[L’ÉTÉ BV] [LIVRES] Qu’il est dur d’aimer et d’être aimé en 1793

rambaud
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 18/11/2023.

À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des livres qui ont marqués l'année écoulée. Aujourd'hui, Qu'il est dur d'aimer et d'être aimé en 1793, d'Henri Temple.

Les temps troublés - et le nôtre en est un, assurément - sont néfastes à l'amour. Le livre de Gerbert Rambaud, Qu'il est dur d'aimer et d'être aimé en 1793, publié chez Via Romana au printemps dernier, a pour décor une des pires périodes de notre Histoire, nous décryptant, au jour le jour, la Terreur et son paroxysme criminel, trop souvent proposé à la mémoire des Français par une simple dimension statistique, froide, décolorée par le temps. Le déchaînement de la Terreur fut un des rares autogénocides idéologiques, et peut-être le premier de l'Histoire du monde.

Mais comment les êtres humains, leurs familles, leurs enfants, les amours de leur vie ont-ils traversé ces fleuves de sang ? Gerbert Rambaud se penche sur ces destinées qui nous disent souvent mieux l'Histoire que les énumérations événementielles qui saturent notre sensibilité. Jadis, les jeunes Français lisaient, frémissants, Les Chouans (Balzac), et, terrifiés, Quatrevingt-treize (Hugo), deux auteurs porteurs de mémoires familiales issues directement de ces générations fracassées. Comme le dit à juste titre la préface, « le récit historique permet souvent, mieux que les études savantes, de restituer l'atmosphère d'une époque ». Et, donc, de la mieux comprendre dans sa dimension émotionnelle, car ces récits nous mettent en sympathie directe avec les malheurs de personnages ayant vécu avec souffrances mais aussi avec espérances.

Gerbert Rambaud, se penchant sur ces tragédies familiales, nous propose un recueil de nouvelles, huit récits. On sent le souhait de l’auteur de « rendre hommage à ces fugitifs, proscrits, parias [ou simplement « suspects »] – un devoir de mémoire – et nous faire découvrir ces destins remplis de bravoure, de dévouement et de générosité…» Chaque récit nous émeut d'autant plus que nous le savons scrupuleusement documenté : on est dans la vraie vie, pantelante, palpitante.

Le premier récit décrit la persécution acharnée, due à une haine de classe qui ne se justifie que par elle-même. Et la compromission des juges qui « passent tous les régimes mais restent en place, servant un maître puis l'autre...» (p. 46). Le deuxième dit la résilience, par la fondation de nouvelles familles, des victimes des années noires, orphelins des exécutions sommaires. Le troisième conte comment la Terreur frappa aussi les républicains sincères des origines, même issus de l'aristocratie, avec le portrait de cet ex-député de la République, pourchassé dans la forêt noyée de pluie glacée, brossé avec la précision d'un style toujours élégant. Les massacres de Lyon conduisent ce jeune homme à fuir, traqué comme un animal, à côté de son épouse prise également dans la tourmente. Le quatrième récit évoque le procès d’un Lyonnais, Isaac Coste, et la terrible répression qui frappa cette ville, car Lyon avait osé s'opposer aux Montagnards ! Du sixième récit nous dirons peu, mais il est le plus émouvant : laissons au lecteur la surprise de le découvrir, car le héros est l'ancêtre direct de l'auteur : Joseph Antoine Rambaud, qui nous a laissé son portrait qui orne la couverture de l'ouvrage.

L'Histoire c'est la description et la compréhension des causes et des conséquences. Thucydide fut le premier à en chercher les explications psychologiques. Depuis peu, on s'intéresse aux victimes de l'Histoire, pourtant un sujet majeur. Avocat, l’auteur sait, par expérience, que la pâte humaine est façonnée par les événements de la vie. Boris Cyrulnik a consacré sa vie scientifique à comprendre comment on pouvait se rétablir (jamais totalement) des atrocités historiques. Ce livre nous donne de belles leçons de vie, mettant des phrases, avec ses détails concrets, sur ce que les Français ont vécu alors, parfois avec des souffrances telles que l’on évite d'en parler. Les Français sont pudiques, taisants et dignes, courbant l'échine avec fatalisme, et ne ressassent pas leurs souffrances.

