[Livre] Paris Match, la légende du siècle

Paris Match

Chaque époque génère ses conteurs. Et chaque conte en dit beaucoup sur l’époque qu’il relate, et un peu sur le conteur lui-même, ses procédés, ses motivations.
La Guerre des Gaules fut, pour Jules César, un outil d’autopromotion et de conquête du pouvoir. Les Mémoires de Saint-Simon humanisent le récit souvent bien sec que nous livrent les historiens sur le passage du Grand Siècle à celui des Lumières.
Après 1945, un journalisme d’un nouveau type, privilégiant l’image, le sensationnel, l’émotion, la révélation, invente une nouvelle façon de conter l'époque. Quand les écrivains et historiens prenaient le temps de raconter et le faisaient au passé, le nouveau conteur travaille dans l’instantané, presque en direct. Ce conteur, c’est Paris Match, dont Patrick Mahé, ancien directeur général de la rédaction nous raconte 75 ans d’une aventure journalistique toujours guidée par le fameux « poids des mots, le choc des photos » (La Légende de Paris Match, de Patrick Mahé, Plon).

Au commencement était l’image…

Proche (sans les imiter totalement) des revues internationales américaine Life Magazine, allemande Stern ou italienne Oggi, Paris Match doit son succès à une recette aux ingrédients multiples et précisément dosés par Daniel Filipacchi (qui le rachète en 1967)  et son chef d’orchestre Roger Thérond : la photo est au centre de tout. Elle ne vient plus illustrer un texte ; c’est le texte qui illustre la photo. La couverture est du type « magazine à l’américaine » : une photo pleine page, un grand titre qui s’y rapporte et deux ou trois titres secondaires font office d’avant-sommaire. C’est la une qui vend le numéro, parce qu’elle révèle (le scoop), parce qu’elle marque (un exploit, un événement heureux ou dramatique) ou parce qu’elle touche (une « star »). Paris Match est dans l’actualité, dans l’esprit du temps et n'hésite pas à l'occasion à flatter le voyeurisme de ses lecteurs.

Voyeurisme et photo-réalité

Paris Match est en effet toujours à l’affût d’une révélation, mais sans jamais tomber dans les excès de la presse à scandale. La limite est parfois floue, mais le magazine veut faire du spectaculaire et de l’événementiel tout en restant factuel. C’est cette discipline qui lui a permis de gagner ses galons de grand témoin de son temps. La réalité y est mise en valeur, parfois magnifiée ou rendue tragique, mais le « matériau » surpris par le photographe s'appuie sur la réalité. Dès la veille des années 50, Paris Match offre ainsi aux Français, à la manière d’un roman-photo-réalité, un miroir de leur époque, des légendes, du rêve, des joies et des frayeurs. À l’image d’une époque qui – au sortir des horreurs d’un double conflit mondial – veut retrouver de l’aventure, du rêve et de l’émotion, Paris Match contribue par l’image à dessiner les premiers contours de ce qui deviendra la société du spectacle. Chaque numéro offre un cliché qui magnifie l’actualité en la rendant spectaculaire. Le lecteur s’émeut des amours compliquées de Bardot, Delon, Johnny et autres Romy. Il est fasciné par les images du mariage entre Rainier Grimaldi et Grace Kelly, ingénieuse opération de marketing transformée en conte princier. Il pleure devant les scènes désolantes d’enfants victimes de la guerre en Algérie ou au Vietnam. Il frémit devant les exploits des alpinistes fous partis à la conquête du toit du monde. Il s’invite dans l’intimité des Pompidou ou des Giscard, comme la haute noblesse assistait au lever du roi. Il découvre avec curiosité Mazarine Pingeot, dont l’existence avait été révélée plus discrètement par Jean-Edern Hallier dans L’Idiot International… Il se passe toujours quelque chose dans le monde, et Paris Match le montre en images à ses lecteurs, en léger différé.
L’actualité continue, Paris Match aussi…

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Paris Match était une référence, « le poids des idées, le choc des photos » était je crois son slogan. J’ai le souvenir de l’infographie du jour J, en 1964, du jamais vu, j’étais subjugué par les dessins panoramiques genre « pilotorama » des pages centrales du magazine Pilote de l’époque. Pour autant, je me souviens aussi de la « une » avec les fameux carnets d’Hitler qui n’existent pas mais présentés comme la grande découverte de la décennie, avec force explications historiques, le fameux avions qui transportait les carnets, la table de nuit avec les carnets,etc. Tout faux, le « fake » total et PM avait bien marché, alors que moi, bête ado à ce moment là, j’avais des doutes en regardant les photos et les commentaires, c’était du gros fil .

  2. Ce genre d’articles « people » me laisse totalement froide. . Je pense avec beaucoup de respect aux grandes vedettes qui préservaient leurs vies privés (Gabin, Bourvil, de Funès, Fernandel, Ventura etc..) mais c’était une autre époque

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois