[LIVRE] Quoi, un éloge de la douceur dans ce monde de brutes ?

81OfNb8vXTL._SL1500_

La douceur chrétienne, une vertu dépassée ? Tel n’est pas l’avis de Jean-Thomas de Beauregard, moine dominicain qui, dans son essai Hardi les doux !, remet cette même vertu à l’honneur tout en lui redonnant son sens premier.

Il y a un siècle, l’écrivain G.K. Chesterton écrivait déjà de notre monde qu’il est « plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles ». Ce que l’auteur confirme : « La douceur chrétienne devient folle lorsque notre époque célèbre sans relâche la victime et méprise le héros : le malheureux plus que le valeureux. » D’où cet exemple emblématique : « Ainsi, le sacrifice du colonel Beltrame, mort égorgé en 2018 pour s’être substitué aux otages d’un terroriste à Carcassonne, avait donné lieu à un lapsus révélateur, puisqu’une plaque commémorative le qualifiait de "victime de son héroïsme". »

Manière de dire qu’en la circonstance, les médias et les autorités publiques célébraient là plus la « victime » que le « héros », ignorant que si ce dernier se sacrifie, c’est en parfaite connaissance de cause. La victime ne choisit pas de mourir ; le héros, si. Ou, tout au moins, en prend le risque calculé.

À l’aune médiatique jugé, le geste héroïque et désintéressé du colonel Beltrame devient donc incompréhensible aux yeux du microcosme politico-médiatique.

Les ravages du développement personnel ?

Pis : « La douceur chrétienne devient plus folle, encore, lorsque la parole privée et publique ne peut plus exprimer le moindre jugement de vérité ou la moindre affirmation morale sans être perçue – sincèrement chez beaucoup – comme une agression insupportable, une offense intolérable. »

Et notre moine de résumer : « La douceur chrétienne devient toujours plus folle lorsqu’au combat spirituel on préfère le développement personnel. » C’est-à-dire un nombrilisme délétère couplé à un narcissisme qui l’est tout autant. Lequel se conjugue, désormais, avec une violence atteignant des proportions jusqu'alors inconnues, de plus en plus de personnes étant dans l’incapacité à supporter la moindre frustration.

Ultra-violence et bons sentiments

Pour illustrer son propos, Jean-Thomas de Beauregard n’hésite pas à aller puiser dans la pop culture sud-coréenne, de plus en plus en vogue dans la jeunesse et commençant même à supplanter son homologue américaine : « l’hallyu », la « vague coréenne », qu’il tient pour « effet-loupe sur une époque schizophrénique. » Ce que cet « hallyu » a de révélateur ? « Elle amplifie outrageusement le paradoxe du divertissement américain : on y oscille sans cesse entre exaltation de l’ultra-violence et débordement de bons sentiments. » Soit l’alliance mortifère de la barbarie et de la niaiserie, touchant par ailleurs de plus en plus de jeunes, nourris par des parents ayant manifestement oublié de les élever. Séoul a beau être loin de Paris, on s’y croirait presque.

Pour autant, une douceur chrétienne bien comprise n’exclut évidemment pas le combat, nous dit l’auteur : « Il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’en régime chrétien, la douceur ne s’oppose pas à la force. » D’où cette remarque, tout aussi « virile » que frappée au coin du bon sens : « À trop l’oublier, on condamne la gent masculine à se renier dans une communion des saints devenue association des hommes déconstruits à laquelle ni les hommes ni les femmes ne voudraient se rallier. »

En ce sens, oui, l’actuelle bienveillance à base de marches blanches, de bougies et d’ours en peluche censée répondre à des meurtres de plus en plus barbares n’est que la grotesque caricature de l’ancestrale douceur chrétienne.

En rappelant tout cela, ce moine dominicain signe un livre qui fait du bien, à la fois à l’esprit et à l’âme.

Le Cerf

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois