[LIVRE] Un inédit de Gustave Thibon, anarchiste-conservateur avant-gardiste

paysan

Gustave Thibon aimait se décrire comme un philosophe paysan. De nombreux entretiens sont disponibles sur la Toile où il s’exprime avec cet accent ardéchois et jubilatoire qui lui est propre. Il appartient à cette génération qui, arrivant au certificat d’études primaires, maîtrisait la langue française. Il acquiert sa très vaste culture en autodidacte grâce à la très vaste bibliothèque paternelle, tout en étant à la tête d’un domaine viticole, dans sa famille depuis 1670. C’était une époque où le travail de la terre n’empêchait pas la culture de l’esprit.

Les Éditions Mame ont la bonne idée d'éditer Propos d'avant-hier pour après-demain, un recueil constitué de canevas des différentes conférences de Gustave Thibon, court en pagination (175 pages) mais très dense en réflexions. Chaque phrase est un aphorisme et amène à un temps de méditation.

Quel plaisir de lire des phrases simples et limpides si profondes de sens. Nous sommes très loin du ton jargonneux employé par le milieu universitaire, dont les livres trouvent rarement un grand écho en raison d’un style compliqué et incompréhensible. Gustave Thibon prouve à chaque page qu’un paysan peut parfaitement maîtriser Dostoïevski, Nietzche, Simone Weil, Platon, les Saintes Écritures ou Victor Hugo…

Ni passéiste, ni progressiste

Gustave Thibon aimait aussi se définir comme un anarchiste-conservateur : anarchiste envers les modes du siècle, conservateur sur les valeurs éternelles. Le titre de l’ouvrage, Propos d’avant-hier pour après-demain, est en parfaite cohérence avec le terme d’anarchiste-conservateur. L’auteur n’est guère passéiste mais il nous oblige à nous interroger sur le progrès. Il est étonnant de découvrir la modernité et le côté avant-gardiste de ce recueil de textes : le plus ancien texte date des années 30 et les plus récents des années 70. La Crise paysanne, un texte écrit dans les années 40, pourrait dater d’aujourd’hui : « L’agriculture s’essouffle, elle est partie perdante dans ses changes avec le reste du monde. Et dans ce monde où la vie est dépréciée, le paysan fait figure de parent pauvre », écrit Thibon. « Il faut lutter contre cette tendance nouvelle à trouver toujours trop chers le pain, le lait et tous les produits de première nécessité, alors qu’on achète sans hésiter n’importe quel "gadget", un journal stupide, etc. », ajoute-t-il.

Quelle prescience ! Nos futures élites fréquentant les grandes écoles seraient inspirées de lire Gustave Thibon, plus durable que ces manuels de management obsolètes dès leur parution.

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Patrick Beren
Ex-rédacteur en chef presse municipale, en retraite

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