Macron en Chine : il est interdit de rire !

À l’occasion de ce nouveau rendez-vous, la France part perdante de fait.
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Pour la seconde fois, Emmanuel Macron se rend en visite officielle dans l’empire du Milieu. Dans son emploi du temps, les antiennes habituelles : les contrats commerciaux et les droits de l’homme. Les premiers, s’ils doivent être signés, ne se feront pas forcément au profit d’une France déclinante et d’une Europe ne répondant même pas à l’abonné que vous avez demandé… Les seconds ne sont qu’habillage de circonstance.

Le Tibet ? Cette sorte d’Alsace-Lorraine chinoise, l’Occident l’a depuis longtemps passé en pertes et profits. Hong Kong ? Tant que les médias occidentaux persisteront à qualifier les manifestants de cette enclave, scorie de l’Histoire et verrue colonialiste, de « militants pro-démocratie », alors qu’ils ne sont que « anti-Pékin », le dialogue ne pourra demeurer qu’échange plus ou moins courtois entre sourds et aveugles.

À l’occasion de ce nouveau rendez-vous, la France part perdante de fait. Car il est loin ce temps où, racisme patelin aidant, la Chine était considérée comme atelier du monde, consubstantiellement condamnée à usiner des produits bas de gamme, fabriqués par des esclaves de là-bas à destination des chômeurs d’ici.

C’était le théorème de David Ricardo, philosophe libéral et anglais, d’il y a maintenant deux siècles, qui estimait que, « doux commerce » aidant, les nations se répartiraient selon leurs potentiels respectifs en matière de production industrielle. De manière pour le moins paradoxale, les Soviétiques, tout aussi nigauds, ont repris, à leur manière, le bréviaire en question.

Ainsi, il fallait, avant la chute du mur de Berlin, pour fabriquer une Trabant - bijou communiste automobile qu’on sait -, que la carrosserie soit exécutée en RDA, tandis que les pneus le seraient en Tchécoslovaquie, les clignotants en Bulgarie et l’allume-cigarettes en Hongrie. Deux à trois ans d’attente pour ce semblant de véhicule n’ayant de voiture que le nom, on sait ce qu’il advint de ce modèle économique.

Les mêmes idéologues naïfs – les intellectuels libéraux ont souvent tendance à oublier que l’Histoire, tragique par nature, n’a que faire de leurs brillantes constructions intellectuelles – paraissent être, aujourd’hui et malgré leurs errements, aux commandes de notre diplomatie. À cela s’ajoute une certaine arrogance française voulant que nous puissions être accueillis en terrain conquis au simple motif que le général de Gaulle fut l’un des premiers chefs d’État à reconnaître la Chine communiste.

Mais, ce faisant, l’homme de la Cinquième République n’était pas celui de calculs d’épiciers d’arrière-boutique. Il composait avec les États, quelles que soient leurs colorations politiques respectives, stratégie suivie, avec un peu de retard, par Henry Kissinger, alors Kaiser de la Maison-Blanche.

Pour aller plus loin, nous sommes également en droit de nous demander pourquoi il faudrait à tout prix fourguer des voitures à des Chinois, parfaitement capables de les fabriquer seuls comme des grands, tout en acceptant l’importation massive de produits que nous sommes de longue date en capacité de produire. Comme si ce commerce international était devenu une sorte d’indépassable horizon.

Cela posé, ce serait miracle qu’Emmanuel Macron puisse se faire respecter de ses interlocuteurs. Lui raisonne à court terme – 2022, la prochaine échéance présidentielle, c’est demain –, alors qu’en face, c’est en millénaires qu’on réfléchit. À sa façon, un Donald Trump a opté pour une autre stratégie, celle du bras de fer, ayant manifestement saisi la teneur des enjeux économiques et mondiaux de demain.

Ce n’est pas forcément le cas d’Emmanuel Macron, dont la seule force de frappe embarquée dans ses bagages consiste en la présence de l’acteur Guillaume Canet, pressenti pour tourner un prochain film inspiré des aventures d’Astérix, censé se confronter à ce même empire du Milieu.

Il est à craindre qu’en Chine, on n’ait pas fini de se dilater la rate, dans la Cité interdite. Chez nous, il n’est pas interdit de rire non plus ; même jaune.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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