[L’oeil américain ] Trump est-il le seul à vouloir ramener la paix en Ukraine ?

trump

C’est une petite musique déjà ancienne qui se fait à nouveau entendre dans les médias et dont le rythme s’est accéléré, ces derniers temps. Son retour s’explique par une inquiétude grandissante, dans les cercles atlantistes, face à un élément perturbateur susceptible de rompre le consensus bipartisan à Washington sur la nécessité de soutenir Kiev « aussi longtemps qu’il le faudra ».

Qui, cependant, aurait pu imaginer, il y a quelques mois encore, que Donald Trump, assailli par d’innombrables procédures judiciaires, allait probablement s’imposer lors de la primaire du Parti républicain ? Et pourtant, le revoilà avec ses déclarations à l’emporte-pièce. S’il était réélu, il mettrait un terme au conflit « en 24 heures » après avoir rencontré les présidents russe et ukrainien, affirmait-il, en janvier dernier.

Bien entendu, sur le moment, tout le monde ricanait, mais depuis, avec l’ascension continue de Trump dans les sondages, c’est la soupe à la grimace. En mars, dans Politico, Anders Fogh Rasmussen, ancien secrétaire général de l'OTAN, ne mâchait pas ses mots. Si l’ancien président remportait l’investiture du Parti républicain, ce ne serait rien de moins qu’une « catastrophe géopolitique » car, pendant la campagne, « son influence serait destructrice », déclarait-il.

Alors, il a fallu ressortir au plus vite les instruments de musique que l’on avait remisés au placard et rejouer à bonne cadence la symphonie complotiste de la « collusion » russe.

Le 24 mai dernier, la revue américaine de politique étrangère The National Interest publiait un article de Paul Pillar, ancien membre de la CIA, au titre dénué d’ambiguïté : « Le problème Trump-Russie demeure. » Un réquisitoire violent recyclant les vieilles antiennes du « Russiagate » tout en ajoutant quelques nouveautés et du mystère. Quelle est la nature exacte de l’emprise poutinienne sur Trump, s’interroge Pillar ?

D’après lui, « nous ne le savons pas car il n'y a pas eu d'enquête de contre-espionnage complète et sans entrave sur Trump ». Si bien que « les angles exacts sur lesquels les Russes ont travaillé et les vulnérabilités qu'ils ont pu exploiter font partie de ce qui est inconnu ». L’objectif étant ici, on l’aura compris, de discréditer les différentes enquêtes ayant disculpé l’ancien président, et notamment le récent rapport Durham, particulièrement accablant pour l’enquête du FBI.

Pour Pillar, qu’il faut croire sur parole, si Donald Trump l’emportait en 2024, « la Russie pourrait à nouveau avoir un atout dans le Bureau ovale » sans qu’on sache si celui-ci serait un « idiot utile » ou un pion consentant.

Nous voilà donc revenus en 2016 sans avoir parcouru le moindre couloir temporel. À l’époque, Trump était déjà traité de « marionnette de Poutine ». « Si le président russe pouvait désigner un candidat pour saper les intérêts américains – et faire avancer les siens –, il ressemblerait beaucoup à Donald Trump », pouvait-on lire dans Slate. Ce n’était pas seulement la presse qui montait au créneau. D’anciens membres républicains de l’establishment de la politique étrangère et de la sécurité nationale multipliaient les déclarations alarmistes. Ils étaient 122, en mars 2016, à signer une lettre sur le « danger » représenté par Trump, qui allait « rendre l'Amérique moins sûre » et « diminuer [sa] position dans le monde ». En août, une autre lettre était publiée avec la signature de 50 anciens responsables affirmant que Trump représentait un danger pour la sécurité nationale. « Alors que les élites de la politique étrangère des deux partis se disputent souvent entre elles […], il est extrêmement rare qu'elles entrent dans l'arène politique de manière aussi publique et agressive », commentait le New York Times.

