[L’œil américain] Les démocrates vont-ils débarquer Joe Biden ?

©Lawrence Jackson-Wikimedia
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La main sur le cœur, ils le proclament haut et fort : jamais leur loyauté ne lui fera défaut. Le candidat octogénaire peut compter sur ses troupes. Juré, craché, une fidélité à toute épreuve.

Alors, peu importe les phrases qui s'emmêlent, la mémoire qui s'évapore, les regards qui s'égarent. Au diable les guiboles qui flageolent, les arpions qui se débinent, les escaliers dégringolés. Oubliés les sondages en berne, les sous bloqués au Congrès, Trump qui s'envole, Zelensky qui s'agace, Netanyahou qui s'en fout.

Tout finira par s'arranger, tout le monde le dit autour de lui. Pensez donc, face à la perspective du retour de l'agité du bocal dans le Bureau ovale, l'Amérique finira bien par se ressaisir. N'importe qui plutôt que Donald. Ce ne sont donc pas deux ou trois « lapsus » lâchés sur un coup de fatigue qui vont détourner les électeurs du choix de la raison en novembre prochain.

Un rapport qui dérange

Oui, mais tout ça, c'était avant la semaine dernière. Avant qu’un procureur ne se mette en tête de jouer au gériatre en expliquant, au terme de son enquête sur une affaire de détention illégale de documents classifiés, qu’il ne pouvait pas poursuivre Joe Biden en raison de son âge avancé et de son déclin cognitif.

« Nous avons tenu compte du fait que lors d’un procès, Monsieur Biden se présenterait probablement au jury, comme il l'a fait lors de notre entretien, comme un homme âgé, sympathique, bien intentionné et doté d'une mauvaise mémoire », a écrit Robert Hur.

Le procureur a, en effet, constaté, lors de différents échanges avec le président, des troubles répétés. « Il ne se souvenait pas de la période où il était vice-président, oubliant, le premier jour de l'entretien, quand son mandat s’est terminé – « Si c'était en 2013, quand ai-je cessé d'être vice-président ? » - et oubliant, le deuxième jour de l'entretien, quand son mandat a commencé – « En 2009, suis-je toujours vice-président ? », note-t-il dans son rapport.

« Il ne s'est pas souvenu, même après plusieurs années, de la date de la mort de son fils Beau », ajoute le procureur, qui constate que sa mémoire est tout aussi « brumeuse » lorsqu’il s’agit d’évoquer « le débat sur l’Afghanistan qui était si important pour lui ».

L’examen de conversations enregistrées avec l’écrivain chargé de la rédaction de ses mémoires, Mark Zwonitzer, apparaît tout aussi inquiétant. Ses conversations avec lui, dont certaines datent de 2017, « sont souvent douloureusement lentes, Biden luttant pour se souvenir des événements et s'efforçant parfois de lire et de déchiffrer les notes de ses propres carnets ».

Robert Hur en conclut que les jurés ne pourront se prononcer « hors de tout doute raisonnable » sur le point de savoir si le président avait conscience qu’il partageait des informations classifiées avec l’écrivain.

Pour ces jurés, note le procureur, « les manquements et défaillances de Monsieur Biden [en 2017] apparaîtront probablement comme cohérents avec les facultés diminuées et la mémoire défaillante dont il a fait preuve dans les enregistrements de l'entretien avec Zwonitzer et dans l’entretien que nous avons eu avec lui ». On comprend donc que le déclin cognitif du président américain n’est en rien nouveau et que, sans surprise, il ne s’est pas amélioré avec le temps.

Une conférence de presse qui confirme

Le 8 février dernier, quelques heures après la publication du document, Joe Biden est apparu lors d’une conférence de presse. Il était très fâché. Après avoir salué les conclusions du rapport qui écartent toute poursuite, il a dénoncé les assertions concernant sa mémoire, et notamment le fait qu’il aurait oublié la date de la mort de son fils. « Franchement, quand on m'a posé la question, je me suis dit que ça ne les regardait pas », a-t-il déclaré. « Ma mémoire est bonne », a-t-il ensuite ajouté en réponse à la question d’un journaliste.

