Lors d’un colloque, Mathieu Bock-Côté défend la souveraineté des Etats

@Asclepias/ Wikimedia Commons
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Le terme de souveraineté, que défendent justement les souverainistes, est au goût du jour au point que ceux mêmes qui font tout ou presque pour affaiblir la souveraineté des États nations l’utilisent, à l’instar du prince du « en même temps » Emmanuel Macron. Sa « souveraineté européenne » est plus ou moins compatible ou incompatible avec la souveraineté des Etats membres de l’Union européenne.

Pourtant, la souveraineté (dérivé de « souverain », lui-même dérivé du latin médiéval superus, lui-même dérivé du latin super signifiant « dessus ») désigne le pouvoir ultime reconnu à l'État, tant l'exclusivité de sa compétence sur le territoire national (souveraineté interne) que son indépendance dans l'ordre international exclusivement limitée par ses propres engagements (souveraineté externe). La souveraineté est donc l’attribut du commandement politique de l’État, qui est selon le juriste allemand Carl Schmitt l’entité qui peut déterminer « souverainement » toute exception à toute règle sans aucune nécessité de justification : « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle. »

Voilà pourquoi l’université Mathias Corvinus Collegium de Budapest (MCC) et son directeur général Zoltán Szalai appelaient à évoquer le 8 novembre dernier, l’actualité du concept au cours d’un événement intitulé « Les lois de la souveraineté : défendre la souveraineté des États dans un monde mondialisé et numérisé ». Un événement particulièrement bienvenu au regard des puissantes transformations constatées sur les dernières années : pandémie covid, conflits militaires et reconstitution des blocs, entrée de l’Union européenne dans des territoires de compétences absolument non prévus dans les traités, en particulier le champ sanitaire et les affaires militaires.

Souveraineté menacée

Deux personnalités francophones participaient à cet événement, le bien connu Québécois Mathieu Bock-Côté et Aymeric de Lamotte, directeur général adjoint de l’Institut Thomas More. Mais le panel était international, avec des journalistes, juristes, analystes et universitaires américains, canadiens, chiliens, chinois, roumains et bien sûr hongrois. Cet événement MCC comme tous les autres, a le grand mérite de sortir de la « bulle épistémique » (finir par être convaincu par ce qu’on entend du matin au soir) hexagonale en écoutant les propos des conférenciers ou panélistes de toutes les parties du monde.

Les Hongrois, dont le pays achève la présidence de l’Union européenne, ont mis en avant leurs luttes historiques pour préserver leur souveraineté face à de multiples impérialismes (ottomans, Habsbourg, Allemagne nazie, URSS, Commission européenne aujourd’hui) et rappelé l’importance de la mémoire et de l’éducation pour l’enjeu de souveraineté absolument vital pour la Hongrie : « La souveraineté signifie pour les peuples ce que la liberté signifie pour les individus : elle leur permet de contrôler leur propre destin et de préserver leur identité politique et culturelle. ».

Mathieu Bock-Côté a rappelé que la commission européenne sous Ursula Von der Leyen a utilisé toutes les crises pour étendre son pouvoir aux dépens des États membres, notamment via la crise pandémique covid-19 et la guerre en Ukraine. Il a également indiqué que la version 2024 de l'État de droit ne cesse de vider la souveraineté nationale de son essence par la combinaison du pouvoir des juges, des groupes militants et des autorités administratives "indépendantes", avec l’assistance active d'une technostructure mondialisée. Il conclut pourtant sur les risques liés à toute dissolution de la souveraineté : « un pays qui s'éloigne progressivement de son identité verra sa population plongée dans l'anomie, l'impersonnalisation culturelle, et moins apte à résister au totalitarisme lorsqu'il émergera » tandis qu’« une nation qui perd son identité et devient minoritaire chez elle est vouée à se désintégrer, à disparaître de la scène de l'histoire ».

Nous voilà donc prévenus.

Georges Le Breton
Georges Le Breton
Haut fonctionnaire en activité, spécialiste des politiques publiques.

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