Lyon : le maire écolo pris dans la surenchère des rues débaptisées…

grégory doucet

Grégory Doucet, maire de Lyon, avait un CV impeccable, sur le papier. Élu par les bobos du centre-ville, les antifas et les racailles de la Guillotière, il avait pris toutes les positions politiques nécessaires pour effectuer un mandat satisfaisant. Laxiste dans le domaine de l’insécurité, opposé à l’armement de la police municipale, partageant les vues de Sandrine Rousseau sur la déconstruction de la masculinité toxique, il avait tout pour plaire. Cerise sur le gâteau, il venait de prendre la décision de débaptiser la rue de l’Abbé-Pierre, située dans le IXe arrondissement de la capitale des Gaules, à cause des révélations sordides sur le héros de l’hiver 54. Plutôt inspiré, pour le coup. Un sans-faute, en somme.

Hélas, trois fois hélas, le maire de Lyon a ainsi ouvert la porte à une surenchère mémorielle qui le dépasse sur sa propre gauche. Manœuvre audacieuse, parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’espace. C’est une association de victimes qui s’y colle, puisque ce sont aujourd’hui les victimes qui font la pluie et le beau temps. Cette fois, il s’agit de l’Union algérienne, qui se prétend représentative de la diaspora en France. Cette « assoce » vient de porter plainte contre l’édile pour apologie de crimes de guerre… parce qu’il n’a pas encore débaptisé la rue du Maréchal-Bugeaud (Lyon VI). On rappelle que le maréchal Bugeaud, colonisateur de l’Algérie, s’est fait connaître par ses enfumades de grottes (et par une chanson sur sa casquette, bien sûr) et qu’il n’a pas laissé un excellent souvenir, là-bas. Par ailleurs, la rue Bugeaud se trouve être parallèle à la rue qui abrite le consulat d’Algérie à Lyon. D’aucuns appelleraient ça l’ironie du sort. L’Union algérienne, pour ce qui la concerne, a l’intention de conjurer le mektoub : tant que la rue Bugeaud ne sera pas débaptisée, elle ne retirera pas sa plainte. Solution de rechange proposée - ou plutôt imposée - par ce groupe de pression communautaire : donner à la rue Bugeaud le nom de Camille Blanc, maire d’Évian, opposé à la guerre d’Algérie et assassiné par l’OAS en 1961.

« La jurisprudence est claire », dit l’Union algérienne : « présenter des criminels sous un jour favorable revient à faire l’apologie de leurs crimes. La très nombreuse communauté franco-algérienne de la région lyonnaise mérite dignité et respect et nous sommes résolument engagés à faire valoir leur droit par tous les moyens nécessaires ». On peut s’arrêter deux secondes sur cette phrase qui contient au moins deux éléments intéressants : d’abord, merci de convenir que la communauté franco-algérienne de la région lyonnaise est « très nombreuse ». Même si les statistiques n’existent pas, c’est bien ce qu’il nous semblait avoir remarqué. Ensuite, l’usage de « tous les moyens nécessaires » est lourd de sous-entendus. On ne peut pas ne pas penser à Maurras et à son recours à « tous les moyens, même légaux ». Entre les lignes, ce n’est pas uniquement de guérilla judiciaire qu’il est question, et tout le monde l’a très bien compris. La communauté algérienne, de gré ou de force, est présentée comme un lobby puissant par cette association, dont la revendication est un bras de fer à effet de cliquet. Si Doucet refuse, il perd son vernis progressiste. S’il accepte - et comment n’accepterait-il pas ? -, il met le doigt dans l’engrenage.

C’est à lui que revient désormais la décision. On se doute de la manière dont cela va se terminer : Anne Hidalgo a déjà débaptisé sa propre avenue Bugeaud pour lui donner - très habilement - le nom d’Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération. Grégory Doucet ne devrait pas opposer beaucoup de résistance. La résistance, d’ailleurs, n’a jamais été le fort de ces gens.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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