Macron et Papon

macron 17 octobre

Emmanuel Macron a donc déposé une gerbe en mémoire des victimes de ce qu’il est convenu d’appeler le « massacre du 17 septembre 1961 ». Et le Président de dénoncer « des crimes inexcusables […] commis sous l’autorité de Maurice Papon ». Ainsi, donc, s’il existe des crimes inexcusables, il y en aurait donc des excusables ? Lesquels ? En tout cas, ce dépôt de gerbe fut une première, suivie de celle, ce dimanche, du préfet Lallement, lointain successeur du préfet Papon. Didier Lallement n’a pas prononcé un mot à cette occasion qui était, elle aussi, une première. On imagine qu’il agissait sur ordre. Un préfet est, par définition, aux ordres. Aux ordres du pouvoir politique.

Sur ordre, comme Maurice Papon en 1961. Et c’est là que la déclaration d’Emmanuel Macron cloche. Comme d’habitude, il a voulu faire du « en même temps » : faire plaisir à ceux qui attendent que la France, une fois de plus, se couvre de honte, demande pardon, fasse repentance, tout en ne touchant pas aux idoles de notre Ve République. Papon, c’est l’homme qui sera condamné, en 1998, à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité, lorsqu’il était secrétaire général de la préfecture de Gironde, entre 1942 et 1944. On passera vite sur le fait qu’il fut député sous la Ve, maire de deux communes, ministre de Giscard et trésorier de l’UDR, ancêtre des LR... En citant Papon, Emmanuel Macron s’évite de nommer les responsables politiques de l’époque : le ministre de l’Intérieur Roger Frey, gaulliste historique, Français libre, le Premier ministre Michel Debré, lui aussi gaulliste historique, et, évidemment, le général de Gaulle, chef de l’État. Faire porter le chapeau sur le seul Papon, c’est commode, ça passe bien, vu que Papon était un salaud et que son nom résonne désormais dans l’inconscient collectif comme celui de Barbie.

Avec ce dépôt de gerbe, le président de la République a mis le doigt dans un engrenage. Du reste, du côté des associations et familles de victimes, on réclame maintenant que la France reconnaisse que la répression de cette manifestation organisée par le FLN fut un « crime d’État ». En lâchant le nom de Papon - de façon, avouons-le, un peu démagogique -, Emmanuel Macron a ouvert la voie à cette reconnaissance. En effet, Maurice Papon fut-il relevé de ses fonctions à l’issue de ces événements tragiques du 17 octobre 1961 ? Non. Un préfet – on le répète – agit sur ordre, et s’il agit de sa propre initiative, que le pouvoir politique ne le relève pas, c'est qu'il couvre ses actes et consent. Pouvait-il en être autrement, à l'époque ? Sans doute pas, compte tenu du contexte.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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