Macron et Attal prêts à discuter avec le RN : aveu de faiblesse ou stratégie ?

MARINE LE PEN 2

L'Histoire retiendra que c'est un 6 février que Gabriel Attal a déclaré au Monde : « Certains disaient qu’il ne fallait travailler qu’avec l’arc républicain. Moi, je considère que l’arc républicain, c’est l’Hémicycle. » LFI et RN compris, donc. Et que c'est le jour du décès de Robert Badinter, et en présence de Dupond-Moretti, son aboyeur anti-RN, qu'Emmanuel Macron lui-même a confirmé cette (nouvelle) ligne. Pour le chef de l'État, il est « tout à fait normal » d'avoir des discussions avec le RN à l'Assemblée nationale : « On ne va pas considérer que telle ou telle formation politique aurait moins de droits parlementaires, moins de reconnaissance. » Du bon sens politique élémentaire. Mais s'ils le disent, c'est que cela n'allait pas de soi. En parachevant - tout au moins dans le discours - la normalisation du RN, que recherche l'exécutif ?

L'absence de majorité à l'Assemblée

D'abord à sortir de son impopularité et à éviter la défaite aux européennes qu'annoncent les sondages. Des sondages qui, pour la première fois aussi, donnent Marine Le Pen gagnante à la présidentielle. En cessant de stigmatiser le RN et ses électeurs, en acceptant même que certains amendements soient votés par ses députés pour s'assurer des majorités ponctuelles à l'Assemblée, comme l'a indiqué Macron à Bordeaux vendredi, l'exécutif cherche à pallier son absence de majorité absolue tout en faisant mine de parler aux millions d'électeurs RN. En fait, la logique du « en même temps » poussée jusqu'au bout. Et le groupe RN étant plus nombreux que le groupe LR, le calcul est compréhensible. Mais cette stratégie est en voie d'essoufflement, comme l'a montré le fiasco de la loi Immigration où l'hypocrisie macroniste est apparue en pleine lumière. Et la cacophonie du remaniement, en particulier à l'Éducation nationale, vient confirmer que Gabriel Attal, considéré comme « une très bonne arme de dissuasion contre le RN » (un ministre cité par Le Monde), est surtout un premier ministre de la parole, des éléments de langage : on a eu droit à des propos aux accents droitiers lorsqu'il était rue de Grenelle ou dans sa déclaration de politique générale, mais au final, on a Belloubet !

« Pas une main tendue »

Belloubet, devenue indispensable alors que s'ouvrait un nouveau front à gauche, car c'est du côté de la majorité, et son aile gauche, que les répercussions seront peut-être plus lourdes. De ce côté-là, sentant la fronde, on minimise, comme ce conseiller de l'exécutif cité par 20 Minutes : « Ce n’est pas une main tendue au RN ! La manière dont ça a été dit peut, peut-être, interpeller, mais la ligne est la même. »

Au RN, on a le sourire

Au RN, évidement, on boit du petit lait, mais sans être dupe : pour Thomas Ménagé, député RN du Loiret, « ils ont enfin compris qu’il n’y a pas de sous-députés et de sous-citoyens. Après on ne va pas les applaudir pour un simple respect minimum, mais on sent une évolution. » Pour le moment, cette stratégie n'a causé aucun dommage au RN : la liste de Jordan Bardella domine le match dans les sondages.

Surtout, cette extension de l'arc républicain voulue par Gabriel Attal place le RN au centre du jeu, ce qui étonne un cadre RN cité par 20 Minutes : « Je ne comprends pas leur stratégie qui consiste à parler de nous H24. Ils nous mettent au centre du jeu. Je ne comprends pas que le Président réponde à ce genre de questions. Il parle de nous en bien et nous remet au centre ! »

Si la presse de gauche s'inquiète de cette « stratégie à double tranchant » (Le Monde), pour Attal et la majorité, le RN doit lui aussi se garder des risques qu'elle comporte pour lui : normalisation, banalisation, récupération de ses thèmes et jusqu'à ces sondages très flatteurs (10 points au-dessus de la liste Renaissance) alors que la campagne a à peine commencé et que 2027 est encore loin.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

61 commentaires

  1. Déjà que je trouve le RN de moins en moins crédible, qu’il se méfie de ce genre de flateries venant de ces gens là. C’est un ancien électeur du FN et du RN vous le dit.

