Macron en hausse grâce à la guerre : pourquoi c’est malsain, limité et trompeur

Son camp se réjouit mais 68 % des Français ne lui font toujours pas confiance...
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Il y a deux mois, exactement, la cote de popularité d'Emmanuel Macron s'était effondrée à un plus bas niveau historique de... 18 % : six mois après la dissolution, les Français lui imputaient l'instabilité gouvernementale qu'il avait lui-même créée. Le même institut de sondage (Elabe pour Les Échos) enregistre aujourd'hui une hausse de six points qui lui permet d'effacer cette chute : Emmanuel Macron retrouve sa popularité post-JO de... 27 %.

En hausse, mais toujours très bas !

Rien de bien glorieux, surtout si l'on ajoute que le chiffre des mécontents s'élève toujours à 68 % et qu'il ne s'est effrité que de 3 points. L'objectivité commanderait de conclure qu'Emmanuel Macron est enkysté dans une impopularité massive, et qui n'est affectée qu'à la marge par des événements pourtant planétaires : Jeux olympiques, guerre (ou paix ?) en Ukraine. Les observateurs honnêtes sont bien obligés d'en convenir : notre confrère des Échos souligne que « le niveau de défiance reste élevé et s'inscrit dans la moyenne observée depuis mai 2022 ».

Un rebond à fortement relativiser

Le spécialiste opinion Paul Cébille insiste sur le caractère très relatif de cette embellie :

Un rebond, donc, mais qui rebondit de moins en moins haut, et qu'il faut relativiser à plusieurs niveaux, au-delà même de l'impopularité massive de Macron. Si l'effet drapeau est incontestable, Marc Baudriller a bien vu qu'il s'amenuisait à force d'être surexploité à outrance et à contretemps par Macron : le mot « guerre » instrumentalisé, d'abord contre un virus puis lors de l'invasion de l'Ukraine et maintenant quand il est plutôt question de paix depuis les initiatives de Trump, commence à perdre de sa magie sondagière.

Rappelons qu'avec le Covid-19, en 2020, la cote de Macron avait pris 13 points, pour dépasser 50 % ! Nous en sommes très loin.
Car - et c'est la définition de l'effet drapeau - toute inquiétude touchant à la sécurité des Français (guerre, terrorisme, crises internationales) les conduit automatiquement à serrer les rangs derrière le Président. Derrière la fonction. Hollande lui-même en avait bénéficié, après les attentats islamistes, avec des rebonds de popularité bien plus conséquents de 20 points ! On sait ce qu'il advint de cette popularité... Même François Mitterrand, qui avait bénéficié d'un bond de 19 points lors de la guerre du Golfe en 1991, avait très vite reperdu cet éphémère capital dès l'été 1991. L'effet drapeau constitue bien une réalité politique, mais sa loi est implacable : la chute sera symétrique.

Les Français ne sont pas dupes

Et elle pourrait d'ailleurs intervenir rapidement, si l'on observe plusieurs indices qui montrent, derrière ce timide effet-drapeau, la grande incrédulité des Français et leur inquiétude quant à la gestion d'Emmanuel Macron. Tout d'abord, malgré la dramatisation à outrance (en gros, les Russes sont à nos portes) - depuis l'allocution présidentielle d'il y a dix jours jusqu'à la remarque indécente de Gérald Darmanin sur la responsabilité russe dans les attentats islamistes -, les Français continuent de placer la menace islamiste en tête de leurs inquiétudes ! La même enquête des Échos livre ces chiffres qui scellent l'échec de la propagande macroniste : les « menaces qui inquiètent le plus les Français » sont le terrorisme islamiste pour 46 %, la politique américaine pour 43 % mais aussi l'immigration incontrôlée pour 39 %, alors que la menace militaire russe n'arrive qu'à 31 %, malgré le tintamarre russophobe du pouvoir. Autre signe de méfiance et de lucidité des Français : l'idée d'un financement exceptionnel de notre effort de défense qui se profile, avec un concours Lépine pour ponctionner l'épargne des Français, est clairement rejetée par l'opinion : un sondage Odoxa publié jeudi sur BFM TV indique que 58 % des Français y sont opposés. De quoi, là encore, relativiser le petit rebond d'un Président très impopulaire. Tous ces chiffres montrent que les Français sont très loin de « faire bloc », selon l'expression de Mitterrand dans son allocution de janvier 1991, derrière leur Président actuel.

