Livre/ Les Grands Excentriques, de Nicolas Gauthier
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Frappadingues loufoques, maboules, hilarants, foutraques obsidionaux, clowns princiers, survoltés comiques : c’est à un pétaradant festival d’artificiers de la déconne, de dingues en hiver, de tontons flingués et de barbouzes postiches que nous convie le cher Nicolas Gauthier, plume bien connue des lecteurs de Boulevard Voltaire.
Ces grands excentriques, comme il les dénomme affectueusement et que le préfacier du livre, Alain de Benoist, affuble de l’épithète « sympathiques », sont visiblement nés sous le patronage d’André Breton et de Tristan Tzara. Entre dada et pataphysique, ils ont choisi d’écrire leur vie en écriture automatique. C’est merveilleusement plus drôle que l’écriture inclusive, cet hermaphrodisme scripturaire lourdingue inventé par les "Champollionnes" de l’émasculation précoce. Et de gauche, par surcroît !
Ceci expliquant cela. Car, comme le souligne justement Alain de Benoist, s’il est des excentriques de gauche, ceux-ci « sont rarement zinzins de la même façon, d’autant que la gauche est très souvent victime de son moralisme niais et de son esprit de sérieux ». Et puis, soyons conséquents jusqu’au bout : si le talent littéraire se trouve, ou peu s’en faut, à droite, le rire, de Rabelais à Alphonse Allais jusqu’à Audiard ou Le Luron, est tout sauf sinistre – voire, pour les adeptes de Thibaudet, sénestrogyre.
Nicolas Gauthier nous a donc sélectionné une pincée de ces dingos, foutraques, fêlés et autres inadaptés de la vie sérieuse. Francis Blanche, Jean Cocteau, Salvador Dalí, Sacha Guitry, Jean-Edern Hallier, Howard Hugues, Valentino Liberace, Béla Lugosi, Andy Warhol et Oscar Wilde constituent la joyeuse cohorte décomplexée et bordelisante qui secoue les côtes même les plus rébarbatives, aurait dit Bernard Blier à un Louis de Funès médusé.
Et l’on se bidonne de bout en bout au fil de ce petit ouvrage de 200 pages que l’on aurait souhaité plus épais, une fois refermé à regret. On y découvre un Jean-Edern « pas plus “facho” que “gaucho” […], simplement heureux quand il foutait le bordel », mais tellement braque à lier (par exemple, pour se débarrasser d’un huissier un peu trop insistant, il n’hésite pas à arborer ses attributs virils) « qu’il lui faut malgré tout aller chercher quelques alliés ».
D’autres plus inattendus que, pareillement, les moins de vingt ans – voire de quarante ou cinquante – ne peuvent pas connaître, tel Béla Lugosi, acteur pourtant inoubliable qui, ayant prêté ses traits à un redoutable suceur de sang de Transylvanie – où il vit le jour en 1882 –, affectionnait de dire « Je suis le comte Dracula » et, se prenant comme tel, déambulait, fantomatique, dans un intérieur gothique – un manoir perché sur les hauteurs d’Hollywood – où « des fausses toiles d’araignées pendent d’un peu partout, le salon orné de chandeliers aux bougies noires et, surtout, pas le moindre miroir ; normal, puisqu’ils ne peuvent réfléchir l’image des vampires. Ambiance… »
Et que dire de la vie tumultueuse d’un Sacha Guitry tentant de percer sous l’épaisse renommée d’un père, Lucien, qui refusait à son rejeton le privilège de se réclamer d’un patronyme célèbre dans le Tout-Paris artistique. S’il gagnera malgré tout le nom paternel, cet insatiable amoureux des femmes (cinq mariages, « sans compter d’innombrables réelles ou simplement présumées ») n’accédera pas, néanmoins, à la réputation de son géniteur surnommé, alors, « Divan le Terrible ».
Branques ou potaches, ces excentriques d’un autre temps sont sacrément antimodernes, à rebours des rebelletrons à la Cali ou à la Christine Angot. Qui, aujourd’hui, à l’instar de Dalí, oserait s’enflammer pour « Adolf Hitler, phénomène surréaliste absolument fantastique et fascinant, voire parfaitement comestible » ? Sans parler de Jean Cocteau, touche-à-tout de génie, homosexuel opiomane, affectant de défunter en public pour la plus grande frayeur de ses amis, ou d’Oscar Wilde, autre inverti notoire, dandy affété et subtil poète au physique de catcheur qui tâtera de la geôle victorienne pour ses penchants par trop provocateurs pour cette prude époque.
Bref, le lecteur ne perdra pas son temps en compagnie de ces « mécontemporains » qui, aux dires de l’ami Gauthier, « ont tous apporté une pincée de vie dans un univers qui, parfois, en manque si cruellement ».
https://www.tvlibertes.com/2018/05/02/22865/livre-libre-nicolas-gauthier
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