Macron en visite chez Poutine : la fin du « en même temps » ?

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Il n’y a pas qu’Emmanuel Macron, parti en voyage diplomatique à Moscou et à Kiev pour tenter de désamorcer la crise russo-ukrainienne, qui sache jouer du « en même temps » ! Vladimir Poutine excelle lui aussi en cet exercice. À en croire Le Figaro du 6 février, la maître du Kremlin aurait ainsi assuré à celui de l’Élysée : « Tu es un interlocuteur de qualité. Je t’attends. Nous prendrons le temps d’aller au fond des choses. » Mais, encore dans le « en même temps », les médias moscovites dénoncent, toujours selon la même source, une « Amérique hystérique » et une « Europe sans voix et sans visage ».

Fortuitement, il se trouve qu’Emmanuel Macron est désormais la seule « voix » et le seul « visage » de cette même Europe, pour cause de transition de pouvoir en Allemagne et de Brexit anglais. C’est peu, mais c’est déjà ça. Certes, la position française est fragilisée par un Président sortant et tardant à entrer en campagne ; mais le nouveau tsar sait qu'il doit faire avec. Après, que négocier ? Là est toute la question : lors des chutes conjointes du mur de Berlin et de l’URSS, un accord tacite fut plus ou moins acté, obligeant la Russie à relâcher la pression sur ses frontières occidentales tandis que l’OTAN s’engageait à ne pas davantage pousser ses pions vers l’Est.

Ce gentlemen's agreement a volé en éclats depuis longtemps. En effet, quand les USA ne crient pas à un « péril islamiste » depuis longtemps couvé par leurs troubles alliances avec l’Arabie saoudite, les voilà qui ressortent désormais du chapeau leur ancestral tropisme antirusse. Logique, sachant que le principal cauchemar des analystes de la CIA demeure une alliance entre Paris, Berlin et Moscou. Soit un axe susceptible de faire pièce aux ambitions américaines sur le vieux monde. Ancestrale lutte entre tellurocratie et thalassocratie, empire des terres contre celui des mers, dualité existentielle naguère apprise aux aspirants du Quai d’Orsay mais un brin oubliée depuis.

« En même temps », Washington s’oppose à Pékin, empire à la fois tellurocratique et thalassocratique, continental et à vocation océanique. Bien malgré lui, Vladimir Poutine, sommé de choisir ses alliés pour cause de stratégie occidentale inepte et de politique européenne évanescente, est poussé dans les bras chinois. En son temps, Henry Kissinger n’avait pas ménagé ses efforts pour briser cet axe sino-russe, poussant Richard Nixon, pourtant anticommuniste fervent, à tendre la main à son homologue Mao Tsé-toung. C’était une autre époque…

Et aujourd’hui ? Emmanuel Macron, qui sait tout cela, se trouve à la croisée des chemins. Lui qui fut l’un des premiers à courageusement évoquer « la mort cérébrale de l’OTAN » est précisément le même qui tente de redonner chair à cette chimère. Celle d’une OTAN qui, dépassant largement ses prérogatives d’origine – la lutte anticommuniste –, aurait désormais vocation à devenir le gendarme du monde, au mépris des plus élémentaires intérêts européens en général et des nôtres en particulier.

À ce titre, il est intéressant de voir un Emmanuel Macron, il y a cinq ans candidat d’une France redéfinie en « start up nation », conception typique d’un « nouveau monde », venir maintenant au secours du « monde ancien », quand la raison froide des États primait sur l’émotion médiatique.

En de telles circonstances – une possible guerre à l’est de l’Europe –, on voit bien les limites de cet « en même temps » présidentiel, sachant qu’en la circonstance, le Président sortant ne joue pas que sa propre réélection mais le destin de notre vieille Europe. Dernière question découlant des précédentes : la France a-t-elle comme unique vocation historique de jouer les harkis des Américains, à se laisser embringuer dans son combat contre la Russie et la Chine ? Il n’est pas sûr que, dans cette configuration nouvelle, le « en même temps » élyséen puisse tenir longtemps.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

63 commentaires

  1. Voilà donc le macron, celui qui se prend pour le petit caïd de l’Europe , face à Poutine Ce dernier doit au fond de lui même bien rire en sachant ce que vaut réellement ce macron , petit arrogant prétentieux et manipulateur espérant se faire valoir à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle alors qu’il ne fait rien de tous les problèmes qu’il y a en France

  2. Le baron Macron ambassadeur de la cour du roi américain face au Tsar de toutes les Russies, le grand wladimir Poutine.
    Reçu à distance devant une table sans fin. Un général de Gaulle n’aurait jamais accepté d’être autant ridicule. C’est le dernier acte d’une mauvaise pièce qui se joue avec dans le rôle principal un mauvais acteur.