Macron et la dissuasion : la leçon de Michel Debré

Et cela pose la question de la légitimité des décisions prises en ce moment par un aréopage européen de dirigeants impopulaires et en bout de course, comme Macron, ou mal élus, comme le nouveau chancelier allemand, sans compter l'illégitimité totale d'une Ursula von der Leyen. Problème décuplé dans le cas de Macron, Président du seul pays de l'Union européenne à détenir la puissance nucléaire. Lisons, à ce sujet, le préambule du premier Livre blanc sur la défense, publié en 1972 . Il est signé d'un certain Michel Debré, alors ministre d'État chargé de la Défense nationale. Un texte qui, dans le contexte actuel, prend une résonance nouvelle.

« Quelles que soient les modalités d'une défense, aucune politique n'a de valeur sans consentement national. À l'époque où le fait nucléaire remet le geste ultime à un seul homme, à savoir le président de la République, responsable suprême qu'a investi le suffrage universel, le pays doit adhérer à la défense, et pour qu'il adhère, il doit comprendre. La dissuasion, si elle est nucléaire, est aussi populaire : au-delà de l'adhésion, la participation est indispensable » (Livre blanc sur la défense).

L'impopularité massive d'Emmanuel Macron devrait l'inciter à la circonspection. Et ses soutiens aussi.

Une joie malsaine

Cela ne rend que plus déconnectée la satisfaction malsaine exprimée par les macronistes sur les réseaux sociaux à la lecture de ce mini-rebond : si la menace était si grave, le pays directement menacé, l'ennemi à nos portes, peut-être faudrait-il adopter une autre communication que ces sourires, ces airs satisfaits du Président avec des « +6 points » en arrière-plan. Mention spéciale pour les JAM, les « Jeunes avec Macron », qui multiplient les messages de ce type.

Un dernier chiffre, pour ramener ces irresponsables au réel : dans ce même sondage des Échos, Jordan Bardella, déjà très haut, gagne encore deux points.

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Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

88 commentaires

  1. Certains français n’ont encore rien compris, ces français sont incultes, ils n’écoutent que la comédie de notre président et ne sont pas capables de réfléchir aux conséquences. Comme ceux qui boivent encore les paroles de Mélenchon. , malgré le racisme qu’il propage avec la complicité de certains élus et magistrats.

  2. A 74 ans, personne ne m’a jamais sondé pour me demander mon avis, qui de toute façon ne fera pas remonter la cote du va-t-en-guerre. C’est exact que le Français est un veau qu’il faut prendre par la main pour lui dire quoi faire. C’est facile de regarder des sondages orientés et ensuite de voter. Ce n’est pas faire preuve de courage, mais ça il y a belle lurette que le Français est assis dessus, sur le courage bien sûr.

  3. On va aller chercher les grands patriotes dans les banlieues ,et les former au maniement des armes pour en faire des bons soldats pour défendre la FRANCE !! J’ai quelques doutes sur le résultat et les conséquences !

  4. Très méfiant à l’égard de ces sondages qui donnent des points supplémentaires à ceux en perte de vitesse. Si cela conforte quelques uns, la majorité, en phase de réveil, est de moins en moins sensible à l’enfumage.

  5.  » Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes  » écrivait Machiavel, et Macron malgré ses dénégations et celles de son entourage en a fait son affaire, avec succès, du moins sondagier. Cela n’a rien d’étonnant, la naïveté pour ne pas dire la bêtise des français étant confondante, mais prudence, car à trop tirer sur la corde , elle finit pas casser. Un brutal retour sur terre pourrait intervenir, par exemple à l’occasion d’une prochaine et prévisible crise gouvernementale, car le pays continue sa descente aux enfers et l’enfumage apparaitra dans toute sa clarté.

  6. Lors de la « convocation » des chefs d’états majors de l’UE, mais pas que, nôtre chef des armées et néanmoins chef de guerre m’a fait penser à Napoléon Bonaparte congratulant ses maréchaux rangés en rang d’oignons !! En cet instant combien il a dû se sentir grand ? Le maître de l’Europe, comme Napoléon mais sans l’intelligence stratégique ni l’expérience des guerres. Nous avons eu le premier Empire, le second Empire, Le troisième « En pire » c’est lui.

  7. Propager la panique est une vieille ficelle qui marche toujours apparemment. Le président est prêt à tout pour garder le pouvoir. En le voyant agir il est difficile de l’imaginer retourner dans l’anonymat. Ne va-t-il pas être tenté de changer la constitution pour se représenter une nouvelle fois ? J’avoue que je m’attends à tout de sa part. Des rumeurs de guerre ne peuvent que lui servir dans ce but. Nous devons être vigilants. Quand je pense que nous devons attendre encore deux ans avant de s’en débarrasser je suis inquiète.

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