Dans le livre qu’il a consacré à l’establishment américain de la politique étrangère (The Hell of Good Intentions), l’universitaire Stephen Walt a très bien expliqué pour quelles raisons Trump avait fait l’objet d’un tel tir de barrage. Le candidat républicain, avec sa rhétorique « America First », remettait en question des décennies de domination de l’idéologie transpartisane de « l’hégémonie libérale » qui considère nécessaire le maintien du leadership mondial des États-Unis et son rôle dans la propagation de la démocratie, des droits de l’homme et du libre-échange.

Avec Trump, l’Amérique n’était plus la « nation indispensable » qui se fixait pour objectif de refaçonner le monde à son image. Pire : il s’était mis en tête d’améliorer les relations avec la Russie et la Chine. « Nous devrions rechercher un terrain d'entente fondé sur des intérêts partagés », avait-il déclaré, développant une approche transactionnelle et non idéologique des relations entre États. L’élite de la politique étrangère, « une caste professionnelle hautement conformiste et consanguine », notait Walt, n’avait aucunement l’intention de le laisser faire.

Et, de fait, un Donald Trump empêtré dans l’affaire du « Russiagate » et confronté, tout au long de sa présidence, à une résistance intérieure au sein de l’administration n’a pas pu remettre en question les fondamentaux de la politique étrangère américaine. Quant à la relation avec la Russie, loin de s’améliorer, elle a continué à se dégrader.

Sept ans plus tard, le retour de Trump avec ses déclarations critiques concernant la guerre en Ukraine provoque de nouvelles inquiétudes. Comme le notait une éditorialiste du New York Times, début mai, en rompant avec des décennies de consensus d’après lequel l'Amérique devrait avoir une présence hégémonique dans les affaires mondiales, l’ancien président se retrouve confronté, une fois encore, à un establishment qui, par-delà ses différences, continue à prôner une politique étrangère interventionniste.

La reprise, dans les médias, de la théorie complotiste d’un Trump « candidat du Kremlin » montre que les hostilités sont désormais pleinement lancées. L'ancien président parviendrait-il, alors, à imposer la paix en Ukraine, s’il était réélu ? Difficile à dire. En revanche, il serait bien possible qu’une guerre qui s’aggrave ou qui s’enlise devienne progressivement la meilleure carte de la « colombe » Trump pour retrouver le chemin du Bureau ovale.

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Si Trump réussit aussi bien avec l’Ukraine qu’avec la Corée du Nord… Etre pour la paix entre l’Ukraine et la Russie, bien sûr, mais à condition qu’il ne s’agisse pas d’une pax poutiniensa. Toute la difficulté est là.

  2. Des spéculations sur de simples hypothèses peuvent elles entrainer un changement de comportement de l’électeur américain ??? THAT IS THE QUESTION…

    • La rhétorique est une chose, les réalités sont autres. Biden, c’est la guerre et peut être la guerre mondiale. Dans l’immédiat, l’abaissement de l’Europe. Avant que les Etats Unis ne se rendent compte qu’ils ont « fait le jeu » des Chinois. Comme il avaient fait le jeu des Iraniens en faisant tomber le « méchant » Saddam.

  3. Ce qui jouerait en faveur de Trump c’est aussi le désinteressement des américains pour cette guerre qui se passe à quelque milliers de kilomètre dans un pays dont ils ne connaissaient pas même l’existence, il y a quelques années. On ne peut faire rêver des citoyens qui voient la misère se répendre dans leur propre pays avec son lot d’homeless, les infrastructure se dégrader et les problèmes sociétaux s’accumuler et une administration qui jette l’argent par les fenêtre pour aider un pays qui était considéré comme le plus corrompu de l’europe avant l’attaque Russe . L’intérêt pour l’europe est très limitée aux états unis, une UE qui suscite parfois même une certaine hostilité bien compréhensible si on se met de leur côté en consdérant que l’OTan est perçu par eux comme une couverture militaire couteuse pour des gens qui ne ménagent pas leur critique envers les USA.

