[LIVRE] Pierre Lambert, mi-homme ordinaire, mi-révolutionnaire de l’ombre

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Le personnage n’a rien d’un parrain rouge ni d’un révolutionnaire, c'est plutôt un homme banal. Ses propres militants le surnomment « Pépé-Mégot ». Un peu dur, lorsque l’on se prend pour Trotski. Dans Le Parrain rouge. Pierre Lambert, les vies secrètes d’un révolutionnaire (Éditions Plon), François Bazin se penche longuement sur ce personnage mystérieux, décédé en 2008.

Pierre Lambert, né Boussel, passera sa vie à participer ou à subir des scissions. Le nombre de mouvements auxquels il a appartenu donne le tournis : les Jeunesses communistes, les Jeunesses socialistes révolutionnaires, le Parti communiste internationaliste, le Parti ouvrier internationaliste, l’Organisation communiste internationaliste…

En plus de son engagement politique, il s’investit au sein du syndicat Force ouvrière, auquel il restera fidèle jusqu’à sa mort. Il est un soutien de poids d’André Bergeron, que l’on découvre comme beaucoup plus manœuvrier que l’image qu’il donnait. Il en aura fomenté, des coups, au sein de la centrale syndicale, avec son ami et complice Alexandre Hébert. Ce dernier est le représentant du courant anarcho-syndicaliste au sein de FO, dont il sera le patron pour la Loire-Atlantique pendant plus de quatre décennies, passant ensuite les rênes à son fils.

Pierre Lambert, grâce à ses relations « socialo-trotskistes », se fera embaucher à la CAF, d’abord comme chef de bureau et, ensuite, comme contrôleur principal. Il réussira à regrouper ses tournées d’inspection sur deux jours, devenant un militant à plein temps au sein de son organisation. En raison de son caractère, ses patrons souhaitaient le voir le moins possible. La CAF est bonne mère.

Rater le coche

Les deux seuls événements historiques, sur lesquels Lambert aurait pu laisser son empreinte, furent la Seconde Guerre mondiale et Mai 68. Dans les deux cas, Pierre Lambert était aux abonnés absents. Pendant l’Occupation, son biographe François Bazin écrit : « Autant le dire tout net, on ne sait pas grand-chose de sa vie ordinaire – hors action politique – durant cette période noire. » En revanche, Lambert trouvait l’énergie, comme tout bon trotskiste, de comploter contre les tendances du trotskisme qu’il désapprouvait. Comme nombre de ses camarades, il voyait le soldat allemand comme un prolétaire en uniforme. Au début de Mai 68, lorsque la révolte se traduisit par l’envoi de pavés sur les CRS, il était sur la plage au Portugal avec sa maîtresse !

Un esprit de boutiquier

À la différence de certains acteurs politiques qui prennent d’assaut la présidence de leur parti, Pierre Lambert aura préféré être le maître incontesté de sa petite boutique. L’OCI n’a jamais dépassé les 60.000 militants. On trouve, parmi eux, Jean-Christophe Cambadélis, Alexis Corbière, Lionel Jospin, Laurent Mauduit, Jean-Luc Mélenchon… Il côtoie aussi des personnalités du monde du spectacle : Alain Corneau, Bernard Murat, Bertrand Tavernier, Nadine Trintignant…

Tout cela pour quoi ?

Pierre Lambert a pu fasciner et influencer tant de monde en raison « d’un sens inné du contact, une capacité inégalée à visiter les coulisses et à y puiser les informations sans lesquelles son influence aurait été de pure apparence ». Pour cela, il aura passé beaucoup de temps en conciliabules, en complots avortés ou réussis dans les arrière-salles de restaurants.

Il décédera sans héritier principal. « Il a construit un parti qui reposait sur ses seules épaules et dont il gérait les dépendances à sa main. » La prise du palais d’Hiver n’est pas pour demain. Nous pouvons dormir tranquille.

 

Le Parrain rouge, Pierre Lambert, les vies secrètes d’un révolutionnaire, de François Bazin, Éditions Plon, 428 pages.

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Patrick Beren
Ex-rédacteur en chef presse municipale, en retraite

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Dans l’investissement des troskos du PCI-PT-MPPT-etc. de FO, le rôle de Roger Sandri chargé à l’organisation, plaçant des militants troskos à la tête des UD, des Fédérations.
    Bien des membres du Bureau confédéral étaient des crypto-troskos, tel Claude Genet, chargé de la presse confédérale, et qui assura un temps la direction de parti…
    La prise en main de la confédération par les troskos avec l’élection de Marc Blondel entame une chute des effectifs de la CGT-FO qui voisinait près d’1 million d’adhérents au départ d’André Bergeron.
    La particularité des lambertistes, ils n’étaient pas violents contrairement aux communistes de la CGT, CGT que s’affrontait parfois avec la CGT-FO, mais ils maitrisaient parfaitement les assemblées. Leur volonté de tenir seuls les manettes de FO, très abruptes dans leurs positions, pensant les autres inférieurs à leurs aptitudes, ont conduit à la fuite de nombreux adhérents et militants réformistes.

  2. C’est incroyable, ce qu’il y a eu comme révolutionnaires communistes de « pacotille » en France. Il n’y en a pas beaucoup qui sont allés au bout de leurs idées en risquant leur vie. Des « rigolos »!

  3. Ce qui est fascinant c’est de constater que de tels personnages, Cambadélis, Jospin, Mélenchon et des « artistes » (subventionnés) ont pu faire carrière dans le sillage d’un simple chef de bureau !
    La Mitterrandie était peuplée de crypto-trotskards dont le copinage était le seul moyen de réussir professionnellement, tout en n’ayant aucun véritable métier !
    Après plus de 40 ans de ce cancer généralisé il n’est pas surprenant que la France en soit là où elle est !

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