Livre : Un été chez Max Pécas, de Thomas Morales
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Thomas Morales est un auteur si peu recommandable qu’il convient évidemment de le recommander. L’homme exerce ses talents à Technikart, sorte d’Actuel en vachement mieux, à Causeur, mensuel dirigé par cette faible femme qu’est Élisabeth Lévy, et à Schnock, vénérable revue des « vieux de 27 à 87 ans ». Passionné de voitures anciennes et d’ancien cinéma, il n’est donc pas tout à fait le quidam de son temps, on l’aura vite compris. Amateur de plats en sauce et de boissons sévèrement alcoolisées, il ne s’agit pas non plus du meilleur ami des végétariens dépressifs et autres turlupins à trottinettes. Bref, le progrès, il n’est pas bien pour. Le brave homme.
Thomas Morales ne prétend certes pas que c’était forcément mieux hier, mais pourrait tendre à estimer que ce n’est guère mieux aujourd’hui. De là à voir en ce déclassé de la modernité une sorte de bienfaiteur de notre humanité vieillissante, il n’y a qu’un pas… que nous franchissons volontiers.
Son dernier opus, Un été chez Max Pécas, est un fort joli résumé de toutes ses lubies, venues d’un passé qui se refuse à passer. Au fait, et ce, pour commencer, qui es-tu, Max Pécas, toi qui as les honneurs du titre de ce livre aussi réjouissant que salutaire ?
Né en 1925 à Lyon et arraché à notre affection en 2003, ce Stanley Kubrick provincial restera dans nos mémoires comme immortel auteur de ces pépites du septième art français que sont Marche pas sur mes lacets (1977), Embraye bidasse... ça fume (1978), Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu (1980) et On se calme et on boit frais à Saint-Tropez (1987). Toute une époque, dira-t-on, que fait désormais revivre notre Saint-Simon du moment.
« O Tempora, o Maurras », comme on dit chez nos amis royalistes. Il s’agissait alors de communier en une sorte d’insouciance pompidolienne, d’indolence giscardienne ; voire même de flegme mitterrandien. Ces films s’y tournaient sans scénario, leurs actrices sans soutien-gorge et le pastis sans trop de glaçons. Les acteurs ne cherchaient pas en eux leur part de féminité, se contentant plutôt d’aller la dénicher dans la douche des filles.
Thomas Morales : « Pécas a inventé le divertissement filmé du point de vue du parasol. Le transat comme point de vue. Le sable fin comme horizon. » Ce n’est certes pas du Robert Bresson, mais ses starlettes y étaient autrement mieux carrossées que dans les films de Jacques Rivette. Donc, bon an mal an, entre les vagues cinématographiques, plus ou moins nouvelles, et celles, à la papa, du Cap d’Agde, il n’y a pas photo. Et puis, il y avait les à-côtés : la pétanque et le bob Ricard™, les barbecues et les tartines de Nutella™, les tubes d’Umberto Tozzi qui dégoulinaient du poste ; sans oublier les ritournelles d’Yvette Horner, jouées sur piano à bretelles, à l’occasion d’un Tour de France entrecoupé de fêtes à la saucisse ou à l’andouille.
Dans cet essai revigorant, Thomas Morales ne sombre pourtant pas que dans la mélancolie de cette France du siècle dernier, n’hésitant pas à faire œuvre de philosophe. D’où ces phrases méritant d’être un jour gravées dans le marbre et consacrées à ces slows désormais interdits de séjour en boîte de nuit : « Lionel Ritchie, Bill Withers ou Demis Roussos auront eu plus de répercussion sur nos vies intimes que Platon et Montaigne. Que vaut Nietzsche face à Barry White ? Un seul tube d’Herbert Léonard décompose toute l’œuvre de Spinoza. » Jean Lefebvre, Arthur Schopenhauer et Michel Galabru n’auraient pas été plus lumineux.
En attendant, ce livre mériterait d’être remboursé par la Sécurité sociale en cas de spleen profond ou de graves troubles du comportement.
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