[L’ÉTÉ BV] [LIVRES] Les nouvelles colères populaires épidermiques et déracinées

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Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 31/05/2024.

À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des livres qui ont marqué l'année écoulée. Aujourd'hui, La France en colères de Christophe Bourseiller.

« Le XXIe siècle apparaîtra-t-il comme le siècle des passions ? »
Dans La France en colères (Éditions du Cerf), Christophe Bourseiller, spécialisé dans l’étude des mouvements « extrémistes », s’interroge sur les caractéristiques d’une évolution sociétale à laquelle la politique n’échappe pas. « Les controverses courtoises, les querelles philosophiques, les phosphorescences, bref, la rationalité, sont-elles vouées aux poubelles de l’Histoire ? La priorité ira-t-elle au cerveau reptilien ? » Le regard qu’il porte sur les nouveaux comportements politiques n’est guère optimiste : « Le spectacle des pulsions sociales ne manque pas de laisser songeur, tant la pensée paraît désormais reculer au profit de l’instinct, de la rage, de la souffrance individuelle brandie en étendard et justifiant tout. »

De l’individualisme social à l’autisme politique

Christophe Bourseiller décrit la traduction politique d’une époque marquée par un hyper-individualisme et une déculturation généralisée. Comment ne pas voir un certain cousinage entre ce jeune caché sous la cagoule de son sweat-shirt, le casque audio vissé sur les oreilles et le regard fixé sur l’écran de son smartphone, et « l’antifa » (tout autant cagoulé) qui s’invite en marge des manifestations pour casser de la vitrine et du « keuf » ? À « l’antifa » de gauche répond le « natio » de droite, bien différent dans ses motivations mais tout autant marqué par l’époque. « L’autre, on ne l’écoute plus. S’écarte-t-il un tant soit peu de la "doxa" ? On le conspue, on le lynche, on l’ostracise, on l’exclut. » Peut-être un peu aveuglé par ses propres convictions d’homme de gauche, Christophe Bourseiller omet de constater que ce sectarisme exacerbé sévit bien plus à gauche qu’à droite.

Un activisme sans projet

Malgré tout, il voit clair lorsqu’il observe que la plupart des mouvements contestataires actuels « ont bien souvent tendance à abandonner tout ou partie de leur credo dans le but de recruter un vivier militant nouveau, insensible aujourd’hui à l’abîme historique qui sépare le stalinisme du trotskisme, le royalisme du nazisme, l’anarchisme du maoïsme ».

Un service idéologique minimum auquel bien peu de mouvements échapperaient. À gauche, les grands projets révolutionnaires se réduisent souvent à une focalisation des uns sur le vivier islamique supposé être le nouveau prolétariat, et des autres sur des niches : woke, cancel culture, indigénisme, décolonialisme, genrisme LGBTQIA+, animalisme ou encore écologie politique. À droite, l’auteur note que ceux qui se réclament de la cause « nationale » peuvent « se féliciter de voir leurs idées disséminées dans le corps social par le canal des formations populistes [...], mais que reste-t-il de leur propre bagage politique ? », demande-t-il. Christophe Bourseiller constate que, faute d’un corpus idéologique fort, la plupart de ces « natio » rejoignent le RN ou Reconquête, s’enferment dans des niches extrêmes ou s’agrègent à de simples bandes affinitaires. « Seule l’Action française maintient son école de pensée maurrassienne », précise-t-il.

Des colères constructives ?

Le tour d’horizon des extrêmes politiques que nous propose cet ouvrage, bien que non dénué d’erreurs et de parti pris, est très instructif et relativement complet.

Le vide idéologique qu’en retient l’auteur pourrait passer pour un constat pessimiste. Il semble, en effet, rejoindre le propos d’Alain Finkielkraut dans le domaine culturel, exposé dans La Défaite de la pensée (Gallimard). Constatant le fossé qui se creuse entre un pouvoir « arrogant » et un peuple « méprisé » (le divorce maurrassien entre pays légal et pays réel), Christophe Bourseiller estime, toutefois, que les colères françaises pourraient devenir fécondes. Il faudrait, pour cela, qu’elles « cèdent le pas à la raison ». Difficile, en effet, à imaginer dans le contexte actuel, alors que le pouvoir alimente lui-même une sorte de guerre civile à bas bruit.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 11/08/2024 à 18:36.

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Je pense que le gros problème de notre société est l’individualisme forcené, chacun pour soi et à bas le collectif, si ce n’est pour tout casser. J’ai plus de 80 ans et la société que j’ai connue dans ma jeunesse, nous ne la reverrons plus, à qui la faute, j’ai une petite idée, je pense qu’elle est partagée entre beaucoup d’acteurs, entre les activistes et ceux qui ont laissé faire.

