Livre : Le soir approche et déjà le jour baisse, par le cardinal Sarah avec Nicolas Diat
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Si j’étais Jean Raspail ou Michel Houellebecq, j’en ferais le héros de mon prochain roman. Non plus Soumission mais Conversion. Il y a quelque chose de singulièrement prophétique dans cette silhouette sèche de cardinal ascétique venu d’Afrique avec son bâton de pèlerin pour rendre avec détermination aux Occidentaux, à leur corps défendant, le dépôt qu’ils lui ont confié quand il était enfant et qu’il a précieusement gardé.
Il veut leur redonner, ainsi qu’au reste du monde, la foi qui ne rime pas avec sensiblerie, la charité qui est tout le contraire du relativisme, l’espérance « qui n’est pas un optimisme béat », et pour cela, il vient de publier, après Dieu ou rien, et La Force du silence, un troisième livre d’entretien avec Nicolas Diat : Le soir approche et déjà le jour baisse.
Il y a urgence, il ne peut plus se taire : « L’Église fait l’expérience de la nuit obscure », écrit-il dans un premier chapitre qui évoque sans détour les récents scandales. « L’Église souffre, elle est bafouée et ses ennemis sont à l’intérieur. […] Les chrétiens tremblent, vacillent, doutent. J’ai voulu ce livre pour eux. […] Tenez ferme la doctrine ! Tenez la prière. »
On ne sait quelles citations choisir pour évoquer ce livre, tant les passages que l’on voudrait voir punaiser en format XXL sur les murs de toutes les sacristies sont nombreux… Ne mettre en relief que ceux propres à attirer les foudres du politiquement correct serait faire passer le cardinal Sarah pour le polémiste qu’il n'est pas. S’il dit l’indicible, ce n’est pas par goût de la provocation, mais parce qu’on le sent incapable de cette compromission polie avec la vérité dont nous autres avons pris l’habitude pour pouvoir vivre tranquillement. Et parce qu’il se sait le devoir de parler à la place d’Occidentaux bourrelés de pusillanimité, bâillonnés par la sourde culpabilité dont on les a accablés et qu’ils ont intériorisée.
Comme il le dit, « il faut certainement être africain pour oser dire sans complexe » qu’« il règne un irénisme envers les religions non chrétiennes » et évoquer « l’urgence de la mission ».
Pour affirmer encore « avoir pu apprécier les plus beaux fruits de la colonisation occidentale » - « les colons venaient avec des traditions ancestrales riches et vivantes ennoblies par le christianisme » - et se définir comme un « enfant d’une colonisation constructive » qui s’interroge douloureusement : « Pourquoi l’Occident veut-il annihiler ce qu’il a lui-même construit ? »
Pour marteler que « l’Occident souffre d’une perte de repères fondamentaux », que « le renoncement à ses racines chrétiennes en est un des aspects » et que « dans ce contexte, son philanthropisme utopique l’expose aux attaques de l’islamisme radical » : « Si l’Europe retrouve son identité, elle pourra relever la tête et combattre le terrorisme. »
Pour dénoncer enfin « la mondialisation [comme] contraire au projet divin » « qui a voulu placer sa créature dans un jardin, dans un pays, dans un continent », « Dieu [ayant] voulu des hommes enracinés » et « l’homme [n’ayant] pas été créé pour être un agent économique ou un consommateur ». Le pacte de Marrakech, notamment, le laisse plus que circonspect. Il se demande « pourquoi les peuples des nations qui ont signé ce texte n’ont pas été consultés ». Pour lui, « la seule solution durable passe par le développement économique de l’Afrique » et il pointe du doigt les « chefs d’État de son continent [qui] ont une grande responsabilité », soulignant que « le déracinement culturel et religieux des Africains projetés dans des pays occidentaux qui traversent eux-mêmes une crise sans précédent est un terreau mortifère ».
Vous l’avez compris, pour la langue de buis, ne pas compter sur lui. On pourrait l’appeler Robert Chrysostome : sa parole est d’or. Simple, droite, sans circonlocution. Et à 74 ans, il fait souffler un vent de fraîcheur pour le moins tonifiant.
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