  3. Si Sarko ne nous avait pas embrigadé dans l’ OTAN nous pourrions discuter sérieusement avec Poutine. Macron n’ a aucune valeur ni compétence pour parler au nom de l’ UE et encore moins en celui de l’ OTAN. Tout le monde le sait et se rit de la France
    Macron fait sa campagne électorale

    • « Si Sarko ne nous avait pas embrigadé dans l’ OTAN nous pourrions discuter sérieusement avec Poutine. » Sérieux, là? N’oublions pas que notre cher président est soumis à plusieurs patrons en cascade : d’abord Bruxelles, puis Berlin , puis l’OTAN, puis Washington, puis Wall Street, sans oublier le trio maléfique Schwab-Soros-Gates.
      Marge de manœuvre? zéro. Comme tout ce qui le touche.

  4. Vivent les Entremêts Franco-Russes et les entremises hors OTAN. Cet organisme représente la force des U.S.A. et prétend gendarmer le monde sous sa férule . Forcément Poutine assiègé de toutes parts sauf au sud-est va y chercher l’aide.
    Biden voudrait une guerre en Europe moins douloureuse qu’en Mer de Chine !

  5. Poutine reste le maître des horloges , Macron le sait mais tente de redorer son image en vue de sa réélection – au delà des idées, la distance entre les deux hommes apparaît comme une humiliation à mon sens mais je me trompe peut être.

  6. Sortir du commandement intégré de l’Otan, sortir des instances juridiques européennes type CEDH, construire et installer un groupe aéronaval dans le Pacifique, là où se situe l’essentiel de notre domaine maritime, le deuxième du monde à égalité ou presque avec celui des USA, nouer un partenariat économique privilégié avec la Russie (pays en déclin rapide et qui en a besoin avec un PIB équivalent à celui de l’Espagne), voilà qui permettrait sans doute de redorer notre blason

  7. Macron voulait redorer son blason en rencontrant Poutine , c’est raté ! J’ai écouté le discours de Macron , comme à son habitude , Macron le Verbeux qui fait un tas de périphrases et de poncifs , alors que Poutine en termes clairs a expliqué son point de vue. Le chant du petit coq Macron n’a nullement convaincu l’ours Poutine .

    • C’est ça, Macron noie ses interlocuteurs par des déclarations grandiloquentes qui donnent l’impression d’une analyse savante, c’est une rhétorique de garniture de laquelle il ne ressort en réalité que quelques phrases probantes. J’y vois modestement, une technique pour prendre l’ascendant verbal, mais dont les limites ne dépassent guère que ses sympathisants ou les sots faisant semblant d’y croire.

  8. La conférence de presse tardive d’hier m’a fait penser à l’excellent téléfilm « Saint Germain ou la négociation  » : ça, tu ne me l’a pas demandé, je te le donne, ça tu le veux mais tu ne l’aura pas.
    Poutine impassible sachant très bien où il va et comment il y va et notre Micron qui nous annonce, philosophe, que la géographie ne changera pas. Comment lui expliquer que l’Histoire non plus. Qui de la poule ou de l’oeuf se demandait Jupiter ?

  9. Avez vous vu le visage de Macron lors de son entrevue avec Poutine? Édifiant. Visage fermé et regard plein de haine et d’incompréhension (incompétence ? ). Il nous ridiculise une fois de plus.

    • Même constat : visage dur, regard haineux et main serrée crispée
      Aurait il eu conscience de son incompétence ? Ce serait bien surprenant chez un tel narcissique

    • On aurait dit un père faisant la leçon à son fils (Poutine pourrait en effet être le père de notre Macron).
      Mais au moins, soyons rassuré : les gestes-barrières ont été respectés.

    • Exact, je me suis fait la même réflexion : on avait l’impression qu’il avait du mal à comprendre ce que disait M. Poutine.

    • Il n’y a que de la haine et de l’incompétence chez lui pour la simple raison qu’il n’est que le valet de pied de Washington.

  10. D’accord avec l’analyse de M. Gauthier. Macron n’a aucune marge de manoeuvre car l’Europe n’a rien de nouveau à proposer. Il est un pion des USA et l’OTAN. Il fait que de la figuration. Il est en mission commandée qui sera sans suite.

  11. Grande table, traducteurs invisibles, les mesures barrières sont assurées !
    Jupiter a perdu son sourire narquois et son visage de gamin rayonnant renforçant ainsi son regard de rapace…
    Est-ce encore une partie de « qui perd gagne » ?

  12. Regarder sans aucun commentaire la photo des deux Présidents, Poutine recevant Macron, chacun à un bout d’une table de 4m de long, permet de comprendre immédiatement le rapport de force.
    Diplomatiquement, Macron se ridiculise, humilie notre France et son Europe.
    A virer le plus vite possible !!!

    • Je croyais qu cette photo était un montage… Comme quoi, je ne pensais pas que ce petit président serait humilié ainsi par le grand Président de la Russie.

  13. macron, le pantin-utile de Biden, parti la fleur au fusil éviter une « guerre » imaginée par ceux qui tentent de la provoquer, les mêmes qui affirmaient que l’irak avait tout un tas d’armes chimiques !

    • C’est en effet la même stratégie avec les mêmes mensonges, la même propagande et les mêmes faux documents… tout cela abondament relayé par les médias européens…

      Et nombreux sont ceux qui croient à cette nouvelle pandémie !

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