Apparemment, tout se passait bien. Biden apparaissait déterminé et sûr de lui. Ce n’était pas un obscur procureur qui allait lui faire obstacle en semant le doute sur ses capacités. « Je suis la personne la plus qualifiée dans ce pays pour être président des États-Unis et terminer le travail que j'ai commencé », affirmait-il. Ce qui n’empêchait pas un insolent de lui demander pourquoi il confondait les noms des dirigeants mondiaux ?

Joe Biden n’avait même pas répondu. Manque de chance, quelques minutes plus tard, il se prenait à nouveau les pieds dans le tapis et confondait le nom du président égyptien avec celui du président du Mexique. Un désastre. « Nous ne nous soucions désormais plus de savoir si Biden est apte à remplir un second mandat ; nous devrions nous préoccuper de savoir s’il est apte à terminer son premier », écrivait, le lendemain, un éditorialiste du Washington Post. « La question n’est pas de savoir si Biden devrait se retirer, mais comment ? », écrivait un autre dans le New York Times.

Dans les rédactions des médias mainstream, qui voient avec horreur s’effondrer la candidature du challenger de Trump, on est, depuis, passé en mode brainstorming. C’est à celui qui trouvera le meilleur « plan B » avec un candidat démocrate à même de battre le populiste honni. Certains évoquaient Michelle Obama mais, finalement, c’est Kamala que voilà.

Interviewée à bord d'Air Force Two la semaine dernière, deux jours avant la publication du rapport du procureur, la vice-présidente acceptait de répondre à une question portant sur les inquiétudes des électeurs concernant l’âge du président. « Je suis prête à servir. Cela ne fait aucun doute », affirmait sans détour Kamala Harris. Pauvre Joe, on est toujours trahi par les siens. Mais, après tout, qu’un vieux mâle blanc cède sa place à une femme noire plus jeune, ce serait tellement woke.

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Je suis étonnée qu’il soit encore à la Maison-Blanche. Je lui donnais six mois maxi avant d’être remplacé par sa (décevante) vice-présidente. Il a tenu bon mais si ça continue, la France ne sera plus la seule à être la risée du monde.

    • Il est bien gardé par un aréopage de hauts gradés choisis pour leur sang-froid. Comme en France, heureusement.

  2. La question que l’on se pose, c’est qui gouverne l’Amérique ? Quand je pense aux précieuses supputations de LCI sur la santé de Poutine, il y a de quoi mourir de rire si ce n’était pas si tragique. Quant à nous, nous avons aussi un spécimen intéressant. Biden a des trous de mémoires, le nôtre est parfaitement incohérent…

    • « La question que l’on se pose, c’est qui gouverne l’Amérique ? » La réponse se trouve du côté de Davos. Creusez un peu!

  3. A force de tourner en rond dans un bureau ovale, il se prend les pieds dans le tapis. Quelle énorme bourde attendent les américains pour réagir ? Le 5 novembre il sera peut-être trop tard pour la planète….

  4. … « l’agité du bocal… », comme vous dites, lui au moins, contrairement à l’expression employée, exprime clairement ce qu’il pense, ce qu’il dit, et ce qu’il fait.
    On ne peut pas en dire autant de « Joe Burden* », comme nous sommes très nombreux à le nommer [je suis fraco-américain] pour les toutes raisons que vous-même exposez ici Monsieur Martin-Lassez.
    Trump n’a pas commencé au moins une nouvelle guerre, au contraire, et avait redonner des couleurs à l’économie des usa.
    De plus, et Dieu sait que les Democrats, où qu’ils sévissent, se sont donnés un mal fou, jusqu’à inventer des histoires à dormir debout, Trump n’a pas d’intérêts financiers dans des holdings étrangères, et surtout pas en Ukraine, l’un de ses fils n’est pas drogué et obsédé sexuels.
    J’arrête là le panégyrique.
    « On » reproche à Trump d’agir en homme d’affaires, les mêmes qui flattent la « France start-up » de Macron, et des dirigeants de l’UE englués dans des scandales de conflits d’intérêts à n’en plus finir, et pire encore les scandales financiers style Pfizer de Von der Leyen.
    Il faut savoir un jour laisser tomber l’anti-Trump de base, à la fin c’est très agaçant, et fait plus sérieux.

