[LIVRE] La Citadelle de JM Blanquer : petits meurtres entre amis de la Macronie

Capture écran France 24
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Jean-Michel Blanquer publie La Citadelle (chez Albin Michel), avec un bandeau précisant « Au cœur du gouvernement » : voilà qui s’annonçait croustillant, vu l’ambiance qui entoura son remplacement par Pap Ndiaye au ministère de l’Éducation nationale, au printemps 2022.

Benne à ordures

Si vous êtes amateur de serial snipers façon Clint Eastwood dans Et pour quelques dollars de plus, ajustant l’un après l’autre ses faux amis et vrais bandits, ce livre est fait pour vous. Honneur aux dames, avec une première salve - lors de la passation des pouvoirs au ministère, le 18 mai 2017 - pour Najat Vallaud-Belkacem qui « exprima immédiatement devant les micros tout le mal qu’il fallait attendre d’un homme tel que moi ».

À tout seigneur tout honneur, François Bayrou a droit à une double ration. La première, la plus succulente, tombe lors de la visite « de courtoisie » de ce dernier au nouvel occupant d’une rue de Grenelle qu’il a connue lui-même, ce qui l’autorise visiblement à s’autoproclamer grand gourou de l’Éducation nationale. Bayrou ? Le « génial inventeur du volontarisme d’atmosphère, une fumée que l’on sent toujours et que l’on ne voit jamais, attaque Blanquer. Ami des forces de l’esprit, il reste à l’état gazeux. » Avec, en conclusion, cet hommage à « sa capacité à distinguer l’essentiel de l’accessoire [...] : l’essentiel, c’était lui, et l’accessoire, c’était les autres ». La seconde aura été nettement moins poétique. Jean-Michel Blanquer s’était en effet opposé aux amendements déposés par deux parlementaires, anciens socialistes ralliés opportunément à la Macronie en 2017. Mal lui en prit, les gaillards étant, semble-t-il, des protégés du grand Mamamouchi du MoDem, lequel vint hurler sa rage dans le bureau du ministre : « Ta tête est sur le billot, maintenant ! Je vais demander au Président que tu partes. Et il me l’accordera ! » Du beau linge, donc...

Quand la Macronie fait sa lie

Le nobélisable en littérature porno soft, spécialiste mondialement reconnu du « renflement brun », ne pouvait évidemment être absent du tableau de chasse. Bruno Le Maire avait invité à déjeuner Jean-Michel Blanquer pour lui dire... tout le mal qu’il pensait de son chef Édouard Philippe et de la stratégie à suivre pour doubler Xavier Bertrand sur la route vers Matignon. « Ça ne va pas durer longtemps pour Édouard [...], tu es déjà populaire. Il faut que tu te prépares. » Bon, si ce n’est pas une invitation au complot, cela y ressemble un tantinet, tout de même...

Dans la longue série de règlements de comptes qui animent cet ouvrage, deux sont emblématiques de la « citadelle » que serait devenue, progressivement, la Macronie, de son état d’esprit et de ses usages. Garde-chiourme fidèle et implacable du jardin d’enfant, le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler n’entre visiblement jamais dans le fond des dossiers. Tel un videur de boîte de nuit, il se contente d’ouvrir la porte (ou pas), selon que le visiteur est (ou n'est plus) copain de l’enfant-Président. Quelques mois avant la fin du premier quinquennat Macron, quand Jean-Michel Blanquer vint quémander une loi de programmation revalorisant notamment la rémunération des professeurs, la porte de Kohler resta close, sans autre explication qu’un avis défavorable de Sa Suffisance jupitérienne elle-même. La question se pose tout de même de savoir pourquoi il aura fallu attendre plusieurs années pour que le ministre de l’Éducation nationale comprenne enfin à quels zozos il avait affaire.

Un « en même temps » médiocre, naïf et violent

Ce que Jean-Michel Blanquer cherche à nous vendre de son projet et de son bilan suscite finalement moins l’intérêt que l’ennui. Son livre a au moins le mérite de confirmer ce dont on se doutait un peu : la marque « Blanquer », celle du grand nettoyeur de l’Éducation nationale, de la réincarnation des hussards noirs, du chasseur de pédagogisme et autres hauts faits d’armes, a bien été survendue. Sa surcommunication et son coup de menton permanent étaient moins l’expression d’un projet ambitieux et de la volonté de l’imposer qu'une méthode Macron poussée jusqu’à la caricature, adossée au recours opportuniste du « en même temps. » Que Blanquer réserve la dernière balle du barillet à Macron relève d’une bravoure... de pacotille.

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