[LIVRE] « Prof en danger », le cri d’alerte d’une enseignante face à l’insécurité
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C’est une immersion au cœur de l’école contemporaine que propose Inès Fleury dans son livre Prof en danger (VA Editions). Pas celle des idéaux républicains, des lauriers de l’excellence ou des cours sans heurts, mais celle des incivilités, des bagarres et de la menace où l’angoisse s’est progressivement installée dans les salles de classe. Face aux insultes et aux actes d’intimidation, cette ancienne professeur partage sans détour son vécu d’une institution qui semble fuir la réalité. Ce livre se veut à la fois témoignage et cri d’alarme sur les failles d’un système qui peine à défendre ses professeurs devant la menace grandissante que représentent certains élèves.
Les incivilités en classe : un danger quotidien
« Au cours des quatre dernières années, j’ai senti le danger grandir. » Dans le lycée professionnel du 3ème arrondissement parisien où elle a enseigné pendant près de dix ans, de 2014 à 2023, Inès Fleury constate la montée progressive des incivilités et de la violence. Elle décrit des classes où les règles de la vie en commun s’effritent, où, « à chaque rentrée, les élèves sont de plus en plus durs ». Pour de nombreux professeurs, la violence verbale et les agressions ne sont plus des cas isolés mais un fardeau quotidien. L’ancienne enseignante se souvient du jour où elle a reçu un message contenant un verset de la sourate, l’enjoignant à se convertir et précisant que « ce serait mieux pour elle ». C'était quelques mois seulement après l’assassinat de Samuel Paty. Choquée, mais surtout effrayée, elle se munit d’une bombe lacrymogène, porte son sac à dos sur le ventre pour se protéger, calcule où s’asseoir dans les transports en commun. Son témoignage ravive d’effroyables souvenirs, alors que s’est ouvert ce lundi le procès des mis en cause dans la mort du professeur décapité.
Ce quotidien, elle le partage avec des collègues tout aussi désabusés, certains ayant eux aussi subi des menaces de la part d’élèves ou de leur famille. Tous doivent faire face au refus grandissant de respecter le règlement, notamment en matière de neutralité vestimentaire. La question du voile et de l’abaya semble être l’un des problèmes récurrents qui ronge la vie des professeurs, désormais « éducateurs spécialisés », ironise-t-elle.
« Y a-t-il un pilote à l’Education Nationale ? »
Face à l’insoutenabilité de ces situations, la réponse de l’institution scolaire s’avère pour le moins décevante. Lorsqu’Inès Fleury tente de signaler les menaces reçues, elle se heurte à l’indifférence, voire à l’accusation. Quand elle reçoit ce fameux SMS, le proviseur, plutôt que de la soutenir, lui reproche initialement de suspecter ses élèves, minimisant le danger qu’elle pressent. Ce n’est qu’après avoir fait remarquer son manque d’appui et sa propre solitude dans la situation, qu’elle obtient, non sans difficulté, le soutien de sa hiérarchie.
Pourtant, les alertes se multiplient. L’enseignante décrit ses collègues fatigués de jouer les surveillants face à des classes débordant d’élèves turbulents et irrespectueux. Ce manque de moyens et de personnel crée un environnement où le règlement n’est plus qu’une formalité trop souvent ignorée, ce qui la pousse peu à peu à quitter le navire qu'elle voit sombrer. Peu avant sa démission, Inès Fleury adresse même un courrier au ministre Pap Ndiaye, qu’elle exhorte à prendre ses responsabilités : « Vous et vos prédécesseurs êtes responsables, bientôt vous serez coupables ! » Un cri du cœur, de désespoir. Ce livre est un appel, il témoigne de l’urgence à agir avant que de nouvelles tragédies ne surviennent.