Livre : La Miséricorde, de Jean Raspail
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Dans La Miséricorde, il y a un peu de La Faute de l’abbé Mouret, du Défroqué et d'Une histoire sans nom. Sauf que celle-ci est une histoire sans fin.
Dans La Miséricorde, il y a, au ras du sol, la queue fourchue du diable qui se tord, et là-haut, l’ombre du grand manteau blanc du Christ où même le pécheur le plus abject peut se réfugier. Et Dieu sait si celui dont il est question ici est abominable. Le livre s’inspire d’une histoire vraie : dans les années 50, un curé a assassiné la fille qu’il avait « engrossée », non sans avoir au préalable extirpé vivant l’enfant - presque à terme - des entrailles maternelles pour le baptiser.
Dans La Miséricorde, il y a de la force, du souffle, de l’indignation, de la noirceur, du doute, du paradoxe, de la crainte, de la rancune, du pardon, de la foi, bref, tout ce que vous ne trouverez pas - ou si rarement - sur les rayons des nouveautés littéraires, aussi manichéennes qu'un volume du Club des cinq, aussi aseptisées et mornes qu'un livret d’accueil de crématorium.
C’est que Jean Raspail, c’est bien connu, n’a jamais eu peur de mettre sa lampe frontale et ses mains dans le charbon pour descendre au fond de la mine pleine de noirceur qu’est l’âme humaine. Avec ses vitraux parfois, pourtant, d’où jaillit, aveuglant, un rayon de lumière.
Comment peut-on baptiser - au prix du charcutage sanguinolent de l’être jadis aimé - le tout-petit que l’on a conçu et que l'on va assassiner, pour le faire naître, au Ciel, à une vie qu’on s'apprête à lui enlever sur terre, animé donc de l’intime conviction que l’au-delà existe alors que l’on s'en ferme de facto les portes ?
Comment peut-on croire à la sincérité d’un tel meurtrier lorsqu’il a fait de sa prison une cellule de moine contemplatif, et de la cour de récréation une paroisse bancale d’incarcérés ?
Comment un quidam moyen peut-il être assez fou pour imaginer discerner la vérité dans un tel écheveau de duplicité et de clarté ?
Qui est le plus détestable ? L’éminent avocat dont les médiocres turpitudes, jamais punies ni même vraiment avouées, ont été distillées durant toute une vie à dose filée, ou son confesseur, abominable criminel qui a durement expié ?
Ne comptez par sur l’auteur pour vous donner les réponses, ce récit est inachevé.
Les époques - 1956, 1960, 2001 - dans ce livre s’entrechoquent, Comme les questions suspendues dans la tête du lecteur…
Le propre de l’œuvre de Jean Raspail est d’être immortel. Le Camp des saints est même plus moderne qu’au moment de sa parution. Laissé en l’état par l’auteur en 2003, publié comme une nouvelle parmi d’autres en 2015, Miséricorde connaît une véritable première édition aujourd’hui.
Et entre scandales de mœurs dans l’Église et libération de Jean-Claude Romand, accueilli, sitôt libéré, par un monastère, ce bouquin troublant semble terriblement d’actualité.
En ces temps où chacun, à sa façon, nous prédit à plus ou moins brève échéance un scénario apocalyptique sans espoir de salut et nous tend, voire nous vend, obligeamment la corde pour nous pendre, le mot miséricorde, magnifique, prend tout son sens eschatologique.
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