Macron avait promis aux agriculteurs : cinq engagements (très peu) tenus

© Samuel Martin
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Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale

Fortement chahuté lors de sa visite marathon au précédent Salon de l’agriculture, le samedi 24 février 2024, Emmanuel Macron avait pris cinq engagements vis-à-vis des agriculteurs. Un an plus tard, nous avons voulu savoir s’ils ont été tenus, complètement, partiellement ou... pas du tout. Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale, a accepté de les passer au crible pour BV.

Engagement n° 1 : la trésorerie

Il était urgent de permettre aux agriculteurs les plus en difficulté de tenir le coup, des centaines d’entre eux étant menacés de faillite à court terme. Le Président avait donc promis un plan de trésorerie d'urgence. Promesse tenue ? « On va dire que la promesse a été partiellement tenue, estime Christian Convers. Il y a quand même eu quelques avancées dans une période vraiment difficile, avec une crise économique, après une crise sanitaire qui avait été très compliquée pour le monde agricole. L'État est intervenu, mais les aides n'ont pas encore été toutes apportées au niveau des exploitations, et même très partiellement. »

Engagement n° 2 : les prix

Le second engagement concernait les « prix planchers » et devait mieux prendre en compte les indicateurs de production. Y a-t-il eu un progrès sur ce point ? « Non, même lui, quand il l'a dit, je ne sais pas s'il y croyait, avance le secrétaire général de la Coordination rurale. Le ministre [Marc Fesneau] était à côté de lui. Quand on a vu son étonnement, on a bien compris que ça serait quelque chose de très compliqué à mettre en place. » Les discussions continuent... « Aujourd'hui, on est en négociations commerciales, poursuit Christian Convers. On va dire que les prix planchers, même nous, on n'y croit pas. On ne peut pas avoir des prix planchers et continuer ce commerce international sur les bases qui sont les siennes aujourd'hui. Donc, on mettra les prix plancher qu'on veut en France. Si on nous laisse avec cette concurrence internationale complètement déréglée, on ne produira plus. »

Engagement n° 3 : la reconnaissance

Emmanuel Macron s'est engagé à « reconnaître notre agriculture et notre alimentation comme un intérêt général majeur de la nation française. Ce sera inscrit dans la loi, ce qui permettra de protéger notre agriculture de manière ferme et solide », assurait le président de la République. Résultat : des avancées, mais le syndicat reste sur sa faim. « Ces propos-là nous conviennent très bien, admet Christian Convers. La Coordination rurale a toujours demandé l'exception agriculturelle, l'exception agricole (pour comparer avec la culture), donc une certaine protection. Et cela a été inscrit dans la loi. Promesse en grande partie tenue. Mais cela reste un engagement. Il faudra qu'il soit suivi d’effets. » Quant à la souveraineté alimentaire, pas vraiment le point fort de la Macronie, le chantier reste grand ouvert... « L’exemple du poulet est significatif et très parlant, explique l'agriculteur. On achète plus de 50 % du poulet à l'extérieur, aujourd'hui. Or, il est produit avec des règles complètement différentes de celles qu’on nous impose, et complètement déloyales. » Grand thème des révoltes agricoles d'il y a un an, la distorsion de concurrence entre l'agriculture française ployant sous les normes et ses concurrentes n'a, elle, pas bougé. « 90 % des produits importés ne correspondent pas à nos normes et ne sont pas contrôlés, tranche Christian Convers. Chaque fois que les règles sont faussées, c’est un secteur de production qui recule. Donc, les mots, c'est bien ; les actes, c'est mieux. »

Engagement n° 4 : les pesticides

Emmanuel Macron voulait éviter qu'un pesticide ne soit interdit en France avant le reste de l'Union européenne pour éviter les distorsions de concurrence. Pour cela, il voulait que « l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) reste calée sur le calendrier européen et, donc, ne décrète pas d'interdiction en France de produits qui resteraient autorisés chez les voisins, comme cela a pu être le cas pour plusieurs pesticides, ces dernières années. » Est-ce que des mesures concrètes ont été prises ? « Il avait dit "pas d'interdiction sans solution", dit Christian Convers. On ne retire pas une molécule sans solution pour les agriculteurs, sinon, on les laisse devant une impasse totale. » Or, « cette année, on continue de retirer des produits en France, alors qu'ils sont autorisés en Europe et ailleurs, tempête Christian Convers. C'est bien gentil, de faire des propos d'estrade dans des moments difficiles, mais là, rien ne s'est passé, même de façon partielle. »

