Macron est-il sincère ou intéressé quand il rend hommage aux pieds-noirs ?

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Emmanuel Macron vient de recevoir, ce mercredi 26 janvier, des représentants de « la grande famille des rapatriés d’Algérie », selon l’expression d’un de ses conseillers. L'Élysée avait auparavant souligné que son objectif était de « construire à terme une mémoire apaisée, partagée, commune à tout ce qu'ont été jusque-là les mémoires liées à la guerre d'Algérie et à la colonisation ». À entendre son discours, il s'agissait plutôt de se transformer en grand rassembleur des Français et de récolter des voix qui lui font défaut.

Si l'on n'a pas la mémoire courte, on se rappelle qu'en 2017, juste avant l'élection, l'ancien ministre de François Hollande avait déclaré, sur une chaîne de télévision algérienne, que la colonisation représentait pour lui un « crime contre l'humanité », une « vraie barbarie ». Devenu Président, il a choisi l'historien militant Benjamin Stora pour rédiger un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie et a rendu hommage à des complices du FLN. Il faisait ainsi plaisir à l'aile gauche de sa majorité. Aujourd'hui, il fait plutôt des appels du pied à la droite.

Dans son discours, le chef de l'État dit vouloir témoigner « l'attachement de la France aux rapatriés et à leurs familles ». Il évoque notamment la fusillade de la rue d'Isly, le 26 mars 1962, « impardonnable pour la République », où des dizaines de partisans de l'Algérie française trouvèrent la mort. La vérité n'a toujours pas été établie sur les circonstances de ce massacre où des soldats du 4e régiment de tirailleurs, non formés au maintien de l'ordre, ouvrirent le feu, sans sommation, sur une foule pacifique et désarmée, pendant près d'un quart d'heure, malgré les cris répétés de « Halte au feu ! » On relèvera officiellement plus de cinquante morts, dont deux fillettes de dix ans, et deux cents blessés.

Il y a quelque indécence à utiliser, par électoralisme, une telle tragédie pour chercher à apparaître, aux yeux des Français, comme un arbitre impartial de l'Histoire, alors que ses multiples déclarations antérieures ont montré où se portait sa sympathie. Il ne suffit pas de distribuer alternativement les bons et mauvais points des deux côtés pour en donner une vision objective : la stratégie du « en même temps » a ses limites. À sa décharge, les Présidents qui l'ont précédé, de droite ou de gauche, ont également cherché à séduire, avant les élections, ces rapatriés et leurs familles, se souvenant soudain de leur existence.

Rappelons aux plus jeunes, qui ne l'apprennent pas dans leurs manuels scolaires, que le soir même du 26 mars, s'exprimant à la télévision, le général de Gaulle n'eut pas un mot pour les victimes. Les hommes et femmes politiques de tous bords, qui se réfèrent à cette figure historique, évitent, pour la plupart, d'évoquer ses facettes noires, et notamment la façon dont il s'est débarrassé de l'Algérie, qui était une terre française. Sans doute, en comparaison de Macron, a-t-il la carrure d'un homme d'État, mais s'il a montré la voie de la résistance, s'il était soucieux de l'indépendance et de la grandeur de la France, il est loin d'être le personnage mythique qu'on en a fait.

Il n'est pas glorieux pour le Président en exercice d'instrumentaliser à son profit la douleur des rapatriés qui ont subi ces événements. Ni de prétendre conduire les Français sur le chemin de la « réconciliation » quand, pendant tout son mandat, il les a divisés. Les pieds-noirs et tous ceux qui aiment la France avaient déjà de bonnes raisons de ne pas voter pour lui. Ce n'est pas ce discours, dont on peut douter de la sincérité, qui les fera changer d'avis.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

142 commentaires

  1. Plus personne aujourd’hui ne peut ignorer qu’entre ce que pense et dit Macron, il y a des espaces abyssaux. Point besoin de commentaire idéologique sur ce phénomène politique qui aura déconstruit une France antérieurement affaiblie notoirement par Hollande qui ose ni plus ni moins nous faire peur en proposant une nouvelle candidature ! « Dieu sauve la France »!

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