Macron à Berlin : le retour du pangermanisme ?
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Une fois encore, un Président français s’en va à Berlin pour tenter d’approfondir l’axe franco-allemand et remettre la construction européenne sur les rails. Une fois de plus, on a entendu les mêmes incantations rituelles. Et, comme à chaque fois, notre puissant voisin continue de faire tel qu’il l’entend après avoir fait semblant de nous entendre. La visite d’Emmanuel Macron à Angela Merkel ne fait pas exception.
Si Nicolas Sarkozy jouait la carte de l’énergie, François Hollande celle d’une possible union des pays méditerranéens susceptible de rééquilibrer nos rapports avec l’Allemagne, Emmanuel Macron pensait, lui, profiter de la mauvaise passe traversée par la chancelière, fragilisée par les récentes vagues migratoires, la percée électorale de la très populiste AfD et un énième gouvernement de coalition qu’elle a eu toutes les peines du monde à mettre sur pieds : rien n’y a fait.
Il tente pourtant de poser les problèmes de fond – quid de l’avenir de l’Europe ? – en termes des plus diplomatiques, prudence oblige : "Il ne s’agit pas de discuter de tels ou tels instruments mais des finalités que nous avons." La réponse d’Angela Merkel, cinglante, tient en ces quelques mots sibyllins : "Nous devons mieux articuler responsabilité et solidarité." Ce qui veut dire, en clair, que l’Allemagne refuse de payer davantage pour les autres pays et qu’on voit mal, surtout, qui pourrait lui tordre le bras.
Éric Zemmour, sur RTL, rappelait il y a peu cette phrase d’Henry Kissinger : "L’Allemagne est trop grande pour l’Europe et trop petite pour le monde." Tout est dit. L’axe franco-allemand est un concept français, remontant à l’après-guerre, quand l’Allemagne était en passe de devenir un géant économique tout en demeurant un nain politique ; elle est aujourd’hui géante en ces deux domaines, tandis que l’union en question fait de plus en plus figure de couple à la Dubout.
Alors, une Europe politique ? Oui, celle de la politique allemande qui tient les autres pays européens pour de simples sous-traitants lui permettant d’exporter ses produits sur l’ensemble de la planète. Une Europe de la défense ? Mais pour quoi faire, sachant que l’OTAN et les USA la protègent et ne lui coûtent rien. La France qui se bat en première ligne, en Orient et en Afrique contre Daech, cet ennemi commun ? Fort bien, mais qu’elle en assume le coût financier. Même Daniel Cohn-Bendit, dont l’européisme n’est pas de façade, s’indignait de cette situation et stigmatisait l’égoïsme d’outre-Rhin.
Pourtant, en 2003, mieux qu’une Europe politique, un axe Paris-Berlin-Moscou avait commencé à voir le jour, grâce à Jacques Chirac, Gerhard Schröder et Vladimir Poutine, alors que, pour la seconde fois, les USA s’apprêtaient à écraser l’Irak sous un tapis de bombes. À l’époque, la Maison-Blanche avait proféré cette menace lourde de sens : "Il faut ignorer l’Allemagne, pardonner à la Russie et punir la France." La suite des événements n’a pas fait mentir ces mots, ce, d’autant moins que dans le même temps, Washington, qui exerce une pression maximale sur Moscou, empêchait, de fait, la création d’un autre couple autrement plus dangereux à ses yeux, celui qui unirait Berlin et Moscou, seul à même de bousculer son leadership mondial.
Nombre de conseillers de l’Élysée n’ignorent, évidemment, rien de ces rapports de force et de ce qui se trame en coulisses. Ont-ils l’oreille d’Emmanuel Macron ? Sûrement. Mais les écoute-t-il vraiment ? Rien n’est moins sûr.
Il est vrai que « pur produit du Système », Alain Minc dixit, le jeune Président persiste à envisager l’Europe comme un seul espace de libre-échange économique hors-sol, sans identité enracinée, sans véritable passé et, donc, sans réel avenir. Cela ne semble pas être le cas de son homologue qui, elle, sait le poids de l’Histoire et du temps long.
Le pangermanisme a, décidément, encore de beaux jours devant lui.
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