Macron, les oligarques et le capitalisme de connivence

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Narcisse ne supporte pas que l’on porte atteinte à son image. Son besoin vital de paraître le rend intolérant à la moindre critique. Si quelqu’un tente néanmoins de le faire tomber de son piédestal en le renvoyant à ses limites, voire à ses fautes, une métamorphose se produit qui laisse l’observateur pantois. Le masque du séducteur tombe et, derrière, apparaît soudainement le visage d’un sale gosse mal élevé, arrogant et provocateur : « Qu'ils viennent me chercher », « emmerder les non-vaccinés » et, plus récemment, en réponse à la polémique des « Uber Files », « ça m'en touche une sans bouger l'autre ».

En effet, Narcisse ne connaît pas la culpabilité. Bien au contraire, à l’écouter, c’est lui la pauvre victime : « Je conçois tout à fait qu’on veuille s’attaquer à ma pomme : ça fait cinq ans et demi, je suis habitué. » Alors que ses intentions étaient si pures : « Quand on croit dans la justice sociale, dans l’égalité des chances, il faut se battre pour que les jeunes qui viennent de milieux difficiles aient des emplois. » En réalité, les vrais coupables, ce sont ses détracteurs : « Ça n’a jamais été leur combat ! Moi, ça a été le mien. » Voilà, Narcisse est remonté sur son piédestal grâce à une nouvelle pirouette dont il a le secret.

Laissons de côté ses acrobaties et revenons au vrai sujet : nous sommes en 2016, un jeune ministre inconnu des Français souhaite devenir vizir à la place du vizir. Problème : il n’a ni parti politique derrière lui ni moyens financiers. Il a, cependant, d’autres cartes dans son jeu car il enchaîne les postes stratégiques : secrétaire général adjoint de l’Élysée, puis ministre de l’Économie. Voilà qui va lui permettre de se créer un sérieux réseau dans le monde des affaires et des médias. Une seule condition : montrer à ses nouveaux amis sa capacité à prendre en compte leurs intérêts… privés. Ça les mettra en confiance. Viendront alors les soutiens, les projecteurs et l’argent nécessaire pour bâtir une campagne disruptive.

Olivier Marleix, aujourd’hui président du groupe LR à l’Assemblée nationale, dénonce depuis plusieurs années l’influence grandissante des milieux d’affaires et les conflits d’intérêts au plus haut sommet de l’État. En 2019, il écrit au procureur de Paris afin qu’il enquête sur les conditions de la vente, en 2014, de la branche énergie du groupe Alstom à l’américain General Electric. Il évoque, sans détour, ses soupçons d’un « pacte de corruption » au bénéfice d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, lors de la signature du rachat. Dans un article du Monde du 17 janvier 2019, il indique « se questionner très clairement sur un lien éventuel entre le rôle joué par Emmanuel Macron dans plusieurs dossiers industriels et le financement de sa campagne ».

L’affaire McKinsey, médiatisée en avril dernier, viendra renforcer les soupçons de conflits d’intérêts. La question se pose d’un éventuel favoritisme dans l’attribution des contrats passés par l’État à ce cabinet. En février 2021, Le Monde avait publié une enquête sur les liens entre Emmanuel Macron et McKinsey. Les fameux « MacronLeaks », mis en ligne en 2017, avaient permis d’identifier pas moins d’une « vingtaine de salariés du cabinet très actifs » au sein de son équipe de campagne. Après sa victoire, plusieurs de ces consultants s’étaient retrouvés à des postes clés au sein de la Macronie ou dans des cabinets ministériels.

L’affaire des « Uber Files » ne fait que relancer les interrogations pesant sur la campagne d’Emmanuel Macron de 2017. On découvre le rôle qu’il a joué, lorsqu’il était ministre de l’Économie, pour aider l’entreprise américaine à s’implanter en France et déjouer l’hostilité du gouvernement auquel il appartenait. « Plus qu’un soutien, quasiment un partenaire », notait le journal Le Monde, le 10 juillet dernier. On apprend également que Mark MacGann, ancien lobbyiste en chef d’Uber Europe, avait rejoint son équipe de campagne et participé à l’organisation de dîners destinés à récolter des fonds, à Paris et dans la Silicon Valley.

À la lecture de ces affaires, on repense à cette séquence du débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle lorsque Emmanuel Macron tentait de discréditer Marine Le Pen en affirmant que celle-ci dépendait « de Monsieur Poutine » » du fait d’un financement obtenu quelques années plus tôt auprès d’une banque russe. L’art de reprocher aux autres ses propres turpitudes ? Ses petites phrases et ses provocations suffiront-elles, aujourd’hui, à écarter les soupçons sur un Président sous influence ?

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

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