Livre : Comment nous sommes devenus ce que nous sommes, de David Reich
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Le livre de David Reich a enfin été publié en langue française. L’auteur est le directeur du laboratoire de paléogénétique de la prestigieuse Harvard Medical School. Le moins que l’on puisse dire est que ce livre apporte beaucoup de réponses aux questions que nous pouvions nous poser au sujet de nos origines lointaines.
L’analyse des génomes d’humains ayant vécu entre -50.000 ans et -4.000 ans a permis récemment l’acquisition de connaissances déterminantes quant aux lointaines origines de l’humanité moderne. Ce livre porte surtout sur l’Eurasie de l’Ouest (des steppes eurasiatiques à l’Atlantique et de la Scandinavie à la Méditerranée) parce que c’est dans cette région du monde qu’ont été découverts la plupart des squelettes anciens.
Nous savions qu’il y avait eu, en Europe, des migrations successives de populations de chasseurs-cueilleurs (paléolithique) venus du Proche-Orient, d’agriculteurs originaires d’Anatolie (néolithique) et de pasteurs venus des steppes (au début de l’âge du bronze), mais nous ne connaissions pas les apports respectifs de ces différentes populations dans la formation du mix génétique des populations européennes actuelles. Les prédécesseurs de ceux que les scientifiques appellent désormais Yamnayas avaient-ils été éradiqués au cours de l’expansion de ces derniers, comme certains l’ont pensé ?
La civilisation yamnaya était une civilisation de nomades, éleveurs de chevaux, de bovins et de moutons, qui vivaient dans les steppes situées au nord des mers Noire et Caspienne. Cette civilisation avait été étudiée par l’archéologue Marija Gimbutas, qui l’avait appelée civilisation des kourganes. Les Yamnayas étaient supposés avoir introduit les langues dites indo-européennes en Europe, ce qui semble vérifié, selon David Reich. Ces langues seraient peut-être apparues au sein de populations de chasseurs-cueilleurs vivant au nord de l’Iran ou en Arménie ; la population yamnaya résulte de l’hybridation entre ces chasseurs-cueilleurs et d’autres chasseurs-cueilleurs qui vivaient dans le nord-est de l’Europe.
Les agriculteurs issus d’Anatolie ont essaimé vers l’ouest il y a 8.000 ans, aux dépens des chasseurs-cueilleurs qui y vivaient depuis 35.000 ans environ (ce sont ces derniers qui ont peint l’intérieur de la grotte de Lascaux). Ces chasseurs-cueilleurs avaient la peau et les cheveux foncés mais les yeux bleus, tandis que les cheveux et les yeux des Yamnayas étaient bruns et que la peau des agriculteurs anatoliens était pâle (le blanchiment de la peau serait lié à l’adoption de l’agriculture et à nos besoins en vitamine D). Les envahisseurs de l’âge du bronze étaient grands et parlaient probablement le pré-indo-européen mais ils n’avaient ni cheveux blonds ni yeux bleus ni peau pâle ; par contre, ils nous ont légué le gène grâce auquel certains d’entre nous peuvent digérer le lait de vache.
Les Européens sont issus de l’hybridation de ces trois populations (quatre, si on compte Néanderthal, une espèce différente d’Homo sapiens qui nous a légué de 1 à 2 % de notre patrimoine génétique). Les apports liés à ces trois populations sont variables du nord au sud et de l’est à l’ouest de l’Europe, tandis que presque tous les peuples européens actuels parlent des langues indo-européennes.
Ce tableau réalisé par le Dr Wolfgang Haak, de l’Institut Max-Planck d’anthropologie (Leipzig), illustre ces différents apports dans les populations européennes modernes. On remarque que la part héritée des Yamnayas varie de quelques pourcents, en Sardaigne (et en Corse), à 50 %, en Norvège, de nos jours ; il illustre aussi la diversité génétique qui existe en Europe (selon le généticien Chao Tian, les Grecs actuels sont deux fois plus proches des Palestiniens que des Russes et les Italiens sont aussi proches des Palestiniens que des Suédois). L’apport des Yamnayas est moins important que celui des agriculteurs anatoliens.
Un livre à lire absolument par tous ceux que ce sujet intéresse.
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