[L’œil américain] Un chrétien conservateur élu président de la Chambre

mike johnson

Plus personne n’y croyait, et pourtant, les républicains de la Chambre sont enfin parvenus à désigner un nouveau président. Après trois semaines de guerres intestines dignes de House of Cards, Mike Johnson, représentant de la Louisiane, a remporté les votes mercredi dernier, mettant ainsi fin à un psychodrame qui paraissait sans issue.

Début octobre, une poignée d’élus proches de Donald Trump avaient provoqué la destitution de Kevin McCarthy, l’ancien président, jugé trop accommodant avec les démocrates. Or, en raison de la très courte majorité républicaine à la Chambre (221 contre 212 démocrates), les prétendants au poste ne pouvaient perdre plus de quatre voix de leur parti. Une gageure, au vu des divisions du GOP (Grand Old Party). La lassitude et le refus d’un suicide politique collectif semblent cependant l’avoir finalement emporté.

La paralysie du Congrès risquait, en effet, de virer au chaos institutionnel alors que se rapproche la date d’expiration de la loi de finances temporaire dont le vote a permis, récemment, d’éviter le fameux shutdown, c’est-à-dire le blocage de l’État fédéral. Les républicains sont donc soulagés, les démocrates sont, quant à eux, atterrés.

Un chrétien sans complexes

Il est vrai que Mike Johnson a tout pour déplaire aux belles âmes éveillées. Chrétien évangélique, il n’a pas hésité à invoquer Dieu et la Bible lors de sa première allocution. Ferme opposant au mariage homosexuel et à l’avortement, il a présenté, l’année dernière, un projet de loi visant à bloquer le financement fédéral de programmes d’éducation sexuelle intégrant des sujets LGBTQ destinés à des enfants de moins de dix ans.

Autant dire que son élection a provoqué des réactions éruptives du côté des médias progressistes qui ont immédiatement entamé un procès en sorcellerie à l’encontre du nouveau Speaker de la Chambre. « Il s’agit d’une victoire pour l’extrême droite, devenue une force dominante au sein du Parti républicain, qui s’est soulevée ce mois-ci pour imposer la destitution d’un président de l’establishment et l’installation d’un remplaçant ultraconservateur », s’est ému le New York Times.

En matière de politique étrangère, Mike Johnson coche également, de leur point de vue, les mauvaises cases. Il s’est opposé à la politique de « chèque en blanc » à l’Ukraine, rejoignant ainsi les partisans d’une approche « America First ». « Nous ne devrions pas envoyer 40 milliards de dollars supplémentaires à l'étranger alors que notre propre frontière est dans le chaos, que les mères américaines ont du mal à trouver du lait maternisé, que les prix de l'essence sont au plus haut et que les familles américaines ont du mal à joindre les deux bouts », avait-il déclaré, au printemps 2022.

Concernant Israël, Johnson, à l’inverse, a manifesté un soutien sans équivoque. Le 20 octobre dernier, sur X, peu de temps avant sa nomination, il insistait sur la nécessité d’élire un Speaker qui donne à la Chambre les moyens de « prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre définitivement fin au Hamas ».

Les défis à venir

À peine élu, Mike Johnson va être confronté aux mêmes défis que son prédécesseur : assurer l’unité des élus républicains et éviter le risque d’un nouveau shutdown. La loi de finances temporaire arrive en effet à terme le 17 novembre prochain. De nouvelles négociations difficiles entre le Sénat, à majorité démocrate, et la Chambre, à majorité républicaine, sont donc à prévoir.

Or, c’est l’acceptation d’un accord bipartisan jugé trop conciliant qui a coûté son siège à l’ancien président Kevin McCarthy. Son successeur va donc devoir déployer des trésors de diplomatie. Sachant que l’administration Biden ne lui facilite pas la tâche. En soumettant au Congrès une loi « fourre-tout », les démocrates utilisent le même stratagème que la fois précédente pour tenter d’obtenir un budget fédéral à leur convenance. Le nouveau paquet d’un montant de 106 milliards de dollars comprend ainsi l’aide pour Israël, celle pour l’Ukraine, de l’argent pour la sécurité des frontières, un financement militaire pour Taïwan ou encore une aide humanitaire s’adressant à la fois aux civils palestiniens, israéliens et ukrainiens.

Le calcul étant que les républicains se retrouveront sous pression en cas de refus avec la perspective d’un blocage financier de l’État fédéral et d'un retard de l’aide pour Israël et pour les fonds destinés à la lutte contre l’immigration illégale. Des thèmes chers aux élus du GOP, censés faire passer la pilule d’une aide à l’Ukraine qui les divise.

Distinguer Israël et Ukraine

Un groupe de sénateurs républicains est récemment monté le premier au créneau pour demander un projet de loi autonome pour Israël distinct de l’aide à l’Ukraine. « Mes collègues et moi croyons fermement que toute aide à Israël ne devrait pas être utilisée comme levier pour envoyer des dizaines de milliards de dollars à l'Ukraine », a déclaré le sénateur du Kansas Roger Marshall.

Jeudi dernier, Mike Johnson a déclaré à son tour que les financements pour l'Ukraine et ceux destinés à Israël devaient être traités séparément. Le nouveau président a exprimé les mêmes exigences que le groupe à l’origine de la destitution de son prédécesseur : obtenir une clarification des objectifs et des perspectives de sortie de crise en Ukraine. « La Maison-Blanche n'a pas fourni cela », a-t-il indiqué. Au Congrès, les conditions d’une nouvelle crise institutionnelle semblent, lentement mais sûrement, se remettre en place.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

16 commentaires

  1. BRAVO, bonne nouvelle. Souhaitons leur discernement et( force de caractère pour remettre l’Amérique à un niveau optimum.

  2. bravo, c’est un honneur de se présenter comme catholique pratiquant, en ces temps ou le matérialisme et les sectes gauchistes et immorales veulent diriger la société et détruire nos racines judéo-chrétiennes.
    depuis des temps immémoriaux notre civilisation combat des idéologies d’autres infidèles venus d’Arabie ou de l’est
    de l’Europe voire d’illuminés de notre modernité écolos ou mélencho révolutionnaires.

  3. « Chrétien évangélique, il n’a pas hésité à invoquer Dieu et la Bible lors de sa première allocution. Ferme opposant au mariage homosexuel et à l’avortement, il a présenté, l’année dernière, un projet de loi visant à bloquer le financement fédéral de programmes d’éducation sexuelle intégrant des sujets LGBTQ destinés à des enfants de moins de dix ans. »
    Si seulement nous avions 1 premier ministre de ce style!
    Waouh, que ce serait bien.

  4. Par ailleurs, il est à préciser que ce n’est pas parce-qu’il est « chrétien conservateur  » qu’il est plus compétent que ses collègues progressistes…

    • Exact car il est tellement plus compétent qu’eux et surtout que nos clowns chez nous en commençant par pinochio premier.

  5. Non seulement il se dit de Droite mais encore il aurait des doutes sur la morale qui consiste à tuer les enfants dans leur mères !

  6. A Droite, c’est bien mais il a tout de même l’air de l’excessif ultra-chrétien dans ses prises de position. Pas sûr que le GOP en profite s’il fait dans cette outrance. Il a intérêt à jouer fin s’il ne veut pas saboter les chances de son parti en dépit de l’impopularité rapidement croissante de Biden. Ce qui intéresse les « mid states » ce n’est pas l’avortement, c’est l’emploi

    • Peut-être faut il des personnes aux convictions excessives pour faire de notre monde un monde convenable. Quant à l’avortement, il est clair que c’est est un critère, d’autant plus qu’à present

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