Livre : Le populisme ou la mort, d’Olivier Maulin

En bonne logique, les lecteurs de Boulevard Voltaire connaissent Olivier Maulin et, dans le cas contraire, ne savent pas ce qu’ils perdent, quoiqu’il ne soit jamais trop tard pour bien faire. Olivier Maulin, ce sont tout d’abord d’inimitables livres ; dont cette trilogie informelle, avec Le Bocage à la nage, Gueule de bois et La fête est finie.

Nous sommes quelque part entre Les Pieds nickelés de Louis Forton et Les Valseuses de Bertrand Blier. À savoir les pérégrinations fantasques de bons à rien immanquablement prêts à tout, marginaux fantasques et handicapés de la modernité, qui savent mieux que personne qu’ils ne changeront jamais le monde, tout en refusant que ce même monde puisse avoir la prétention de les changer.

Le tout est emballé, tel le jambon en son torchon à carreaux, dans une langue picaresque, nerveuse, parfois acide, mais toujours tendre. Car Maulin aime ses personnages, qui manifestement le lui rendent bien. Alphonse Boudard, Marcel Aymé et Antoine Blondin auraient sûrement adoré.

Olivier Maulin, c’est encore l’un des critiques littéraires de Valeurs actuelles, hebdomadaire où sa plume, trempée à la fois dans le saint-émilion et le fiel, fait merveille, lorsque saluant vieux auteurs oubliés et jeunes pousses en devenir, avec toujours le même respect du lecteur. Mais également quand il piétine les idoles de carton-pâte, écrivains introspectifs égarés dans d’improbables voyages en 80 jours autour de leur nombril. Inutile de dire que dans le caboulot de maître Maulin, le client n’est jamais floué.

Le populisme ou la mort, son nouveau livre, révèle un troisième Olivier Maulin : le pamphlétaire qui, dans les colonnes de notre confrère Minute, de 2012 à 2016, a livré une chronique hebdomadaire sous le pseudonyme de Julien Jauffret et dans laquelle il pointait l’absurdité de notre société de progrès avec une cruauté aussi réjouissante que communicative. Ainsi, et tel qu’expliqué par François Bousquet, rédacteur en chef d’Éléments, en une brillante préface, notre homme vient de finir de sortir de son placard. En effet, Minute, quelle horreur que ce journal dont Pierre Desproges assurait qu’il était un résumé de l’œuvre de Jean-Paul Sartre, donnant « La Nausée » comme « Les Mains sales », mais dans lequel le père de Monsieur Cyclopède signa l’un de ses premiers papiers !

Minute, dans lequel on pouvait encore se régaler des signatures de Jean Cau, Jacques Laurent, Alexandre Vialatte, Vladimir Volkoff, Jacques Perret et presque de celle d’un Jean-Edern Hallier, dont un reportage consacré au Chili fut retoqué par la rédaction, ayant été jugé… trop favorable au général Pinochet ! Eh bien, son passage à Minute, Olivier Maulin l’assume crânement. On n’en attendait évidemment pas moins de lui.

En près de trois cents pages, plus que du grand Minute, c’est du grand Maulin, tant notre homme fait feu de tout bois, toujours là où on ne l’attend pas, prenant la défense des zadistes de Notre-Dame-des-Landes, luttant contre la vision comptable d’une certaine droite pour laquelle l’équilibre de la dette publique demeure l'alpha et l'oméga de ce qui lui tient lieu de pensée. Mais aussi d’une certaine gauche néo-cléricale, devenue encore plus moralisatrice et épuisante que les patronages des curés de jadis.

Bref, Olivier Maulin n’est ni de droite ni de gauche (bien au contraire !), se contentant d’être au-dessus ou, surtout, ailleurs. Parler aussi gravement des choses légères, et si légèrement des choses graves, plus qu’un métier, est un art à part entière. On ne peut donc, ici, que saluer l’artiste.

PS : l’auteur de ces lignes signale avoir également officié à Minute, avec quelques éclipses néanmoins, de 1986 à 2008. Inutile de préciser qu’on s’y marrait un peu plus qu’à Télérama.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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