[L’œil américain] Vance, colistier de Trump et voix de l’Amérique périphérique

Capture d'écran X
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On murmurait son nom depuis un moment. Le sénateur de l’Ohio, âgé de 39 ans, a été désigné, lundi, comme colistier par Donald Trump. Si le candidat républicain l’emportait, il pourrait, dans quelques mois, devenir le prochain vice-président des États-Unis.

S’il apparaît comme un représentant de la nouvelle garde trumpiste qui bouscule le vieil establishment du Parti républicain, on peut penser que l’ancien président, avec le flair politique qui le caractérise, a surtout fait le choix de propulser à ses côtés un homme qui, du fait de son parcours atypique, symbolise avec force la persistance du rêve américain.

Tout a commencé par un livre

Un rêve qui porte encore ceux qui, venus de rien, finissent, à force de volonté et de courage, par atteindre le sommet. Et il est vrai que le sénateur Vance revient de loin. C’est, d’ailleurs, en commençant par raconter sa jeunesse chaotique dans une famille blanche pauvre de l’Ohio qu’il s’est fait connaître. Car avant la politique, le Sénat et la campagne présidentielle, il y a d’abord un livre.

Hillbilly Elegy (Hillbilly Élégie : mémoire d'une famille et d'une culture en crise) est publié en 2016, quelques mois avant l’élection de Donald Trump. Cette autobiographie écrite alors qu’il n’a qu’un peu plus de trente ans va connaître le succès et devenir une grille de lecture sociologique de la classe ouvrière blanche qui a catapulté un outsider à la Maison-Blanche.

« J’étais un de ces gamins promis à un avenir sombre », écrit Vance, dans son livre. Or, s’il prend la plume, explique-t-il, ce n’est pas parce qu’il considère avoir accompli quoi que ce soit de remarquable. C’est parce que sa réussite scolaire et universitaire fait de lui un cas à part dans son milieu d’origine.

Car les gosses comme lui, ceux qui sont nés dans une famille pauvre de la Rust Belt (la « ceinture de la rouille », surnom d’une région du nord-est des États-Unis frappée par la désindustrialisation), s’ils ont de la chance, parviendront « à ne pas se contenter du revenu minimum, et s’ils n’en ont pas, mourront d’une overdose d’héroïne »« Je veux qu’on sache; écrit-il, quelle vie mènent les plus pauvres et qu’on mesure l’impact de cette pauvreté, matérielle et spirituelle, sur leurs enfants. Je veux qu’on prenne conscience de ce que représentait le "rêve américain" pour ma famille et moi. »

Dans le portrait qu’elle dresse de lui depuis sa nomination, la presse prend plaisir à noter qu’à l’époque de la parution de son livre, Vance a critiqué Trump à de nombreuses reprises. C’est vrai, mais c’est aussi passer à côté du fait qu’il avait parfaitement saisi le lien entre le candidat républicain et le petit peuple des Blancs déclassés dont son livre porte témoignage.

Trump candidat de l’Amérique périphérique

« Ces gens – mon peuple – sont en grande difficulté et aucun candidat politique n’a évoqué ces difficultés depuis longtemps. Donald Trump, lui, essaie au moins », déclarait-il, dans une interview accordée à The American Conservative, en juillet 2016. « La candidature de Trump est une douce musique à leurs oreilles, ajoutait-il. Il critique les usines qui délocalisent les emplois à l'étranger. Son ton apocalyptique correspond à leur expérience sur le terrain. Il semble adorer agacer les élites, ce que beaucoup de gens aimeraient pouvoir faire mais ne peuvent pas faire. »

Vance comprenait également que le déclassement s’accompagnait d’un sentiment d’humiliation. « "Nous" – c’est-à-dire les ploucs – sommes le seul groupe de personnes que vous n’avez pas à avoir honte de mépriser », lui disait sa grand-mère. Or, si les Blancs de la classe ouvrière « portent cette condescendance comme un insigne d’honneur », elle leur fait aussi du mal, expliquait-il, et « ils cherchent depuis un certain temps quelqu’un qui déclarera la guerre aux condescendants. Au moins, Trump fait ça. »

On se souvient des propos tenus, lors de la campagne présidentielle de 2016, par Hillary Clinton concernant l’électorat de son adversaire : « Pour généraliser, en gros, vous pouvez placer la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des déplorables », avait-elle lancé.

Un premier panier composé de « racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes », auquel il fallait ajouter un autre panier « rempli de personnes qui ont l’impression que le gouvernement les a laissées tomber, que l’économie les a laissées tomber, que personne ne s’intéresse à eux », déclarait-elle.

À l’époque, persuadés que la démographie était le destin, les démocrates pensaient pouvoir abandonner le « panier des déplorables », l’Amérique populaire blanche condamnée à disparaître. Une nouvelle Amérique leur tendait les bras qui allait accoucher d’une nouvelle majorité composée de minorités de moins en moins minoritaires, des jeunes, des femmes et des électeurs blancs progressistes. La victoire de Donald Trump en 2016 a déjoué ces pronostics.

Le parcours politique du sénateur Vance s’inscrit dans cette histoire. Trump a surgi au milieu des décombres de la mondialisation et entraîné avec lui l’Amérique périphérique des déclassés dans le camp républicain alors qu’au même moment, les élites blanches, urbaines et diplômées passaient du côté démocrate.

Vance incarne le renouvellement du Parti républicain transformé par le populisme conservateur de Trump qui, à la fois, défend le retour de l’emploi aux États-Unis, lutte contre une immigration incontrôlée, dénonce l’extrémisme woke et soutient en politique étrangère une approche « America First » non idéologique et transactionnelle.

