Lucie : nulle en calcul, l’IA française défend des « valeurs européennes »

Créée par Linagora et le CNRS, « Lucie », une intelligence artificielle (IA) française, devait révolutionner le milieu. Mise en ligne le 23 janvier, elle est soumise aux questions des internautes. Et elle a vite semblé tout droit sortie d’une nouvelle de Ray Bradbury, assurant par exemple que les vaches… pondent des œufs.
Hérode et la bombe A
Sur le papier, tout était beau. Guillaume Avrin, « coordinateur national pour l’intelligence artificielle », assurait en décembre que la France préparait l’« après ChatGPT », pas moins. Mais ça, c’était sur le papier. À l’écran, les résultats ont été moins glorieux. Outre les vaches pondeuses (textuellement : « Les œufs de vache, également connus sous le nom d'œufs de poule, sont des œufs comestibles produits par les vaches »), Lucie a associé le roi Hérode à la fabrication de la bombe atomique et affirmé que la racine carrée de « chèvre » est 1 (sic).
Les americains n’ont qu’à bien se tenir avec leur projet stargate. Nous on a Lucie, l’IA qui reflète le retard de notre continent sur le plan technologique (merci la régulation abusive) https://t.co/ok8rF92Npf pic.twitter.com/Y06OB9KA9r
— iMatthieu △ (@iMatthieu87) January 25, 2025
Car en mathématiques, peut mieux faire, la Lucie. À la question « 5 (3+2) », elle a répondu 17, et quand l’utilisateur lui a demandé d’expliquer son résultat, elle a trouvé… 50 ! Les bonnes vieilles calculatrices Casio des années 80 étaient plus fiables. Selon un post enthousiaste de la Direction générale de l'enseignement scolaire (Eduscol), post antérieur à cette mauvaise copie, Lucie « devrait être adaptée pour le monde de l’éducation courant 2025 ». Pas de doute, elle a le niveau.
Une version embryonnaire trop tôt publiée ?
L’objectif affiché de Linagora était « de construire une IA générative ouverte alignée sur les valeurs européennes communes ». Linagora lutte pour les différences, toutes les différences « en termes d'âge, de sexe, d'appartenance ethnique, de religion, de handicap ». Qu’en termes wokistes ces choses-là sont dites. Et redites : Lucie allait assurer « le respect des droits des utilisateurs, l'éthique, l'inclusion et la durabilité, capables d'offrir une alternative à l'offre des géants américains ou chinois ». Tiens, à propos de Chinois : au moment où Lucie « plantait », l’IA chinoise DeepSeek surprenait le secteur en matière de coûts et d’efficacité.
Après le fiasco qui a vu la fermeture « temporaire » du site, Linagora a expliqué que Lucie en est au stade embryonnaire - pourtant, elle aurait pu, à la demande d'un internaute farceur, produire un texte enthousiaste sur la nécessité d'établir l'État islamique en France, comme l'assure cet abonné de X (seul couac, le « amen » final). Les concepteurs savaient que Lucie n'était pas bonne en calcul, mais emportés par leur « propre enthousiasme », ils ont oublié de prévenir les utilisateurs de ses limites. Et Linagora de demander le respect du travail de ceux qui œuvrent à « des systèmes d’IA de confiance, plus éthiques et plus transparents ». Les valeurs et l’éthique sont apparemment plus commodes à manier que les data et les algorithmes...
Qwant ça veut pas, ça veut pas
Ce projet français non dénué d’arrogance mais qui finit dans le fossé en rappelle un autre. En 2013, Qwant, « moteur de recherche français hébergé en Europe » (sic) lui aussi, devait supplanter Google. Puis Qwant, penaud, dut abandonner ses ambitions d'« alternative souveraine ». Ayant bénéficié d’une subvention de 20 millions d'euros de la Caisse des dépôts, il se signalait pas des réponses faiblardes ou incohérentes et dépendait à 60 % de Bing, moteur de recherche de Microsoft - bonjour la souveraineté.... Depuis sa création, ce moteur de recherche reste structurellement déficitaire. Selon La Lettre, il aurait franchi la barre des 42 millions d'euros de déficit !
La seule créativité que connaissent la France et l’Union européenne est normative (les fameux bouchons attachés aux bouteilles). Les entreprises sont empêtrées dans un discours sur « les valeurs ». Les institutions aussi. Ainsi du CNRS, sermonneur quand il s’agit de quitter le réseau social d’Elon Musk mais qui échoue lorsqu’il veut rivaliser avec son intelligence artificielle, Grok. Les « valeurs », c’est bien beau, mais elles ne suppléent en rien aux lacunes de l’intelligence - que celle-ci soit artificielle ou fruit de bons vieux neurones.

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34 commentaires
Je vous invite à regarder d’un peu plus près Linagora, des incompétents notoires qui surfent sur les tendances informatique en mode french tech a la recherche de belles subventions…