[Santé] Fraude sociale : Attal vise les professionnels de santé et rate l’éléphant dans le couloir

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Ce mercredi 20 mars, le Premier ministre Gabriel Attal a réaffirmé, lors d’une conférence de presse, sa volonté de fusionner la carte Vitale et la carte d’identité pour freiner la fraude sociale. Cette opération aurait pour but de renforcer la sécurisation des numéros de Sécurité sociale. Gabriel Attal avait déjà porté ce projet lorsqu’il était ministre des Comptes publics. En 2023, la mesure n’avait pas été soutenue par les administrations (assurances, mutuelles). Et pour cause : les fraudes dues à l’usurpation d’identité ne constituent qu’une part très minime de la fraude, selon l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et l'IGF (Inspection générale des finances). Selon cette organisation, la majorité des fraudes « est le fait des professionnels de santé ». D'autre part, sur un plan plus technique, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), consultée à ce sujet, avait alerté sur les risques d’accès aux données de santé. Ce n'est pas tout : Gabriel Attal veut combiner « sa » fusion avec une dématérialisation, déjà mise en place pour le permis de conduire et la carte nationale d’identité. Dans le dossier de presse communiqué par le Premier ministre, on apprend que cela améliorerait le partage d’informations entre les services de lutte contre les fraudes...

« Un tour de bonneteau »

Sur la mesure très précise de la fusion entre la carte Vitale et la carte d’identité, Charles Prats, ancien magistrat et auteur du Cartel des fraudes (Ring), dénonce dans les pages du Figaro « un tour de bonneteau » : « Cette fusion, dont le ministère de l’Intérieur ne semble pas vouloir », ne pourrait être mise place qu’à l’horizon des quinze prochaines années, « alors que c’est aujourd’hui qu’il y a urgence ». Pour lui, les mesures et les ambitions annoncées sont trop faibles et ne permettent pas une réforme d’ampleur pour remédier à la situation critique des prestations sociales. Pour autant, l’ancien magistrat ne rejette pas d’un revers de manche l’intégralité des mesures annoncées. « Le plan Attal, qui comporte par ailleurs quelques mesures techniques intéressantes, laisse un goût d’inachevé », déplore-t-il.

Plus d’assurés que d’habitants en France

Les fraudes sociales sont bien moins conséquentes que les fraudes fiscales. Pourtant, la fraude aux prestations sociales représente tout de même entre 6 et 8 milliards d’euros par an, selon la Cour des comptes. Mais ce chiffre est considéré comme largement sous-évalué par Charles Prats. Les causes de ces fraudes sont multiples. Parmi elles, l’absence de déclaration de la présence d’un conjoint ou du départ d’une personne à charge, l’absence de séjour régulier ou de résidence stable en France, le détournement des prestations par usurpation de l’identité de leur bénéficiaire. Dans son plan général de lutte contre les fraude sociales, Gabriel Attal cible surtout les professionnels de la santé : « Dans 70 % des cas, la fraude est à l’initiative d’un professionnel de santé par surfacturation ou par facturation d’actes fictifs », dit-il. Faux, affirme Charles Prats. Pour le magistrat spécialiste de la question, la principale fraude en volume, « c’est la question de l’immatriculation et la prise en charge de millions d’assurés sociaux qui n’y ont pas droit ou qui ne sont pas censés exister ». Il affirme dans son ouvrage que cinq millions de cartes Vitale litigieuses circulent sur le territoire. Il rappelle sur son compte X, que 73,1 millions d’assurés sociaux sont pris en charge… alors que la France compte 67,8 millions d’habitants. L’IGF et l’IGAS ne donnent pas d’explications de cet écart. Il y a manifestement un éléphant dans le salon et le gouvernement se contente de cacher la poussière sous le tapis.

Raphaelle Claisse
Raphaelle Claisse
Journaliste stagiaire à BV. Etudiante école de journalisme.

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Lors d’un dîner, ma charmante voisine m’apprend qu’elle vient de prendre sa retraite de la caisse de retraite de la sécurité sociale ou elle était administratrice, je saute…. sur l’occasion pour lui demander les modalités de contrôle en Afrique, surtout du nord, des retraités : aucun contrôle sur place, pas de convocation, juste une attestation de la famille, sans rire, ou du maire de la commune, avec « bakchich », autant dire de l’argent jeté par les fenêtres et une mise en danger de nos paysans, excepté que la MSA n’a pas de retraités « off shore ».

  2. Cette comptabilité selon l’âge est du n’importe quoi.
    Certains se revendiquent (ayant plusieurs identités) mineurs selon les situations qui les arrangent.

  3. Historique ! En 1974, Charles Pasqua a fait passer un projet appelé « safari » pour numéroter les permis de conduire avec les numéros INSEE (appelés numéros de Sécurité Sociale). Ca a duré seulement quelques mois mais mon permis a eu ce fameux numéro, ce qui étonnait beaucoup chaque fois que je devais le montrer.

  4. Plus de cinq millions de cartes vitales zombies en circulation , des millions d’euros de soins et de consultations remboursés frauduleusement , et pendant ce temps , l’honnête assuré se voit infliger de plus en plus de médicaments non remboursés . Et il faut ajouter l’AME , gigantesque pompe aspirante à migrants .

  5. Nous suggérons la création d’un nouveau ministère avec Charles Prats à sa tête : le Ministère de la Grande Fraude. Avec les pleins pouvoirs ! Un spécialiste qui connaît ses dossiers ! N’est-ce pas Bruno et Mozart ?

  6. À l’hôpital, à la clinique, la demande de ma carte d’identité est régulièrement demandée, ne serait-ce pas le cas pour tout le monde ?
    Encore une mesure qui cache d’autres aspirations sous couvert de « bons sentiments » !
    Ils savent très bien où se situent les fraudeurs, alors qu’ils fassent leur boulot au lieu de nous enquiquiner !

  7. Certes, 73,1 – 67,8 = 5,3 millions de cartes vitale en trop, mais sur les 67,8 millions d’habitants, je suppose que sont inclus toutes les personnes de 0 à 18 ans, qui sont pris en charge à la sécu par la carte vitale de leurs parents ; il y a donc vraissemblablement plus que 5,3 millions de cartes vitale en trop.

  8. Attal devrait regarder plus souvent les réseaux sociaux ou une certaine population donne la recette pour frauder notre système social et tout cela sans impunité aucune.

  9. Vouloir faire, c’est bien, mais faire, c’est mieux. Quand Alain Juppé a créé la carte vitale, tout le monde savait qu’il fallait y apposer la photo du titulaire mais cela aurait coûté plus cher, alors, faute de courage politique, on a fait sans photos et cela a entraîné la fraude et depuis, on meurt d’envie mais on fait rien, toujours rien; c’est pas grave ce sont les honnêtes citoyens qui règlent la facture…

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