  4. Effectivement Monsieur Trump est la seule personne à pouvoir ramener la paix en Ukraine, il est également le seul président à n’avoir cautionné de guerre. Biden ( la momie ) est une honte pour son pays et un traître pour l’Europe.

  5. La candidature de Trump, seul Président depuis des lustres à n’avoir provoqué de guerre nulle part, a de quoi étonner les Américains habitués à toujours combattre sans jamais vaincre et inquiéter les marchands d’armes.

  6. Je ne suis pas un politologue, loin de là, mais il me semble que Mr. TRUMP redoute à juste titre la Chine. Et de ce fait il préférait que Mr.Poutine soit plutôt son allié. Car l’Amérique ne fera pas le poids face à la Russie et la Chine, il me semble. N’oublions pas que nos ennemis sont l’Afrique, et les musulmans, alors que l’Europe n’a pas les mêmes sentiments que nous, puisqu’elle veut plus de migrants qui nous condamne à brève échéance à notre disparition.

  7. Souhaitons que Trump retrouve le bureau oval de la maison blanche afin de bâtir un peu de confiance entre les usa et le reste de la planète. Trump l’a très bien compris et il mesure les dégâts causés par Biden qui a su faire disparaître la suprématie du dollar us, pour le bien de tous il faut le souligner, puisque les yankees rançonnaient presque toute la planète. Trump a compris les méfaits de la mondialisation et a tout fait pour que les industries qui sont parties à l’étranger reviennent dans son pays. Enfin Trump a été le seul président des usa qui n’a jamais provoqué une guerre et certainement qu’il serai capable de ramener la paix en Ukraine, peu importe en 24 heures ou en une semaine. Bref, Trump président n’augure que du bonheur.

  8. La Caste essaie d’imposer un narratif global et bien pratique, Poutine est le diable et on ne parle pas avec lui sinon on est diabolisé , même pour faire la paix . Remplacez Poutine par Bachar el Hassan, Sadam Hussein,ça a bien marché , à l’extérieur pour vendre des armes et renforcer les positions hégemoniques vers les gisements de n’importe quoi ,et à l’intérieur c’est un formidable outil pour téthaniser les opposants.

  9. Trump est-il le seul à vouloir ramener la paix en Ukraine ? Non !
    Trump est le seul à pouvoir ramener la paix en Ukraine en une semaine ?

  10. Trump n’est pas le seul, mais qui le suivra ? Il y a bien des gens qui en Europe ou aux USA qui seraient pour la fin de ce conflit le plus rapidement possible mais ils sont peu et surtout ils ne sont pas élus ou du moins élus à des postes clefs . Ils ne peuvent agir. Il est évident que sans le soutien massif de l’Ukraine par les USA et des dirigeants de l’Europe ce conflit aurait cessé depuis belle lurette. ils disent tous vouloir la paix mais fournissent tous des armes à l’Ukraine. Alors quand celle ci les reçoit, elle mène une contre-offensive victorieuse durant quelques jours, voir quelques semaines. Puis la Russie reprend du terrain perdu et bis repetita . En attendant c’est 200 000 morts (10.000 en Russie et autant en Ukraine ) Alors on va peut être permettre à l’Ukraine de déclarer qu’elle aura gagnée la guerre. Seulement ce sera une victoire à la Pyrrhus !

  11. La meilleure chose qui puisse arriver – et pas seulement pour les États-Unis – serait que Trump soit élu en 2024. Les clowns prétentieux et corrompus qui dirigent le monde ont fait leur temps. Place au bon sens.

  12. Mouis…. Il avait déjà dit qu’il ferait renoncer le dictateur Nord Coréen à sa course à l’armement nucléaire. On a vu.

  13. Mon unique commentaire sera celui-ci: on ne se présente pas à des élections présidentielles à 76 ans !
    L’exemple de Joe Biden devrait servir de leçon !

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