier arrive à point nommé. D’abord parce qu’il remet la foi chrétienne au cœur de l’engagement de certains résistants, faisant au passage un sort aux mythes de Pie XII, « pape d’Hitler » et de la collaboration zélée du régime de Vichy, mythes détruits dès les premières pages de l’introduction par les témoignages de Simone Veil et Serge Klarsfeld (peu suspects d’être des nostalgiques du pétainisme ou des bigots aveugles). Ensuite, et surtout, parce qu’il offre au lecteur une galerie magnifique de personnages que les circonstances ont révélés, que ces héros chrétiens soient célèbres (comme Koenig, Juin, Leclerc et de Lattre, les maréchaux de la victoire, tous fervents catholiques) ou anonymes, laïcs ou religieux, et même catholiques, protestants ou orthodoxes. On croise dans cette étonnante énumération un royaliste breton, une princesse russe, un ex-fasciste italien, un chef de corps franc (Tom Morel), les quatre célèbres maréchaux et, donc, des ecclésiastiques venus de toutes les demeures de la maison du Père.
Dominique Lormier, en compilant archives, lectures et témoignages, brosse aussi une description très réaliste de ce qu’ont dû être ces années-là : les filatures dans le métro, Radio Londres qu’on écoute à la cave, une population française silencieuse mais plutôt bienveillante envers les Juifs et les résistants, et, brochant sur le tout, la figure bigger than life, quoi qu’on en pense, du général de Gaulle. On croise aussi quelques noms d’hommes politiques, dont on savait qu’ils avaient fait le coup de feu sans mesurer, là aussi quoi qu’on en pense, le degré de leur engagement : Messmer, Chaban, Malraux et les autres. On rencontre enfin, comme un hommage trop tard rendu, ces figures anonymes, piochées parmi tant d’autres certainement, de héros sans histoire mais pas sans destin, qui mourront en déportation, sous les balles ou dans l’indifférence de la vieillesse.
Les deux questions qui se posent au lecteur, quand il referme ce beau recueil d’héroïsme, pèsent de tout le poids de ces existences sacrifiées, qui ont offert leur jeunesse, leur honneur, leur confort matériel, leur famille, pour tout risquer sous l’œil du bon Dieu. La première est : pour quel résultat ? Voulaient-ils vraiment, ces êtres brûlés par la Grâce, nous permettre de voir l’âge du soviétisme maternaliste à la française, qui ressemble à un cauchemar d’Orwell ? Et sont-ils vraiment morts pour que nous puissions nous vautrer dans le monde de C8, de la ligne 13, des KFC et des prières de rue ? La deuxième est plus profonde encore : et nous, demain ? Prendrions-nous le bateau pour un nouveau Londres ou le maquis au pays, résisterions-nous aux tortures au nom des idées qui nous font vivre ? Aurions-nous, avec une balle de 12,7 dans le ventre, le seul souci de mourir en chrétien ? Je n’en sais rien, pour ma part, et chacun offrira sa réponse à l’heure dite. Pour l’instant, il est conseillé de lire le livre de Dominique Lormier, ne serait-ce que pour se rappeler que c’est possible.
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