Macron attribue la Légion d’honneur au président égyptien : une médaille en chocolat ?
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Encore une polémique à propos de la Légion d'honneur ! Le président égyptien, dans le cadre de sa visite d'État, s'est vu élever par Emmanuel Macron à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. En toute discrétion, mais l'entourage d'Al-Sissi s'est empressé de diffuser une photo de la cérémonie. Imaginez les protestations chez les défenseurs des droits de l'homme ! C'est qu'en la matière, il ne passe pas pour un petit saint.
L'Élysée, comme pour se justifier, présente cette pratique comme « systématique », précisant que « c’est un exercice imposé qui relève des règles protocolaires – au même titre que le nombre de drapeaux ou la présence des chevaux de la Garde républicaine – en vigueur lors des visites d’État des chefs d’États étrangers ». Il est vrai que des autocrates célèbres, comme Mussolini, Franco, Ceaușescu ou, plus récemment, Mouammar Kadhafi ont été admis à cette distinction.
Pas de quoi s'indigner, puisque cette coutume est entrée dans les mœurs et ne signifie plus rien aujourd'hui ! Tout au plus peut-on regretter que cet ordre prestigieux, fondé par le Premier consul Bonaparte pour récompenser les mérites des citoyens, tant civils que militaires, se soit ainsi dévoyé. Il est vrai qu'il était lucide sur la vanité qui fait courir certaines personnalités après cet honneur et qu'il y voyait un moyen de les obliger : « On appelle cela des hochets ! Eh bien ! c’est avec des hochets que l’on mène les hommes. »
Inutile de polémiquer autour de l'attribution de cette distinction au président égyptien. Il conviendrait plutôt de se demander pourquoi Macron ne l'a pas crié sur les toits. Penserait-il, comme Tartuffe, que « le mal n'est jamais que dans l'éclat qu'on fait », que « ce n'est pas pécher que pécher en silence » ? À moins qu'il ne trouve quelque bénéfice à flatter un chef d'État, somme toute, peu recommandable ? Il pourrait, paraît-il, être un allié dans la lutte contre le terrorisme. Mais c'est surtout un client privilégié de la France en matière d'armement. Voilà qui lui vaut tous les mérites du monde.
D'aucuns, avec malice, font remarquer que cette tradition reste facultative, soumise à l'appréciation du président de la République. Il faut croire que Macron a une bonne opinion d'Al-Sissi. Il sait choisir ses amis, en fonction de l'intérêt qu'il estime y trouver. Il avait, en revanche, engagé une procédure de retrait de la Légion d'honneur contre le président syrien Bachar el-Assad, honni par une grande partie de la communauté internationale. Mais la procédure n'est pas allée jusqu'au bout : Bachar el-Assad, prenant les devants, l'a retournée à l'envoyeur, après la participation de Paris aux frappes contre la Syrie. Une sorte de pied de nez au locataire de l'Élysée !
La Légion d'honneur, pour retrouver ses lettres de noblesse, devrait sans doute renouer avec ses origines et n'être attribuée qu'aux personnalités, notamment militaires, qui, de leur vivant, ont vraiment mérité de la nation ou se sont sacrifiées pour elle, comme nos soldats au Mali. Pour le reste, laissons conclure Geneviève de Fontenay qui, apprenant qu'elle pourrait être promue chevalier, eut ce mot plein de bon sens : « C’est vraiment désacraliser le ruban que de le distribuer à n’importe qui… comme des médailles en chocolat. »
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