Le refus de la résignation

Il incarne également un certain état d’esprit. En 2016, il expliquait le rôle qu’avait joué pour lui son engagement dans les Marines, qui l’avait aidé à se défaire de ses conditionnements sociaux et familiaux. « Si j’avais appris l’impuissance de mon environnement à la maison, quatre années dans le Corps des Marines m’ont appris quelque chose de tout à fait différent », déclarait-il.

Commençant par affronter de petits défis et encouragés par de bons mentors, il avait appris à se faire confiance et à aller toujours plus loin. « Vous apprenez, par la simple répétition, que vous pouvez faire des choses difficiles. Et cela a été une révélation pour moi. Cela m’a donné beaucoup de confiance en moi », confiait-il.

Une confiance qui lui a permis de se libérer de ce que le chercheur en psychologie, Martin Seligman, a appelé l’« impuissance acquise ». Un découragement qui conduit à la résignation et au désespoir. « Ce que beaucoup ne comprennent pas, c’est à quel point ces endroits sont désespérés, et nous ne parlons pas de petites enclaves ou de quelques villes, mais de plusieurs États où une part importante de la classe ouvrière blanche lutte pour survivre », a déclaré Vance, à propos de son milieu d’origine.

Après les Marines, Vance est allé à l’université d'État de l'Ohio, puis à la prestigieuse faculté de droit de Yale. Il a ensuite travaillé dans la finance avant de se lancer en politique. Par son ascension, il est l’incarnation du « rêve américain » mais il est aussi le témoin d’un monde en déclin : celui des « redneck », des « hillbillies », des « white trash ». Les bouseux, les péquenauds, les petits Blancs qui, à travers lui, pourraient bien, contre toute attente, accéder prochainement à la Maison-Blanche.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Ce qu’il faut bien comprendre à propos des laissés pour compte du progressisme c’est que ces gens qui ont survécu à toutes les adversités quand ils arrivent à se relever après un n-ième échec constituent un formidable capital humain. ils sont le futur sel de la Terre et devraient pouvoir compter sur l’entraide de leur concitoyens. Or en pays socialiste c’est l’inverse qui se produit : ils sont abandonnés par les nouveaux riches de la bourgeoisie de gauche ( la stratégie Terra Nova) et assignés à résidence définitive.

  2. Hier sur la « merveilleuse chaîne LCI » Monsieur Vance a été qualifié de pitbull, pire que son colistier Trump lui, qualifié de berger allemnand. Au cours de la journée, j’ai réfléchi et je me suis dit, moi aussi je suis un pitbull puisque je suis un sale catho et n’adhère pas à toutes ces idées géniales wokes et droits de l’homme individuels. Bon, avant l’aboyais dorénavant, je mordrai!

  3. Les propos de M. VANCE me font penser à ceux formulés par un certain E.M., en France, qui disait: « ceux qui ne sont rien ». Un président devrait être celui de tous les français, surtout pour ceux qui sont restés au bord de la route …

    • mais même  » au bord des routes » il y a du boulot qu’il faut faire, et personne n’est condamné à y rester au bord de la route surtout quand elle est encombré de  » bien pensants » qui sont persuadés avoir réussi parce qu’ils partent en vacances et perdent des heures dans les encombrements et la chaleur, juste pour aller se poser les fesses sur le sable et polluer l’environnement de leurs déchets. Les chemins de traverses sont tellement nombreux et tellement plus intéressants ! c’est là que ce passe les  » mutations » vers des vies intelligentes de ceux qui n’ont pas pris l’autoroute de la  » soit disant » réussite sociale !

  4. RN, Reconquête et Trump, combat similaire finalement, beaucoup de points communs .Trump paraît extravagant,en fait,son attitude est comme celle de beaucoup de personnes ordinaires dont la vie colle à la réalité vécue de tous les jours.Les élites ont un logiciel intellectuel qui définit la façon de parler,de dire certains propos etc …Et nous ,nous avons tout simplement un autre logiciel de pensée mais qui constitue malgré tout une forte proportion de ce que nombre de gens voient et pensent.Si Trump passe,il est certain que la guerre en Ukraine prendra fin,et que l’économie française ne s’en portera que mieux.

  5. Les Français devraient se rendre compte que, l’élection de Trump, c’est l’assurance vie de leurs enfants, que cette mafia européenne veut envoyer servir de chair à canon contre la Russie qui n’est pas un pays ennemi, mais un pays frère. .

    • Pays frère donc ami, je ne demande qu’a le croire, mais alors il faut peut-être que les russes changent de président, sinon on nous avons un ennemi que je ne soupçonnais pas qui serait le peuple ukrainien.

      • le peuple Ukrainien qui a subit et subit encore un gouvernement mafieux à appris les codes de comment profiter des naïfs – c’est ainsi qu’ils ont fuit pour un temps l’Ukraine en guerre pour la France bienveillante, ont obtenus au titre de réfugiés des droits sociaux ( caf – rsa – etc…) ont ouvert des compte en France sur lesquels sont versé ses prestations, et ont gardés sur place une bonne âme pour leurs transférer ces fonds vers l’Ukraine où ils sont retournés et y vivent à nos frais !! c’est malin, mais c’est en effet totalement au détriment des Français qui eux n’ont droit à rien et surtout pas à l’ouvrir !

      • Le président Poutine n’a fait que mettre un terme à l’ncerclement de son pays par les forces de l’otan, et pour stopper les bombardements sur le Dombass qui duraient depuis 2014 ayant fait 18000 morts. Les grands responsables dans cette affaire, ce sont les Yankees une fois de plus suivie par leurs petits caniches européens dont notre fleuron national. J’aimerais bien avoir un Poutine à la tête de la France.

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