Lot-et-Garonne : première Gay Pride au village. Et dans les banlieues ?

@Arthur zKrause/unsplash
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Ah, la peur du déclassement… celle d’être traité de has been ou de bouseux par les gens de la ville, voire de « sans-dents » par le Président et d’alcoolique puant par celui qui rêve de l’être… Il n’y a que l’arc-en-ciel – pardon, le rainbow – pour vous sortir de là.

C’est sans doute ce qu’a pensé Philippe Capelle-Duchiron, le patron du « Bistrot de Garonne », à Saint-Laurent (Lot-et-Garonne), un village de 500 âmes dans le sud-ouest de la France. Alors, il a lancé « la première Gay Pride au village », comme l’a titré Le Parisien. Il a intitulé cela « la Fierté est dans le pré ». C’était samedi dernier, le 14 septembre.

Une version modernisée de la foire à la saucisse

Dans la France moisie d’hier, il y avait des fêtes de village, généralement organisées autour du clocher et de l’église, à la fois le monument au centre du village et l’institution qui en marquait les temps forts. En ce temps là, le 14 septembre était la fête de la Croix Glorieuse. C’est aussi, dans les régions du Sud viticole, la fête des vendanges. À Nîmes, par exemple, la Feria des Vendanges dure trois jours. D’autres contrées font la foire aux fromages, aux truffes, fêtent la fin des récoltes et, quand vient le début d’année, s’étourdissent encore dans le carnaval… Mais quand la société se délite et que les us et coutumes sont rangés dans le placard à fachos, on invente une version modernisée de la foire à la saucisse : c’est la marche des fiertés, avec chars et flonflons.

Le paradoxe est que des millions de ruraux, depuis un siècle, ont quitté leurs villages de campagne pour avoir la paix. Entendez par là, pour pouvoir vivre une vie anonyme et privée. Lassés de se savoir épiés, ils ne voulaient plus entendre dire que la femme du boulanger couchait avec le garde-champêtre ou que le fils du notaire allait se mésallier avec l’employée du crémier. Et puis, voilà que le monde s’est renversé. Il faut aujourd’hui tout savoir sur chacun et le montrer au monde. Plus question d’ignorer les passions et les penchants, quitte à s’en inventer.

L’orientation sexuelle est ainsi devenue une « fierté » que nul ne doit ignorer. Et tant pis si la vie sexuelle du coiffeur ne vous intéresse pas, vous allez quand même devoir la subir.

Toujours déplacer le problème

Philippe Capelle-Duchiron, le gentil organisateur de la fierté rurale, confie : « J’ai participé à de nombreuses Pride à Paris, Bordeaux ou ailleurs, mais je me disais qu’il faudrait bien qu’un jour le monde rural soit lui aussi au rendez-vous. » La modernité, vous dit-on. Alors, il a installé ses tables de restaurant sur la place du village, sous les marronniers, et propose son menu à 10 euros : « Quatre producteurs locaux nous aident dans cette aventure. On devrait servir près de 400 repas avec du 100 % local. »

Les associations LGBTQIA+ lui ont prêté main-forte, de même que le comité des fêtes de la commune : « Dès le départ, nous avons souhaité une fête inclusive. Pas question de la réserver à une seule communauté. Notre philosophie, c’est le vivre ensemble et, en même temps, faire tomber les préjugés. » Et pour parfaire le décor, les petits enfants de l’école ont fait des dessins « qui racontent les différentes familles possibles ». La responsable du centre d’action sociale d’ajouter : « C’est important d’affirmer que la communauté LGBTQIA+ vit aussi à la campagne. Bien sûr, ici comme en ville, tout n’est pas toujours parfait mais les mentalités changent. » Et si les dieux sont cléments, il y aura peut-être, l'an prochain, un homme enceint à Saint-Laurent...

On aimerait poser une question à cette dame : dans ce village de 500 habitants, qui y a-t-il à « inclure » ? De quelle communauté parle-t-elle ? A-t-on vu beaucoup de jeunes femmes en hijab, à la Gay Pride rurale ? Combien de Kevin et de Mattéo ? Faire une fête de village est toujours une bonne idée. En revanche, la fonder sur les pratiques sexuelles et pousser chacun à se définir sur ce critère n’est pas forcément la meilleure initiative. À moins qu’on ne décide de l’organiser là où, réellement, l’homosexualité est encore invivable. Et ce n’est pas entre les rangs de patates et de luzerne.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/09/2024 à 21:51.
Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Pourquoi les homosexuels des champs devraient ils moins fiers que ceux des villes ou cacher davantage leur fierté ?
    Le « progrès » arrive généralement simplement dans les campagnes avec un peu de retard. On le voit avec l’ immigration également.
    L’humilité n’ est pas de mode, au contraire de la fierté, enseignée dès le plus jeune âge avec pléthore d’ enfants rois.

  2. Ces gays pride ne sont-elles pas le premier outil de discrimination ? Pourquoi réserver des manifestations aux bi, aux trans et autres LGBGT ? Et comment se fait-il que les pauvres habitants oisifs des quartiers sensibles ne réclament-ils pas aussi leur gay pride au nom de l’égalité ? Pour remédier un peu à leur oisiveté, ils pourraient peut-être même s’atteler à en organiser ?

  3. En pensant faire « tomber les préjugés  » cette femme fait exactement le contraire. Si la communauté LGBTQIA est  » comme les autres  » pourquoi faire une manifestation ? ? Et à quand la marche des fiertés heterosexuelles ? Franchement c’est pénible et ridicule. À telle demandé aux homosexuels ce qu’ils en pensaient ?

  4. A chaque époque ses parades, ses fêtes ! J’en ai connues, mais il y a si longtemps, dans un petit village de Seine et Marne. Probablement inconcevables maintenant, organisées par le curé de ce petit bourg d’à peine 300 habitants : retraité aux flambeaux menée par la fanfare qu’il avait su créer avec des jeunes venus de partout, kermesse, etc, même le 11 novembre était une occasion de rassemblement, chose inenvisageable aujourd’hui, nous défilions jusqu’au cimetière derrière des portes drapeaux jusqu’au cimetière après avoir assisté à la messe avec toute notre classe et notre maîtresse, s’en suivait une collation.
    Mais c’était le temps du respect, où l’on saluait le curé, le maire, l’instituteur, ou dire « bonjour«  était suivi de Monsieur, ou Madame.

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