  2. Pas d’inquiétude, le vide idéologique sera bientôt comblé par l’intelligence artificielle !

  3. contrairement à ce qu’il se passe à l’assemblée nationale, dans les médias, le débat politique sur les réseaux sociaux, dans des groupes spécialisés, est de qualité, les échanges sont bons, les sujets approfondis et aucun évènement n’est dissimulé ce qui permet une opinion objective.

  4. je situe ce problème à partir de l’époque des cohabitations et des grandes trahisons du peuple. On parle souvent de Mitterrand et de son virage libéral de 1983, mais on oublie d’évoquer les renoncements de Chirac . Que dire de Voynet du gouvernement de Jospin sous présidence de Chirac qui sabote notre filière nucléaire au nom de l’UE et Marie georges Buffet communiste qui accepte le ministère des sports dans ce même gouvernement ? Le même Chirac lui même premier ministre de son opposant politique, en la personne de Mitterrand qui semblait préférer la cohabitation avec Chirac que son premier ministre socialiste Michel Rocard qui a suivi . Il était difficile dans un tel contexte de confusion politique de garder ses opinions politiques bien ancrées et son esprit très clair ? Le premier à en avoir subit les conséquences a été Jospin en 2002 doublé par Jean Marie Lepen au second tour puis la mascarade du front républicain qui suivi C’est aussi l’époque où tout s’est joué et qu’au nom de l’UE nous avons bradé notre industrie pour devenir un territoire voué à la consommation et au déficit commmercial et budgétaire, donc livré pieds et poings liés aux investisseurs du marché et à la banque centrale . Comment conserver les idées claires et l’esprit serein alors que la classe poltique faisait tout pour décontenancer le peuple et lui retirer ses repères . je trouve le citoyen bien patient et sage au contraire .

  5. Tant qu’on errera en pleine soupe des notions de droite et de gauche mélangées, on dira n’importe quoi et l’on tournera en rond. Voici les notions fondamentales dans leur vérité :
    GAUCHE = collectiviste, donc favorable à plus de lois. Avantage : organisation sociale, solidarité. Excès (trop de lois) : totalitarisme, dictature. Exemples historiques : fascisme, communisme. Exemple actuel : communisme, pire régime actuel dans le monde, et LFI (sa violence, son intolérance, son duce, ses chemises noires antifas, bref ouvertement fascisante).
    DROITE = l’inverse donc : individualisme. Avantage : liberté, accomplissement de soi. Excès : loi du plus fort, élitisme, une aristocratie domine et exploite le peuple. Exemple historique : la monarchie absolue. Exemple actuel : les macronistes, hyper-individualistes, favorisant une élite mondialiste richissime pour exploiter les peuples, tous les peuples. L’union européenne, machine infernale d’extrême droite réussissant, hélas très bien, cette exploitation des peuples au service des puissances mondialistes.
    Eclairez ainsi, sur cette base solide car partant sur les vraie notions (collectivisme – individualisme) tout ce qui se passe aujourd’hui : tout devient logique, tragiquement cohérent.
    Pour ma part, je veille à être au centre, équilibrant les notions de solidarité et de liberté, fuyant les extrêmes totalitaires.

  6. En colère oui mais surtout déçu, déçu de voir mes rêves d’enfant né à la fin de la dernière guerre s’envoler, avoir vécu 1958 pour voir aujourd’hui une caricature de capitaine Haddock diriger le bateau France. Plus de Cap, plus d’enthousiasme, la réaction comme principe de gouvernement, des ministres choisis sur des critères désuets, une société fracturée, urbanisée, désorientée. Une jeunesse perdue pour laquelle la loi de la jungle devient un principe de vie. Un projet européen dont les dirigeants – s’il y en a – ont oublié que ce qui fait un pays et a fortiori une Europe n’est pas un conglomérat administrativo- mondialiste mais une philosophie, une culture, un élan commun, une frontière commune. Des ambitions certes pais pour qui ? où se situent les peuples qui composent l’Europe dans ces ambitions à l’évidence par trop personnelles ?

  7. Les causes pour lesquelles il y a des manifestations ne sont plus celles des préoccupations du peuple français mais bien des causes extra nationales de conflits importés dans notre pays. Et ces démonstrations de force d appropriation de la rue sont une manière d affirmer leur pouvoir de mobilisation. De l appropriation de la rue à l appropriation d un pays il n y a qu un pas

  8. Oui; très en colère ! Et les  » arrogants » et les  » méprisés » ne sont même pas seulement là où on les voit de toute évidence; Les « clivages » sont partout, depuis que le « fric », la vitesse de réactivité, la mode et ses conformismes, l’uniformité des comportements, ont primauté sur la culture et la pensée.

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