Livre : Roy Cohn, l’avocat du diable, de Philippe Corbé
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L’avocat Roy Cohn, né en 1927, est peu connu du grand public, surtout en nos contrées. L’homme gagne-t-il, pour autant, à être connu ? C’est toute la question que pose Philippe Corbé, correspondant de RTL à New York.
En effet, il n’est pas forcément aisé, pour un biographe, d’entrer en empathie avec son sujet, surtout celui que le dramaturge Tony Kushner décrit en ces termes : « Roy Cohn est l’étoile polaire du mal humain. Il est le pire être humain qui ait jamais vécu. Il n’est presque pas humain. » C’est sans doute un peu exagéré, même concernant un avocat.
Issu d’un foyer modeste, Roy Cohn se distingue tout d’abord en envoyant Ethel Rosenberg, épouse de Julius Rosenberg, à la chaise électrique. Le couple est alors accusé d’avoir livré les secrets de la bombe atomique américaine à l’URSS. Dans le cas de Julius, le forfait est à peu près avéré ; dans celui d’Ethel, nettement moins. Mais qu’importe, Roy Cohn parvient à ses fins, à coups d’aveux plus ou moins arrachés et de témoignages modérément fiables.
Avec Joseph McCarthy, dont il est à la fois le conseiller et l’âme damnée, il se fait rapidement une réputation d’avocat roué auquel rien ni personne ne saurait résister. Sa grande fierté ? Être dans les petits papiers de J. Edgar Hoover, le tout-puissant et inamovible patron du FBI. Ces deux hommes sont effectivement faits pour s’entendre puisque, hormis un anticommunisme viscéral commun, ils partagent le même secret : une homosexualité à la fois flamboyante et soigneusement dissimulée.
Paradoxalement, Roy Cohn n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser les homosexuels, tout en peinant à assumer une judaïté honteuse, allant quasiment jusqu’à la renier. Bref, il veut être le contraire de ce qu’il est.
Hormis J. Edgar Hoover, il fréquente le président Richard Nixon, puis Ronald Reagan, à qui il promet un destin présidentiel avant même que celui-ci ne songe à briguer la Maison-Blanche. Certes, ces deux hommes lui savent gré de tous les efforts déployés pour aider à leur ascension ; mais de loin, de plus en plus loin, tant sa personnalité sulfureuse fait tache dans le paysage. Puis, dans les années 80, il s’entiche d’un certain Donald Trump, dont il pressent le rôle politique à venir.
Le magnat de l’immobilier est singulièrement prédisposé, faisant, lui aussi, preuve d’un aplomb infernal, la fameuse chutzpah, comme on dit en yiddish. Avec ce nouveau professeur, les progrès sont fulgurants. Donald Trump comprend vite. Ne jamais se dédire quand on a menti. Attaquer violemment quand on est menacé. Faire croire qu’on est plus fort qu’il n’y paraît, même et surtout quand c’est faux.
Avocat mondain, Roy Cohn n’est guère regardant sur la moralité de ses clients, du moment qu’ils sont riches. Ainsi mène-t-il grand train, fréquente les gens de la haute société dont il règle les divorces : Bianca Perez Morena contre Mick Jagger, des Rolling Stones, Jacqueline Bouvier (ex-Kennedy) contre l’armateur Aristote Onassis. Il mène, d’ailleurs, d’autant plus grand train qu’il se fait une règle de ne pas payer ses impôts.
Mais l’âge qui avance lui sied mal : les opérations de chirurgie se multiplient, tandis que défilent les amants d’un soir, les unes lui défigurant le visage et les autres le cœur, ou ce qui lui en tient lieu. Avec l’acteur Rock Hudson, il est l’une des premières célébrités à contracter le SIDA. Jusqu’à son dernier souffle, il s’obstine à évoquer une longue maladie et à nier une homosexualité de plus en plus voyante.
Puis son passé le rattrape. Nombre des procès qu’il a gagnés l’ont été en contournant et en violant ces lois qu’il méprise ouvertement. Il finit radié du barreau en 1986, quelques semaines avant sa mort. On ne se presse guère à son enterrement et rares sont ceux qui le pleurent. Triste fin, mais quelle vie hors du commun, tout de même…
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