« Qui veut faire l'ange fait la bête », disait Pascal, 140 ans avant l'horrifique tourmente de feu et de sang. Et ce fut bien le cas, la Terreur engendrant des bêtes sauvages folles. Merci à Gerbert Rambaud de nous avoir conté ces récits, autant d’avertissements que des messages d'espoir quant à la capacité des sentiments d'humanité et d'amour à triompher. À l'heure où certains tentent de réhabiliter Robespierre, il est infiniment plus intéressant et édifiant qu'un descendant direct des victimes de Robespierre nous ouvre les pages de ces souvenirs vieux de 230 ans. Un livre d'espoir en la France, un livre édifiant à offrir pour Noël ou le jour de l'An.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/07/2024 à 11:56.

Henri Temple
Henri Temple
Henri Temple est universitaire, juriste, théoricien de la Nation (auteur de :  Essai sur le concept de ‘’Nationisme’’, Sphairôs, 2024)

Vos commentaires

20 commentaires

  1. rappelez moi qui etait au pouvoir ? il n’y aurait pas un leger rebondissement avec les psycopathes d’aujourd’hui ?…..

    • Parce qu’ Amazon diffuse tous les livres : même si on ne les aime pas ils sont très efficaces . Et la France très en retard…Mais on trouve le livre aussi sur Via Romana mais il faut chercher !

  2. J’ai lu et aimé : ce livre nous touche et nous fait réfléchir : Mélenchon et sa horde ne sont-ils pas des admirateurs déclarés des génocidaires de 93 ? La France est menacée par deux idéologies criminelles … Aux armes citoyens… ! Et pour commencer aux armes historiques et intellectuelles que ce livre nous rappelle. En espérant que ce réarmement moral suffira à nous sortir des dangers évitables où nos politiciens ineptes nous ont engagés

  3. On dit que beaucoup des victimes de la terreur sont allés à la guillotine soulagées d’échapper à leur époque. Ce qu’ils voyaient et ce qu’ils vivaient était si dévastateur que même l’espoir était interdit et le seul moyen d’échapper à la souffrance était une mort salvatrice. Voir tout à coup son univers piétiné voir ce qu’on a aimé détruit et disparaître devenir un étranger à son propre pays et ne plus être tout à fait jeune pour imaginer une résilience , ce devait être l’enfer. La république est née dans le sang et elle a mis des années à s’imposer tant par la force que par la propagande. Un changement de régime était nécessaire mais personne ne peut nier qu’il a coûté très cher.

    • Le changement de régime n’était pas nécessaire, il aurait suffi d’une évolution du régime en place. C’est ce qui s’est passé dans les royaumes européens qui subsistent, et qui ne sont pas moins démocratiques que les républiques! En fait, ils le sont davantage, car la première place est occupée par un roi/une reine qui ne gouverne pas mais qui incarne la nation, et rend impossible la prétention à devenir le premier personnage de l’Etat. Dans un royaume moderne, le roi choisit le Premier ministre dans la majorité élue, et en l’absence de majorité, il choisit celui/celle le/la plus à même d’en réaliser une. Ce qui impose un débat sur les programmes et une action concertée. La France, monarchie républicaine, n’est plus depuis longtemps une démocratie.

  4. J’aime bien quand j’entends parler des valeurs de la république, combien de Français sont réellement au courant par quelles horreurs elle a trouvé sa légitimité. Je ne peux pas adhérer un tel régime politique.

    • Les valeurs de la République sont
      excellentes ;tout dépend qui est chargé de les interpréter et de les appliquer…

  5. Époque terrible que celles de ces années où le mal régnait en maître et où toute humanité avait disparue. A l’heure où certains glorifient les acteurs de cette tragédie, il est salvateur qu’un récit des conséquences en soit donné.

    • Bien dit.
      C’est comme un éternel retour car notre époque est devenue hyper violente, sadique, manque de respect et d’humanité.

  6. Les avocats de la Terreur sont les mêmes que ceux du Hamas. Etonnant non ? Ils feraient quand même bien de faire attention, car les terroristes finissent toujours pas se dévorer entre eux. Le propre de la Terreur c’est qu’on trouve toujours plus terroriste que terroriste.

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