Livre : L’Album des bobards, 10 ans de fake news des médias
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Il y a quelques années, alors qu’il était demandé aux Inconnus pourquoi ils avaient arrêté leurs parodies télévisuelles, les trois humoristes répondirent de concert, et en substance : « Parce que la réalité a depuis longtemps dépassé nos sketches et que les actuelles émissions de télévision sont devenues encore plus parodiques que nos parodies. »
À en lire L’Album des bobards, 10 ans de fake news des médias, édité sous la direction de Jean-Yves Le Gallou et de la fondation Polémia, on se dit que ce sont d’autres comiques, ceux de Jalons ou du Gorafi, qui se retrouveront bientôt au chômage.
En effet, aux débuts de l’affaire Mohammed Merah, quand Le Canard enchaîné titre « Le tueur de Toulouse sent le nazi », on ne sait plus trop bien s’il convient de rire ou de pleurer. Dans le même registre, Pascale Clark, de France Inter, qui affirme le plus sérieusement du monde : « Le XIXe arrondissement de Paris est peuplé de cathos homophobes », tandis que son confrère Patrick Cohen est surpris en flagrant délire sur France 5 : « Quand on anime une émission de débat public, on a une responsabilité, par exemple de ne pas propager de thèses complotistes, par exemple de ne pas donner la parole à des cerveaux malades. » Bref, on mange le pain de Laurent Gerra.
Depuis une décennie, donc, sont annuellement décernés les désormais traditionnels Bobards d’or, récompensant les journalistes s’étant surpassés dans le mensonge, qu’il soit volontaire ou non, de bonne foi ou pas. Vaste boulot, tant la matière est abondante et les postulants nombreux. Le problème, c’est que certains bobards sont si hénaurmes que l’on en vient parfois à se demander si Jean-Yves Le Gallou ne nous cacherait pas des ancêtres marseillais. Même pas. Le pire, comme dirait l’autre, c’est que tout cela est vrai, tragiquement vrai.
On ajoutera que l’intelligence de ce bel ouvrage élégamment maquetté consiste à ne pas sombrer dans l’indignation de commande et de répétition, souvent lassante, à la longue, préférant ici opter pour une ironie autrement plus efficace. Comme quoi l’humour peut aussi se révéler une sorte d’arme de destruction massive en de telles circonstances, tout en n’interdisant pas non plus une réflexion en profondeur sur les vicissitudes du métier de journaliste, profession de plus en plus et à juste titre décriée, depuis qu’elle coule, âme, corps et biens dans un manichéisme de bazar.
L’amie Gabrielle Cluzel, bien connue de nos lecteurs et membre régulière du jury des Bobards d’or, concluait, à l’occasion du millésime 2014 : « Cette cérémonie empêche de devenir fou en rompant la solitude de ceux qui assistent, devant leur poste, au martelage souriant d’une mystification. Le roi est nu, il est même à poil. »
On ne saurait mieux dire.
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