      • Il y a des jours où j’en ai ras-le-bol, même ici à BV.
        Le manque d’objectivité est scandaleux.
        Trump est intelligent et ne voit que l’intérêt des américains !
        Où est le problème ?
        Je vous remercie bien sincèrement pour votre commentaire, ça fait du bien, croyez-moi.

    • Dans votre réponse à Chti vous vous plaignez d’un manque d’objectivité sur BV. Souffrez que tout le monde ne soit pas fan de D. Trump ! En l’occurrence, je suis pro-Trump et le fait qu’il ne soit pas « de souche » en politique me semble être un plus indéniable. Avec « The Orange one », comme certains l’appelaient avec mépris, la question ukrainienne n’aurait pas traîné – si toutefois elle avait même démarré !

    • Ils sont nombreux ceux qui partagent votre opinion, frappée au coin du bon sens. Mais autant ostracisés que les climatosceptiques, et pour les mêmes raisons. Mais rassurez-vous, le destin inéluctable de toute idéologie est de finir fracassée sur le mur de la réalité. Il suffit d’être patient. « Assieds-toi au bord de la rivière, et tu finiras par voir passer le corps de ton ennemi » (proverbe africain).

    • J’approuve totalement ! Hâte de revoir Trump gérer un grand pays (et remettre un peu d’ordre dans le grand foutoir )

    • C’est l’éternelle histoire de la paille et de la poutre! Les anti-Trump feraient mieux de s’intéresser aux « bocaux » de certains dirigeants, canadien, français ou ukrainien par exemple…

  5. Nous serions porté a en rire si nous n’avons pas tendance à en pleurer de voir ce que sont les états unis d’Amérique dans le monde, même chez eux.

  6. Par pitié, stop aux anglicismes !
    Mainstream : systémique
    Brainstorming : remue-méninges
    et
    Fake news : falsification des informations
    Puisse BV imposer le retour à la plus belle langue du monde !

  7. D’après ce que j’ai lu à droite à gauche, il semblerait que Kamala Harris soit unanimement détestée dans l’opinion américaine.
    Quant à Trump, je pense que ses rodomontades concernant l’OTAN sont à usage interne. En effet, si on se place d’un point de vue américain, il est totalement illogique que le budget de défense des pays membres de l’Union Européenne et du Royaume Uni soit environ quatre fois inférieur à celui des Etats-Unis, alors que le PIB de l’ensemble des pays européens est supérieur à celui de l’Amérique. Il est trop facile pour les socialos macroniens qui gouvernent l’UE de faire passer Trump pour le grand méchant loup, quand on n’est pas fichu d’assumer ses responsabilités. Si on renvoyait l’immigration illégale chez elle, si on stoppait l’immigration légale, si on cessait de subventionner des assoces comme RSF ou Oxfam qui n’ont pour but que de détruire la démocratie libérale, on trouverait aisément les quelques milliards qui nous manquent pour renforcer notre défense.
    Gouverner c’est prévoir ! Mais c’est également choisir ! Bref, deux choses dont Narcisse 1er est totalement incapable.

  8. Et il est toujours à la tête du pays ça craint . Faut dire que par ici on a aussi quelques cas inquiétants ….

    • Et une Obama, une enragée ! Ce ne sera pas mieux ! Pour l’instant Trump est un moindre mal ! Il n’a provoqué aucune guerre ! Et sur le plan économique, je ne pense pas que sous son règne, ce fut un échec à part le reproche sur sa gestion du covid ! Mais nous, commençons par balayer devant notre porte ! Notre président est un peter pan qui n’a pas grandi ! C’est une véritable catastrophe ! Je vois mal la France le supporter encore trois ans !

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