Ma sorcière bien-aimée

sorcière

Sensible au sort des femmes de tous les temps et de tous les pays, Marlène Schiappa a cosigné récemment une tribune, avec 200 femmes, réhabilitant la figure décriée de la sorcière afin de promouvoir les droits des femmes. Originaire de Corse, amoureuse de la magie, notre Olympe de Gouges ne partagerait-elle pas, elle-même, ce je-ne-sais-quoi de « drôle et de poétique » propre aux sorcières des temps modernes telles que l’évoquait le manifeste W.I.T.C.H. en 1968 ?

La figure de la sorcière ne remonte pas au Moyen Âge mais à la Renaissance qui remet non pas l’Homme mais l’homme au centre du monde. Autrement dit : le mâle dominant. Qui sont ces sorcières ? Des femmes non mariées, veuves, sans enfants. Mais, comme elles sont aussi sages-femmes et guérisseuses, donc détentrices d’un savoir, si elles sont nécessaires à la société, elles sont également marginalisées. D’où un statut victimaire ambigu auquel se devait de remédier notre secrétaire à l’Égalité.

C’est à la Renaissance, avec l’imprimerie, l’écriture juridique, la société civile, que commencent les procès. Les temps modernes inaugurent la rivalité dans le travail entre les hommes et les femmes. Maillon faible de la société, les sorcières paient donc le prix fort : on les diabolise pour les supprimer. On comprend dès lors la réhabilitation des sorcières dans un contexte moderne féministe : victimes de misogynie, les sorcières représentent la révolution anthropologique postmoderne. Cette lecture sociétale des contes a tout pour plaire.

Né en 1968, sous la forme d’un « théâtre guérilla », le « Women’s International Terrorist Conspiracy for Hell » dit que les sorcières sont « drôles et politiques, excitantes et courageuses, agressives, curieuses, intelligentes, non conformistes, indépendantes sexuellement donc révolutionnaires ». Elles sont contre l’institution déshumanisante du mariage et contre la maternité. La littérature abonde sur le sujet dont celle de Mona Chollet et d’Eliane Viennot, ardente militante de la féminisation de nos mots. Car la « sourcière » moderne ne refuse que la maternité à l’ancienne : la loi biologique et l’altérité sexuée. Sans chercher dans cette tribune une manipulation païenne, voyons qu’il y a une loi sociétale à imposer et qu’il reste des stéréotypes littéraires à déconstruire dans les jeunes esprits, pour le service de la cause féministe.

Réhabiliter les sorcières, c’est agir sur le monde enfantin dont, en premier, celui des « mamans » qui emmaillotent leur enfant d’un tee-shirt représentant un squelette. Halloween 2019 fut un record de laideur. Surtout, dire que la sorcière est une femme libérée, audacieuse, rebelle libère la petite fille des stéréotypes sociétaux. L’important ? Inverser les signes pour un monde dégenré, sans bien ni mal, sans poésie.

Bientôt, la Belle sera réveillée par sa Sorcière bien-aimée. Il suffit de changer le pronom final de la dernière phrase du conte : « Elles se marièrent, furent heureuses et eurent beaucoup d’enfants. »

Tout le monde a vu une recrudescence de Halloween sous la forme la plus laide. Les sorcières sont de retour. Alors, du balai !

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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