L’union des droites n’est pas un gros mot !

[...] il m'a semblé que la droite globalement entendue se laissait trop volontiers imposer par la pensée politique et médiatique de gauche ses limites, ses frontières, ses lignes jaunes et, au fond, jusqu'où elle avait le droit d'aller, la liberté de réfléchir et d'innover.

Au point d'en être elle-même déboussolée et de répugner à s'engager sur des territoires qui avaient été qualifiés d'interdits par ceux qui, pourtant, n'avaient aucune légitimité pour se mêler d'un projet qui ne les regardait pas.

Bien plus : à cause de ces diktats, la droite trouve en son propre sein des censeurs par avance de la moindre évolution, par exemple de la simple évocation d'une union des droites, comme si cette aspiration seulement formulée était en elle-même scandaleuse et ne méritait même pas d'être examinée sur un plan intellectuel, politique, culturel et social.

Parce que concrétisée, elle reviendrait à constituer un grand parti des droites avec un FN qui ne serait plus animé par l'obsession de faire extrémisme à part mais par le désir de s'arrimer à une structure classique de responsabilité et de liberté ? Par le fait que Sens commun, le nouvel épouvantail que la droite doit à toute force détester puisqu'on le lui commande, n'y serait pas hostile ?

Sur le premier point, il est clair qu'après "l'épuration" historique heureusement opérée par Marine Le Pen au détriment de son père et la révélation médiatique de la faiblesse politique et économique de la présidente du FN, le noyau dur de ce dernier - son socle demeure inchangé et se situe toujours à peu près à 21 % - n'est plus étranger à toute possibilité de rapprochement avec la droite de Laurent Wauquiez.

Sans compter que celui-ci a pour ambition d'attirer beaucoup d'électeurs du FN et que l'état de ce dernier ne rend pas absurde cette volonté.

Sur le second point, la droite devra-t-elle à perpétuité s'excuser de la vision qu'elle porte en la cachant sous la table démocratique, se flageller parce que l'identité d'un peuple et d'un pays est sa lancinante préoccupation et que l'islamisme, son grignotage au quotidien et ses crimes justifient ses angoisses, se repentir à cause des racines chrétiennes de la France et, plus généralement, accepter que tout ce qui fait sens, structure, cohérence, tradition et autorité soit avec désinvolture jeté dans les poubelles du temps ?

Derrière cette horreur trop partagée pourtant du seul concept - sans l'ombre d'une effectivité - de l'union des droites, je perçois que le christianisme invoqué, la religion chrétienne impliquée dans le bain du siècle et mêlée à la modernité pour en dénoncer les dérives ou la maintenir progrès véritable et qualité de civilisation représentent des adversaires qu'il convient de détester et que toute alliance qui les prendrait pour dénominateurs communs serait par elle-même malfaisante.

Je ne vois pas de meilleur - ou de pire - exemple qu'une analyse à charge de Sens commun par Mediapart mentionnant, avec des haut-le cœur, une phrase de Christophe Billan selon qui "on ne peut être français si on n'est pas spirituellement ou culturellement chrétien". Je n'aurais pas procédé à une telle assimilation, même alternative, mais il me semble que la répudiation systématique et provocatrice des racines chrétiennes de la France a pour rançon inévitable une surenchère dans l'autre sens.

Il y a l'insupportable christianisme mais aussi Marion Maréchal-Le Pen. Son absence et son silence sont tonitruants. Elle n'est pas apparemment présente dans ce débat, mais avec Robert Ménard, elle l'a rendu plausible, pertinent, de moins en moins sulfureux. Elle est infiniment dangereuse pour tous les adversaires de cette union car elle représente un lien possible, fort, structuré, cohérent, avec une pensée conservatrice qui n'a pas peur de questionner tous les totems et tabous de notre histoire, entre le FN de la tante sommairement partisan, pauvre sur le fond, et une droite enfin sûre d'elle, donc ouverte. Il a suffi à Billan de le laisser entendre allusivement pour qu'une tempête se lève : l'indignation étant proportionnée à la crainte de devoir admettre la pertinence, à terme, d'une telle évolution !

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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