Livre : Ordre nouveau (1969-1973) raconté par ses militants
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« Occident, en avant ! » « Europe ! Action ! » « Ordre nouveau ! » Autant de mouvements devenus slogans, scandés avec force et enthousiasme par une jeunesse avide d’en découdre avec « la vermine communiste » dont les éléments les plus brillants et les plus respectables régnaient alors en maîtres incontestés sur toute l’intelligentsia, de l’université à la presse, de l’édition à la magistrature. Tant sur les barricades encore fumantes de Mai 68, malgré le retour à l’ordre gaullo-républicain, que sous la flamme constamment entretenue par une vieille extrême droite associant nostalgiques de Vichy et partisans de la « plus grande France coloniale », ont émergé, à l’orée des années 1970, des groupuscules politiques singuliers dont il ne reste, aujourd’hui, que les cendres dispersées du souvenir.
Ordre nouveau fut de ceux-ci. Deux mots qui ne diront strictement rien aux moins de vingt ans et qui resurgiront peut-être de la mémoire embrumée par le temps des plus de quarante ans. Apparu après la dissolution d’Occident, sur les travées d’un tout nouveau syndicat étudiant, le GUD, qui venait tout juste de s’implanter à la faculté de droit de la rue d’Assas, Ordre nouveau, malgré une brève existence de trois années (1969-1973), compta pour beaucoup dans l’édification de ce qui deviendrait, plus tard, le Front national.
À lire le recueil de témoignages consignés dans un récent ouvrage de belle facture, dont la couverture rappelle la graphie si caractéristique – due au coup de crayon de Jack Marchal, inventeur du fameux « Rat noir » – du mouvement, on ne s’imagine pas à quel point les combats, souvent menés dans la rue à coups de manches de pioche et de poings américains, étaient, à (l’extrême) droite comme à (l’extrême) gauche verticalement à la hauteur des enjeux. On se haranguait, on s’insultait, on se cognait – jusque parfois à s’infliger d’inquiétantes blessures – parce qu’on croyait, de part et d’autre, à un idéal. Nous étions à mille lieues de penser que la société allait alors partir en quenouille et accoucher d’une génération d’abrutis lobotomisés par les iPhone et autres écrans ! À la Ligue communiste révolutionnaire ou à Ordre nouveau, quelques mois de dévouement militant valaient sans doute largement les presque deux années de service militaire obligatoire…
Ce qui frappe, à la lecture de ce recueil, est l’attachement des anciens d’Ordre nouveau, plus tard devenus chefs d’entreprise, fonctionnaires ou avocats, à une certaine conception de l’honneur en politique, celle forgée, alors naguère, sur des fronts où le suicide commandé le disputait âprement au péril, en un mot celle de la fidélité. Une fidélité à toute épreuve. À feuilleter ces pages d’où jaillissent mille et une anecdotes, nombre de petites histoires individuelles qui font la grande, la collective, pour une postérité que beaucoup veulent à tout prix effacer parce que « plus jamais ça ! », à effeuiller donc cet album de famille – la famille des proscrits et des réprouvés –, l’on se prend à imaginer ce que l’avenir aurait été – notre présent d’aujourd’hui, si l’on nous pardonne cette tautologie barbare – si leur « Grand Soir » avait eu lieu.
Le programme d’Ordre nouveau était, certes, avant-gardiste. Du moins pour les jouvencelles apeurées du pouvoir, des médias et de l’intellocratie. D'aucuns diraient qu'il était surtout prophétique. Dans ses grandes lignes (lutte contre les élites irresponsables et corrompues, arrêt de l’immigration sauvage, combat pour la civilisation européenne, solidarité avec les autres partis « frères » européens…), il continue, aujourd’hui, d’inspirer celui du Rassemblement national.
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