Engagement n° 5 : le droit à l’erreur

Emmanuel Macron promettait d'étendre le « droit à l'erreur au monde agricole, ce qu'on n'a pas réussi à faire jusque-là, en raison notamment des restrictions liées aux droits de l'Union européenne et aux normes environnementales ». Il évoquait même une proposition de loi de la députée LR Anne-Laure Blain qui allait dans ce sens… « Dans le propos, tout le monde est d'accord pour dire qu'on ne peut pas continuer avec une complexité pareille en termes de réglementations et de contrôle, en termes d'application. » Il faudrait donc simplifier tout ça. « Oui, mais ils ne savent plus faire, se désole Christian Convers. Et ils sont dans l'obligation d’appliquer des textes qui complexifient encore, au niveau national, des réglementations européennes déjà compliquées. » Le droit à l'erreur ne résout donc pas tout. « C’est bien, mais parfois, vous ne savez même pas que vous êtes dans l'erreur. C'est ça, la complexité. Et les agriculteurs se braquent donc contre certains organismes de contrôle parce qu'ils savent qu'à la fin, ils peuvent avoir une pénalité qui peut être dramatique. » Les agriculteurs sont donc, en quelque sorte, présumés coupables... « On nous compare quasiment à des délinquants… Si les délinquants travaillaient autant que nous, je pense que ça se passerait bien, dans la société. Que l’on sanctionne de vrais abus, oui, mais pas des broutilles. »

Des menaces toujours présentes, Mercosur et Ukraine

Les agriculteurs attendent surtout (toujours...) des paroles fortes sur deux menaces vitales : le Mercosur et l'Ukraine. « Le Mercosur, tous les agriculteurs comprennent ce que ça veut dire. On va ouvrir un peu plus nos frontières avec des produits qui vont être importés chez nous et dont les normes ne correspondent en rien aux nôtres. L'agriculture n'a pas besoin de ça. » Les agriculteurs redoutent, enfin, l'offensive qui viendra, demain, des immenses capacités de production de l'Ukraine. « C'est l'autre grosse inquiétude, actuellement. Si l'Ukraine entre dans l'Union européenne, ce sera sous quelles conditions ? Avec quelles règles ? » Alors que s’ouvre, ce 22 février, le Salon de l’agriculture 2025, les chantiers ne manquent pas pour un monde agricole plus que jamais inquiet pour son avenir.

Vos commentaires

3 commentaires

  1. MACRON SALON AGRICULTURE

    Il est étonnant que les media et journalistes de tous bords recueillent encore la parole de Macron comme si elle était divine.
    Entre ce qu’il dit, ce qu’il a pense, ce qu’il pense réellement, ce qu’il a dit qu’il pensait, ce qu’il dit qu’il va faire, ce qu’il dit qu’il pense qu’il va faire, ce qu’il ne fait pas qu’il a dit qu’on verrait plus tard et ce qu’il fait réellement de ce qu’il a dit qu’il ferait (ou rien) il n’y a qu’un trait commun : tout cela n’est que piègeac…
    Dans tout cela s’y retrouve-t-il, d’ailleurs ?

  2. sauf erreur l’ukraine exporte en UE sans droit de douane, quand au Mercosur, hormis que ces produits continueront de détruire nos organismes (hier il y avait du raisin du Pérou chez leclerc) ce traité développera en même temps le trafic de drogues en tous genres, puisqu’il augmentera le trafic UE- AMSUD, dommage que nos amis agriculteurs crioient encore au Père Noêl, surtout si c’est tartarin de l’Elysées, depuis 8 ans il promet mais ne fait pas, roulez des mécaniques ça il sait faire, mais après on attend toujours et c’est dans tous les domaines hélas.

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