Quand Franck Ferrand imagine l’Année de Jeanne
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Cet article a été publié le 18/11/2020.
L'été : l'occasion pour beaucoup de se plonger enfin dans ce fameux livre dévoré des yeux toute l'année sans pour autant avoir eu le temps de s'y plonger. À cette occasion, BV vous propose une sélection de ses meilleures recensions. Aujourd'hui, pourquoi pas redécouvrir L'Année de Jeanne, un roman mêlant anticipation et histoire.
On connaissait l’anneau de Jeanne, rapporté par Philippe de Villiers. Voici L’Année de Jeanne, imaginé par Franck Ferrand.
Parce que l’imagination, cette folle du logis, fait en général mauvais ménage avec l’austère vérité, on s’imagine peut-être que l’historien déchoit lorsqu’il écrit un conte. Pourtant, de ses Histoires étranges à ses Contes de Noël dédiés à ses petites-filles, le pittoresque historien G. Lenotre s’y est bien essayé ! Franck Ferrand, qui nourrit, on le sait, une grande affection pour le descendant de l’illustre jardinier, vient de l'imiter. Ni « étrange », ni « de Noël » - quoique… L'Année de Jeanne est un peu baroque et relève presque du Christmas Miracle -, son conte à lui est « politique ».
Franck Ferrand n’est pas de l’ennuyeuse École des Annales. Avec lui, l’Histoire n’est pas une grande suite désincarnée de tableaux statistiques, mais une fresque picturale, de chair et de sang, écrite par de grands hommes providentiels. Ou, à défaut, des jeunes filles. Jacqueline Pascal, citée par Montherlant, ne disait-elle pas que, lorsque les évêques ont des courages de femme, il faut que les femmes aient des courages d’évêque ?
L’Année de Jeanne plante le décor : chronologie en abyme. La narratrice est propulsée en 2070 et raconte les souvenirs d’un temps qui, pour nous, appartient au futur : 2023.
On aime que les contes se terminent bien, et celui-ci, qui commence par la fin, nous rassure : en 2070, les morceaux de l’archipel seront recollés, le bien commun retrouvé, le communautarisme évaporé, l’Union européenne boutée hors de France. Plus que cinquante ans à attendre, les amis !
À ce sujet — Conte de Noël : L’Extase, par G. Lenotre
Cette année-là est celle de « la déconfiture », comme l’appelle Franck Ferrand, une autre façon de dire qu’il y a grande pitié au royaume de France. Et une pucelle s’est levée. Elle ne venait pas des confins des Vosges mais de Nouvelle-Calédonie et, heureusement, n’a pas eu à reconnaître dans la foule un quelconque dauphin : elle aurait été bien en peine de le faire, étant aveugle.
Qui est Jeanne-Antide Aubier, puisque c’est son nom ? « Vous voyez Greta Thunberg ? Eh bien, c’est un peu le même genre en beaucoup moins écolo… plutôt versée dans le roman national, bref, une ado prépubère, imbue de sa petite personne et qui se croit missionnée pour aller trouver le PR et le convaincre de sauver la France au nom du sacré-cœur », décrit, peu flatteur, un haut-commissaire. Un peu de Jeanne d’Arc, un peu de Greta Thunberg, mais aussi, donc, un peu de Claire Ferchaud, pieuse Vendéenne de 20 ans qui, pendant la Grande Guerre, était allée demander au président de la République de se convertir et de « faire broder sur le blanc du drapeau tricolore, l’image du Sacré-Cœur »... rien que ça ! Les fillettes ont toutes les audaces, c'est ce qui fait leur charme et leur succès. La jeune Aubier a enfin un peu de sa sainte patronne Jeanne-Antide Thouret qui avait pour devise « Quand Dieu appelle et qu’on l’entend, il donne tout ce qu’il faut ».
Mais elle est surtout l’enfant du conte d’Andersen, Les Habits neufs de l’empereur, qui ose crier la vérité dans toute son insupportable simplicité : « Le roi est nu ! » Et elle a un avis clair, presque naïf, à force de clairvoyance, sur tout : les gilets jaunes le Covid-19, l’immigration… G. K. Chesterton, dont Franck Ferrand nous dit qu’il est l’auteur préféré de sa Greta-Jeanne, aimait à dire : « Un temps viendra où l’on allumera des bûchers pour ceux qui osent rappeler que deux et deux font quatre. » Sur la place du Vieux-Marché de Rouen ou, bûchers médiatiques, sur les plateaux télé.
Nul n’est obligé de croire au conte politique de Franck Ferrand. Que, par exemple, en 2070, nous ne compterons plus en euros mais en « francs nouveaux ». Certaines solutions sont un peu trop belles, du reste, comme droit sorties d’un conte… de fées. L'auteur n’est pas Monsieur Irma et ne prétend pas avoir une boule de cristal. Mais il est un fait que si, comme le dit Thucydide, l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement, l’historien est aussi prophète. Que le premier qui n’a pas lâché un jour, en soupirant « Il nous faut une Jeanne d’Arc, il n'y a plus que cela », jette la première pierre à Franck Ferrand.
Un bon moyen pour éviter que Monsieur Toutestfoutu, père fouettard des temps de « co-vide » - ce sentiment de néant étant à peu près le seul que les Français partagent encore -, descende par la cheminée, il est encore temps de placer ce couplet d’espérance dans les petits souliers, sous ce sapin que nous aurons peut-être...
Ou pas. Jeanne, reviens ! Ils sont devenus fous.
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