  2. Le grand maître de l’hypocrisie règne sur la France. Il a des serpents plein les poches et Marine le Pen n’est pas dupe. Mais plus que jamais c’est avec Zemmour qu’elle doit parler . Sans union des droites le jeu sera une fois de plus serré par les tricheries électorales, les coups bas et la délation médiatique aux ordres. Meloni l’a compris et a réussi à s’imposer. Pour 2027 l’ego démesuré doit rester au vestiaire, il en va de la survie de la France.

  3. Le temps et l’expérience sont deux amis inséparables qui ne peuvent que se méfier de la macronie si celle-ci se met à vouloir les séduire!

  4. Que le RN se méfie , stratégie du serpent pour entourlouper le peuple et lui faire croire que le RN adhère et fait copinage avec le gouvernement . Ils vont tout essayer pour discréditer le RN . Rappelons de l’affaire Fillon et d’autres avant lui .

  5. Je pense qu’il y a au moins deux raisons qui expliquent les multiples revirements de Macron : l’affolement généralisé qui règne dans son propre camp et son absence totale de convictions !
    Ces gens ne croient absolument en rien et illustrent à merveille le nihilisme de notre époque. Souhaitons au moins qu’on ait touché le fond et que le macronisme sera bientôt derrière nous.

    • J’y vois une autre raison. La révolte grandit et gronde partout en France et en UE. Les peuples ne croient plus en leurs élites, ils n’ont plus confiance en elles. Ils viennent de s’apercevoir, enfin, qu’en fait d’élites il s’agit de traites dont il convient de se défaire le plus vite. Les élections UE sont pour bien les élites essaient de dresser partout des pare-feu dérisoires, qui a se déjuger « par de la parole qui s’envole ». Çà eut payé, mais ça ne paie plus du tout. Tout cocu finit un jour par se cabrer.

  6. Discuter, c’est bien. De quoi ? Bon, il n’y aura pas _ apparemment _ de banalisation ( mais le soucis est que souvent, pour les Marcheurs, parler d’un sujet , c’est comme le solutionner :  » nous en avons parlé » etc ). De plus, il y a maintenant, petit à petit , un wokisme qui s’est installé sans que personne ne s’en étonne ( là, oui, il y a banalisation ). Je ne prend qu’un élément de ce wokisme « accepté » car homéopathique : la pub TV anti-homme Blanc_ à chasser _ de plus de 50 ans derrière son masque _ pour un système d’alarme.

  7. Je ne pense pas que le RN tombera dans le piège Macon/Attal qui ne durera pas entre autre. Ramener Belloubet rejetée d’après le Figaro à près de 80% en dit long sur le régime peau de bananes à la cléf pour eux.

  8. Opération séduction et flatterie ça peut rapporter gros un peu à droite beaucoup à gauche les petites rivières font de grands fleuves quand on n’a pas d’états d’âmes avec des personnes qui n’ont pas beaucoup de convictions le terrain est propice pour placer des opportunités en mal de reconnaissance c’est ce qui c’est passé avec le LR !!!

  9. La macronie pourrie voudrait compromettre le RN.Souhaitons que MLP ne tombe pas dans ce piège qui sonnerait le glas de ses espoirs européens et présidentiels.

  10. c’est un duo de fourbes macron-attal, ils essaient de faire du sentiment au RN pour que les électeurs de ce dernier partent vers zemmour, mais c’est mal barré, d’autant que madame Maréchal toute heureuse d’annoncer qu’elle va rejoindre le groupe de méloni au parlement européen et non le groupe ID ou est le RN alors qu’en France elle souhaite une alliance, elle parle de remigration, elle va vers méloni qui va régulariser 420 000 migrants, tout comme les LR Maréchal dit ici, et ferait le contraire à Bruxelles.

  11. Ils sont prêts à se prostituer pour garder leurs places le RN ne doit surtout pas s’allier avec de tels opportunistes sans fois ni programme

  12. Ce qui compte vraiment, c’est qu’avec huit ministres sur quatorze issus de la droite, le gouvernement de Gabriel Atal va pouvoir affronter le Rassemblement National avec une image médiatique adaptée à l’atmosphère printanière des prochaines européennes de juin.

    C’est déjà pas mal !

    • En ramenant la sinistre Belloubet dans son gouvernement, il va rappeler aux éventuels étourdis ce qu’est vraiment la macronie.

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