Lutte contre le trafic : la douane française sauve deux trésors nationaux

Deux objets rares, témoins de notre Histoire, ont été préservés grâce à une saisie exemplaire des autorités françaises.
Capture d'écran YT Douane
Capture d'écran YT Douane

La protection du patrimoine culturel est l’une des missions essentielles des autorités françaises, notamment de la douane, qui joue un rôle clef dans la lutte contre le trafic illicite de l’héritage des peuples. Ainsi, ce 1er avril 2025, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) a restitué à la Bibliothèque nationale de France (BnF) deux objets dont la nature ou la taille pourrait faire penser qu’ils sont insignifiants, mais dont l’histoire, la rareté et l’ancienneté en font pourtant des biens historiques inestimables pour notre pays.

 

Un petit sou pour l’Humanité, un grand trésor pour l’Histoire

Parmi les deux objets confiés à la BnF figure un sou d’or datant du règne de l’empereur Charlemagne. Cette monnaie, bien que de petite taille (24 mm), est particulièrement rare et appartient à une période cruciale de l'Histoire européenne : celle de la renaissance carolingienne et de la consolidation d'un empire chrétien en Occident. Selon la DNRED, il n’existe que quatre exemplaires connus de ce type de monnaie, dont un fait déjà partie des collections de la Bibliothèque nationale de France. Selon les historiens, elle fut frappée à Uzès, dans le Gard, entre 768 et 814, et se distingue par la finesse de sa frappe ainsi que par la présence d’un monogramme inédit.

Apparu lors d’une mise aux enchères en 2018 au prix de 20.000 euros, le sou fut identifié comme provenant d’une fouille illicite et non déclarée. Le chasseur de trésor ayant découvert cette pièce, pratiquant régulièrement la détection de métaux, fit alors l’objet d’une citation directe en Justice. Cependant, il fallut attendre le 3 avril 2024 pour que la cour d’appel de Lyon prononce la confiscation définitive de ce solidus d’or avant que la DNRED ne le remette symboliquement à la BnF, ce 1er avril 2025.

Un symbole de l’avènement de la cartographie française

L’autre objet restitué est une mappemonde murale imprimée à Paris vers 1660. Restaurée et numérisée dans Gallica, cette carte est un objet rarissime, car il s’agit de la deuxième carte murale du monde publiée en France, après celle de Guillaume Postel en 1581. Aujourd’hui, seuls quatre exemplaires de ce type ont été recensés, dont trois se trouvent à l’étranger. Malheureusement, les historiens n’ont pu identifier ni l’auteur de la cartographie, ni le graveur de cet exemplaire. Cependant, ce dernier a été rehaussé de couleurs et complété d’une « Description géographique du globe terrestre » imprimée en marges de la carte par le géographe du roi, Pierre Duval. Sur le plan cartographique, elle présente la « nouvelle et exacte description géographique et hydrographique de la terre universelle diligemment recueillie sur plusieurs relations des plus fidèles voyageurs de notre temps ». En Asie, elle mentionne ainsi les premiers voyages néerlandais en Nouvelle-Guinée et le long des côtes de l’Australie, surnommée alors Nouvelle-Hollande. En Amérique du Sud, elle signale également la découverte du passage de Brouwer en 1643 qui, à l’instar du détroit de Magellan, permet de contourner l’Amérique.

Cette carte du monde revêt une grande importance pour le patrimoine national, car elle illustre l’avènement, au milieu du XVIIe siècle, d’une édition cartographique française originale dans un marché européen jusqu’alors dominé par les productions flamandes et hollandaises. Cet objet préfigure ainsi le rayonnement de la cartographie française sous l’impulsion de l’Académie des sciences.

C’est pourquoi la carte fut interceptée par la 4e division d’enquête de la DNRED en 2007, alors qu’elle quittait illégalement le territoire national sans autorisation du ministère de la Culture afin d’être vendue par une galerie parisienne en Allemagne. Confiée initialement en octobre 2012 à la BnF, la mappemonde fut restaurée mais ne fut jamais remise officiellement jusqu’à ce jour.

 

 

Le rôle de la DNRED

On peut ainsi se réjouir que ces biens précieux soient restés en France. Selon la DNRED, « le patrimoine appartient à tous, il s’agit d’un bien public auquel n’importe quel citoyen doit pouvoir avoir accès. Le trafic illicite de biens culturels prive le public de la connaissance de son patrimoine et de sa culture. » C’est pourquoi une législation encadre strictement les activités de fouilles archéologiques afin de protéger nos trésors culturels. Par exemple, l'utilisation de détecteurs de métaux à des fins de recherche archéologique nécessite une autorisation préalable de l'État. De plus, toute découverte fortuite d'objets archéologiques doit être déclarée à des autorités compétentes, comme la mairie ou la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Le non-respect de ces dispositions constitue une infraction passible de sanctions pénales.

Depuis 2020, les services douaniers français ont réalisé 208 constatations en matière de trafic de biens culturels et ont pu saisir 118.030 biens culturels, comprenant notamment des œuvres de l’Antiquité gréco-romaine, mais aussi des tableaux, des peintures, des dessins, des monnaies, des statues, des archives ou encore des meubles.

Ces actions illustrent l'engagement des autorités françaises, et en particulier de la DNRED, dans la protection de notre patrimoine culturel contre ceux qui voudraient le dilapider et le vendre au plus offrant. La restitution du sou d’or de Charlemagne et de la mappemonde du XVIIe siècle à la BnF témoigne ainsi de l'efficacité de ces mesures et de l'importance des services de douanes afin de « préserver, présenter et partager au plus grand nombre la richesse et la diversité de notre patrimoine ».

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

8 commentaires

  1. « le sou fut identifié comme provenant d’une fouille illicite et non déclarée ». Je n’ai donc pas le droit de retourner mon lopin de terre et y trouver une pièce, fut elle rarissime, sans avoir à déclarer ce retournage. Idiot et bien français. J’avoue que si je trouvais une telle pièce, je la garderai et la vendrai sous le mateau à un collectionneur étranger tellement la France est un enfer pour ceux qui trouvent (dans tous les domaines).

    • Ce qui se trouve dans le sous-sol de votre jardin ne vous appartient pas, car si tel était le cas à quelle profondeur votre droit de propriété s’arrêterait-il: 10 mètres ? 100 mètres ? 1000 mètres ?
      Vous pourriez ouvrir une carrière ou forer du pétrole.

      • désolé de vous contredire mais la loi dit tout le contraire.si vous procédez a une fouille sur votre terrain tout ce que vous trouvez vous appartient en totalité,et si les fouilles sont effectuées par l’administration sur votre terrain les trouvailles vous appartiennent pour moitié.si en tant que particulier vous effectuez une fouille sur terrain d’autrui les trouvailles demeurent la propriété du propriétaire du terrain.quand a la profondeur c’est pareil il n’y a pas de limites sauf que les cas que vous citez sont soumis a déclaration pour raisons environnementales.

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